Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
Les Assises de la Télémédecine organisées par l'Assurance maladie et le ministère de la Santé (DGOS) ont été lancées officiellement au siège de la CNAM à Montreuil le vendredi après-midi 27 juin 2025.
Elles se poursuivront dans sept Régions de septembre à la fin novembre avec des ateliers thématiques. Une restitution des travaux réalisés sera faite en décembre au ministère de la Santé.
Nous connaissons les thèmes des 7 ateliers régionaux :
ATELIER 1 : Télémédecine et publics vulnérables (Région GRAND EST), le 29 septembre à Nancy.
ATELIER 2 : Les modalités de la téléconsultation accompagnée (Région BRETAGNE), le 14 octobre à Rennes
ATELIER 3 : Quel lien avec les territoires ? (Région OCCITANIE), le 14 octobre à Carcassonne.
ATELIER 4 : La téléconsultation en Outre-Mer (Région MARTINIQUE et GUYANE), date et lieu à préciser.
ATELIER 5 : La téléexpertise (Région NOUVELLE AQUITAINE), le 12 novembre à Bordeaux.
ATELIER 6 : Pertinence, qualité et formation (Région ILE de FRANCE), date et lieu à préciser.
ATELIER 7 : Filières visuelles et auditives (Région NORMANDIE), date à préciser, le lieu est Caen.
Les freins à l'adoption de la télésanté sont les mêmes dans la plupart des pays de l'OCDE.
L'absence de réseau numérique ou l'existence d'un réseau instable à cause d'une pénétration insuffisante de l'internet.
Une fiabilité insuffisante du matériel et des logiciels, créant un manque de confidentialité et de sécurité informatique.
Une maintenance technologique insuffisante.
Un manque de connaissance et de formation des professionnels de santé, comme le reconnaissaient, dans l'étude InSIGHT, les médecins généralistes au moment de la pandémie dans 20 pays répartis sur les 5 continents ((https://telemedaction.org/422885857/452664440)
De mauvaises pratiques qui rendent le soin distanciel peu pertinent comme l'ont analysé au décours de la pandémie des universitaires américains issus de 4 universités du Massachusetts aux Etats-Unis.(https://telemedaction.org/432098221/450415051)
Un manque de confiance des patients dans la relation à distance, particulièrement présent chez les personnes âgées.
L'illectronisme chez les personnes âgées de plus de 70 ans, nécessitant un accompagnement lors d'une téléconsultation en Visio.
Une réticence, voire une opposition de certains professionnels de santé du fait de l'absence d'examen physique de la personne, que certains considèrent comme essentiel pour faire un diagnostic ou prescrire un traitement, malgré les données scientifiques qui montrent depuis 40 ans que l'évocation du diagnostic se fait à 70% lors de l'anamnèse et seulement à 5 à 10% lors de l'examen physique. L'opposition des médecins est particulièrement forte en France.
Un mode de financement qui fait souvent débat.
Quel développement de la télémédecine dans les pays de l'OCDE après la pandémie Covid-19 ?
Après un premier rapport publié en 2023 sur "l'avenir de la télémédecine après la Covid-19" (https://www.oecd.org/content/dam/oecd/fr/publications/reports/2023/01/the-future-of-telemedicine-after-covid-19_3b64f3d8/75ceb4f9-fr.pdf), l'OCDE publie un nouveau rapport en 2025 dont le titre est "Pratiques exemplaires pour l'avenir de la télémédecine : Mise en œuvre de la télémédecine après la pandémie" (https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/publications/reports/2025/01/leading-practices-for-the-future-of-telemedicine_d5392fd9/496a8ffe-en.pdf).
Nous rapportons ici les principales conclusions de ce nouveau rapport.
Une conviction des membres de l'OCDE
La télémédecine permet des évaluations médicales, des consultations de suivi et même des soins immédiats en permettant aux patients d'interagir à distance avec les professionnels de santé par le biais de téléconsultations par Visio, voire des conversations téléphoniques et des échanges sur des plateformes en ligne.
Un rappel des usages avant la pandémie et dans l'ère post-pandémique
Avant la pandémie de COVID-19, la télémédecine était utilisée de manière incohérente et souvent uniquement à des fins spécifiques de certains parcours de soins.
Lorsque les soins habituels en présentiel ont été bouleversés par les confinements et l'auto-isolement pendant la pandémie Covid-19, la plupart des pays de l'OCDE ont rapidement mis à jour leurs cadres réglementaires, juridiques et financiers afin de permettre le déploiement des soins en distanciel.
En 2019, on relevait seulement 0,6 téléconsultation par patient dans l'ensemble des 38 pays de l'OCDE.
En 2021, ce taux avait doublé et continuait d'augmenter régulièrement les années suivant la fin de la pandémie, même lorsque les soins habituels en présentiel étaient rétablis.
Dans l'ère post-pandémique
A côté des soins en présentiel, nous avons étudié comment les pays de l'OCDE ont pu intégrer la télémédecine dans les parcours de soins hybrides et utiliser des données probantes pour façonner des politiques durables et équitables des soins dans leur système de santé.
Notre rapport permet de repérer des pratiques exemplaires dans la mise en œuvre post-pandémique de la télémédecine et d'évaluer les pays de l'OCDE sur leurs capacités actuelles à poursuivre l'activité de télémédecine de manière durable.
En 2022, alors que le taux de téléconsultations ne représentait en France que 4% des consultations remboursées (dont 54% en médecine générale), il était de 15% en Slovénie, 22% en Australie, 27% au Royaume-Uni, 29% en Espagne (dont 54% en médecine générale), 30% au Portugal, 31% au Danemark, 31% en Israël, 37% en Estonie (dont 55% en médecine générale)..
En 2023, le reflux des téléconsultations se confirme en France avec seulement 2,2% d'actes remboursés, alors qu'il se maintient ou progresse dans plusieurs pays, dont l' Espagne (32%) et l'Estonie (35%).
En 2024, le taux de téléconsultation en France est de 2% (dont 36% en médecine générale) alors qu'il se maintient au niveau de 2023 dans la plupart des pays de l'OCDE.
Les principales conclusions du rapport 2023
La publication de l'OCDE en 2023 (voir ci-dessus la référence) avait identifié trois lacunes critiques dans la mise en œuvre et l'impact des services de télémédecine.
Premièrement, il y avait une lacune importante dans la plupart des pays à réaliser des mesures de l'activité et à analyser l'impact de cette activité sur le système de santé. Cela a empêchè de comprendre quelles étaient les attentes des patients dans l'usage de la télémédecine, ses résultats et son efficacité globale.
Deuxièmement, les mécanismes de financement actuels de la télémédecine n'incitent peut-être pas suffisamment à l'utilisation des services de télémédecine, ce qui entraîne des interrogations quant au rapport qualité-prix de cette activité.
Enfin, le caractère souvent fragmenté des soins entre ceux délivrés en présentiel et ceux délivrés en distanciel soulève des défis importants pour avoir la capacité de fournir aux patients des parcours de soins continus et coordonnés.
Les objectifs du rapport 2025
Notre rapport s'appuie sur des recherches documentaires et des entretiens auprès de 30 experts ou administrateurs en télémédecine des pays de l'OCDE, des organisations représentatives de patients et de professionnels de santé.
L'enquête a été réalisée entre février et mai 2024 avec comme objectifs principaux d'explorer les pratiques et les progrès réalisés dans les domaines suivants : la mesure de l'activité, son financement, son mode de gouvernance et son intégration dans le système de santé de manière durable et responsable.
La mesure de l'activité de télémédecine par :
La collecte continue de données sur l'activité et l'analyse en mode granulaire, laquelle précise le type de consultation à distance, les données démographiques sur les patients, etc.
L'établissement d'un processus d'évaluation et de stratégie par une structure dotée d'une gouvernance robuste dont la mission est de recueillir régulièrement les données d'activités, de les évaluer et d'élaborer des décisions stratégiques.
Le financement de l'activité :
De même que la télémédecine englobe de nombreuses formes d'exercice, il existe un large éventail de modèles de financement adaptés à chaque mode de soins. Certains modèles courants incluent :
L'utilisation de codes de facturation, par type et mode de service de télémédecine, avec des lignes cohérentes, doit permettre l'analyse et l'évaluation régulières des modes de financement afin de favoriser une pratique pérenne, fondée sur des données probantes avec des ajustements selon les objectifs politiques.
Une gouvernance qui assure :
L'intégration des processus d'engagement avec les différents utilisateurs de la télémédecine (public, patients, professionnels) dans l'évolution de l'activité.
L'établissement de directives cohérentes pour l'acquisition de plateformes de télémédecine et d'outils numériques, ainsi que l'établissement de normes de sécurité, de gestion des données et de fonctionnalité des solutions technologiques.
L'Intégration des soins distanciels dans des parcours hybrides :
Établir des parcours de soins et des cadres d'évaluation afin d'intégrer, financer et développer le nouveau modèle de soins hybrides.
Prendre des initiatives visant à améliorer l'accessibilité, l'inclusion et l'adoption de la télémédecine.
Des pratiques exemplaires de télémédecine
La nécessité d'une évaluation régulière
Les pratiques de télémédecine impliquent des évaluations régulières pour montrer leur efficacité et leur impact sur les soins, en veillant à ce qu'elles répondent aux besoins des patients et des systèmes de santé. De plus, les pratiques exemplaires visent l'amélioration continue en cernant et en comblant les lacunes en matière de couverture de la demande, d'équité et d'accès aux soins, afin de garantir que les services de télémédecine atteignent tous les segments de la population, y compris les personnes atteintes de maladies chroniques et les communautés isolées et mal desservies.
Les politiques doivent promouvoir la confiance, l'accessibilité et la durabilité dans la mise en œuvre de la télémédecine, ce qui contribue au succès de son 'intégration dans les systèmes de santé modernes.
Cette étude a révélé que seulement la moitié (8 sur 16) des pays de l'OCDE interrogés [Australie, Canada, Croatie, France, Allemagne, Pologne, Turquie et États-Unis] ont démontré une majorité de pratiques exemplaires. La pratique qui a obtenu le moins de résultats est liée à une granularité des instruments financiers pour l'usage des services de télémédecine, tandis que la pratique la plus performante était l'évaluation des coûts et du financement des modèles de télémédecine. Le Canada, la Croatie, la France, l'Allemagne, la Turquie et les États-Unis ont été les pays les plus performants, avec au moins 7 des 8 meilleures pratiques (voir tableau ci-dessous).
La mesure de l'activité de télémédecine après la pandémie
La collecte de données post-pandémiques et les pratiques de mesure variaient entre les pays de l'OCDE, mais la plupart n'utilisaient pas les normes ou les collections de données de télémédecine, pour réaliser une analyse approfondie ou des évaluations régulières de l'usage et de son impact. Les pays fédérés ont tendance à avoir des données fragmentés en raison de normes et de systèmes de collecte de données à plusieurs niveaux (régional et fédéral), en s'appuyant sur les informations de facturation, lorsqu'elles sont disponibles. Les pays non fédérés ont une collecte centralisée des données, mais sans avoir toujours la granularité nécessaire sur les patients, les professionnels et les services pour Informer efficacement les personnes et améliorer l'accès aux soins distanciels et la qualité des pratiques.
Les pays où les données sont disponibles, comme en Australie, au Canada et aux États-Unis, les évaluations ont donné des résultats plus approfondis permettant de mesurer l'impact de la télémédecine et de revoir de manière éclairée les politiques sanitaires. Cependant, seulement la moitié des 16 pays de l'OCDE qui ont répondu à l'enquête avait cette capacité de faire évoluer les politiques publiques de télémédecine. Des évaluations intégrées et régulières de manière continues et la collecte de données granulaires, grâce à une gouvernance et des normes solides, peut soutenir l'utilisation équitable de la télémédecine.
La révision des réglementations et du financement
Seuls quelques pays ont révisé et mis à jour la réglementation en vigueur au moment de la pandémie afin de moderniser les modes de financement, mettant parfois en cause la parité des prix pour les soins en présentiel et les soins en distanciel.
Les mécanismes de financement sont encore majoritairement la rémunération à l'acte ou le budgets global, comme en 2022, mais des progrès ont été réalisés dans l'intégration d'autres modèles de financement tels que la capitation (Portugal), les paiements structurés basés sur les résultats (Croatie), les subventions ( États-Unis). La plupart des pays ont souligné la pression financière exercée par l'augmentation de l'activité de télémédecine.
Alors que 11 des 16 (69 %) pays de l'OCDE disposent d'une analyse continue des coûts de la télémédecine, seulement 5 (Australie, Canada, Croatie, États-Unis et France) disposent d'une codification des actes pour la facturation suffisamment granulaire et complète pour aligner au mieux les politiques de financement pour une utilisation efficace et durable de la télémédecine. De plus, les pratiques et les codes de facturation varient souvent pour les soins primaires dans les pratiques transfrontalières, ce qui peut nuire à la collaboration, à l'analyse et à l'apprentissage.
Financement de la téléconsultation
La plupart des pays interrogés utilisent le paiement à l'acte avec remboursement pour les téléconsultations. Depuis la pandémie, les pays ont divergé dans l'évaluation des taux, des exigences ou la prise en compte d'autres modèles de paiement. Six pays interrogés (Australie, Belgique, Portugal, Canada, France, Suède) ont déjà révisé ou prévoient de réviser les taux et les modèles de paiement. L'Australie, le Canada et les États-Unis ont apporté des modifications à leurs calendriers de paiement, à la fois en élargissant l'accès par le biais de dérogations ou de différentiels de paiement favorables, mais aussi en limitant les exigences de remboursement ou en réduisant les frais pour décourager une adoption excessive.
Le Portugal est le seul pays interrogé à introduire un nouveau modèle de paiement à la capitation par rapport à l'ancien système de rémunération à l'acte (pour tous les services de soins, et pas seulement pour la télémédecine).
La Croatie utilise une approche basée sur la valeur des résultats, en faisant la distinction entre les téléconsultations à visée diagnostique et celles à visée thérapeutique.
Financement de la téléexpertise
D'autres formes de télémédecine, telles que la téléexpertise de médecin à médecin, sont peu couvertes financièrement et ne font pas l'objet d'un consensus dans tous les pays interrogés.
Le Canada et les États-Unis ont prévu des dispositions spécifiques dans leurs mécanismes de financement pour la téléexpertise, principalement par le biais de la messagerie sécurisée. Le Canada a mentionné l'évaluation et l'expérimentation continue de différents modes de financement de la messagerie sécurisée (p. ex., par visite (complexe ou simple), plafonds hebdomadaires, montant global), ainsi que les restrictions d'utilisation dans les soins aux patients (p. ex., les messages liés au traitement ou au diagnostic sont facturables, mais l'information générale sur le cabinet du professionnel ne l'est pas).
La France, l'Allemagne, la Pologne et la Slovénie ont partagé des mécanismes financiers pour soutenir les téléexpertises de médecin à médecin ou les réunions d'équipes cliniques multidisciplinaires. En France, plus de 256 000 demandes d'expertises (avril 2022 – juin 2023) ont été faites par des médecins généralistes, la plupart des « demandes » étant adressées aux spécialistes de la dermatologie, de la cardiologie, des maladies infectieuses et du diabète.
La plupart des autres pays de l'OCDE interrogés n'ont toutefois pas mis l'accent sur les évaluations ou les impacts de ces paiements au même niveau de priorité que les téléconsultations.
Favoriser l'intégration des pratiques de télémédecine dans les parcours de soins hybrides
Les soins continuent d'être trop fragmentés, bien qu'il y ait eu des améliorations récentes à prendre en compte, comme la valeur de la télémédecine pour les patients et les professionnels lorsqu'elle est intégrée dans les parcours de soins courants.
De nombreux pays, comme la Belgique, la Croatie, la Pologne et la Slovénie, ont conduit des tables rondes ou des discussions avec les patients, les professionnels de santé et d'autres parties prenantes sur les nouveaux modèles de soins hybrides par l'usage de la télémédecine, conduisant à des changements de politique sanitaire.
D'autres, notamment la France, ont mis en place une réglementation précise pour la télésurveillance afin de permettre sa mise à l'échelle et encourager l'adoption d'une télémédecine "intégrative" avec des pratiques combinées de télésanté. Cependant, la plupart des pratiques intégrées de télémédecines restent aujourd'hui au stade de projets pilotes ou de programmes. Les pays pourraient faire davantage pour s'engager et déployer la télémédecine, en plus de recueillir des données probantes pour mesurer la valeur et les défis de l'intégration de la télémédecine dans les parcours de soins hybrides.
En résumé,
Des progrès importants ont été réalisés pour mettre à jour la législation qui prévalait à l'ère pandémique afin d'élargir l'utilisation de la télémédecine. Toutefois, compte tenu de la permanence des soins distanciels en post-pandémie, les décideurs politiques devraient reconnaître l'importance de mettre en place une gouvernance solide, des évaluations continues et un engagement fort des patients et des professionnels pour permettre une télémédecine durable et "intégrative".
COMMENTAIRES. Cette enquête, réalisée par l'OCDE auprès des 38 pays membres, concernait le développement de la télémédecine en 2024. Elle complète la précédente étude de 2022 (publiée en 2023) qui faisait un état des lieux dans la période post-pandémie immédiate. Cette nouvelle étude a obtenu des données partielles auprès de 31 pays. Seulement 16 pays ont apporté des réponses complètes à l'enquête. 8 items dans les 4 domaines étudiés (mesure de l'activité post-pandémie, mode de financement, autorité de la gouvernance et intégration de la télémédecine dans les parcours de soins hybrides) ont permis d'identifier les 6 pays qui ont développé les pratiques les plus performantes de télémédecine au décours de la pandémie (Canada, Croatie, France, Allemagne, Turquie et États-Unis). Il nous a paru utile de faire connaitre ce rapport 2025 de l'OCDE au moment où la France lance, pendant une période de 6 mois, une réflexion collective sur les pratiques actuelles et futures de la télémédecine (téléconsultation et téléexpertise) et leur financement. Le lecteur verra que la France fait partie des 6 pays de l'OCDE considérés comme ayant une activité performante de télémédecine, mais elle se distingue aussi par un corps médical encore très opposé à cette nouvelle pratique médicale à distance.
4 juillet 2025