Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle

Tout médecin est-il capable de pratiquer la télémédecine sans formation initiale ? C'est ce que pensent en France de nombreux médecins interrogés lors de la préparation des Assises de la Télémédecine. (https://telemedaction.org/les-objectifs-des-assises/note-de-cadrage)
Existe-t-il une relation entre le faible usage de la téléconsultation en France (moins de 3% des actes par rapport à d'autres pays européens qui atteignent 25 à 30% des actes médicaux) et la faible motivation des médecins pour être formés ? On peut le penser, la réticence de 75 à 80% des médecins français à se former à la télémédecine contribue pour une part à son faible usage. Il y a aussi d'autres facteurs de résistance. (https://telemedaction.org/422016875/epp-en-t-l-sant)
Les professionnels paramédicaux français sont autorisés en France depuis le 3 juin 2021 à pratiquer le télésoin et la téléexpertise. Peu de professionnels en activité se sont engagés dans des formations de développement professionnel continu (DPC), telles que celles proposées par l'ANDPC. On peut penser que cette insuffisance d'engagement dans les soins distanciels pourrait être corrigée par une incitation à se former aux bonnes pratiques de la télésanté.
Une étude autrichienne, publiée récemment (septembre 2025), apporte la réponse à cette question : les auteurs démontrent qu'une formation en ligne à la télésanté a considérablement contribué à améliorer la sensibilisation, l'acceptation et l'intention des professionnels de santé à utiliser la télésanté, et a réduit les obstacles perçus. La particularité de cette étude est qu'elle concerne les professions paramédicales. Les professionnels de santé non médicaux seraient-ils plus sensibles au besoin de formation en télésanté que les professionnels médicaux ?
Telehealth Acceptance and Perceived Barriers Among Health Professionals: Pre-Post Evaluation of a Web-Based Telehealth Course. Rettinger L, Maul L, Putz P, Ertelt-Bach V, Huber A, Javorszky SM, Kupka-Klepsch E, Sargis S, Werner F, Widhalm K, Joseph R, Doci S, Kuhn S.JMIR Hum Factors. 2025 Sep 3;12:e74107. doi: 10.2196/74107.PMID: 40902201
INTRODUCTION
L'adoption rapide des technologies de télésanté a mis en évidence la nécessité d'une formation adéquate des professionnels de santé. L'éducation en matière de télésanté est de plus en plus reconnue comme essentielle pour préparer les professionnels de santé à fournir des soins à distance de manière efficace.
Toutefois, des incohérences existent dans l'intégration de la télésanté au sein des programmes d'études, de même qu'un manque notable d'une conception d'enseignement évaluant la formation en matière de télésanté.
Un obstacle important à l'adoption de la télésanté chez les professionnels de santé est le manque d'éducation et de formation spécifique au numérique en santé.
Par exemple, les programmes de soins infirmiers manquent souvent d'une formation adéquate en matière de télésanté, ce qui empêche les futures infirmier(e)es de délivrer des soins à distance aux patients.
De même, des programmes de santé connexes présentent d'importants déficits éducatifs dans la formation à la télésanté. Tout cela montre qu'il est urgent de mener des recherches, pour améliorer la qualité et la cohérence de l'enseignement en télésanté.
Les étudiants reconnaissent l'importance de la télésanté dans leur future profession, mais font état de faibles niveaux de connaissances et d'expériences en matière d'applications et d'usages. Cet écart souligne l'importance de doter les étudiants en santé des compétences nécessaires pour affronter un système de santé en évolution rapide.
Des initiatives de formation dans des disciplines spécifiques, telles que l'ergothérapie et la physiothérapie, ont montré qu'il était possible d'améliorer l'utilisation de la télésanté dans ces professions. Il a été démontré qu'elles renforçaient la confiance et la maîtrise de la télésanté chez les praticiens formés.
Toutefois, les programmes de formation en télésanté qui existent, soit ne sont pas spécifiquement élaborés pour certaines professions, soit ne répondent pas aux compétences requises pour la prestation de soins à distance. Cette limitation peut entraver l'adoption effective des pratiques de télésanté par les professionnels de santé.
Malgré ces défis, les résultats des études actuelles d'éducation et de formation à la télésanté témoignent d'une grande satisfaction des étudiants, nombre d'entre eux exprimant leur volonté d'intégrer la télésanté dans leur pratique future.
Des améliorations de compétence des étudiants en matière de résolution de problèmes, l'acceptation de la technologie dans les soins aux patients, les connaissances et la confiance en matière de télésanté et l'amélioration des compétences en communication, ont également été rapportés. Ces constats renforcent la conviction qu'ils utiliseront leurs compétences en télésanté dans la pratique future.
L'apprentissage en ligne, adapté aux besoins des apprenants, a le potentiel de faire évoluer les connaissances, les attitudes et la volonté d'intégrer la télésanté dans les soins de routine.
Malgré l'importance reconnue de l'éducation structurée en télésanté et les résultats positifs associés à de telles formations, il n'existe toujours pas de conception formalisée d'études qui évaluent son impact sur l'acceptation des professionnels de santé et sur les obstacles à surmonter.
En outre, il y a une pénurie d'offre d'éducation pour les professionnels de santé déjà en activité, qui n'ont pas reçu l'enseignement en télésanté au cours de leur formation universitaire initiale. Cette lacune laisse notamment de nombreux cliniciens en exercice sans compétences, ni connaissances pour adopter de manière efficace les technologies numériques et les pratiques de télésanté.
OBJECTIF DE L’ÉTUDE
Cette étude vise à évaluer l'impact d'un cours de formation en ligne sur les pratiques de la télésanté, en particulier sur l'acceptation de cette pratique distancielle par les professionnels de santé et sur les obstacles perçus pour leur adoption. L'étude vise à fournir des informations qui peuvent contribuer à l'amélioration de l'enseignement de la télésanté et à promouvoir l'intégration de la télésanté dans la pratique clinique.
MÉTHODES
Cette étude a utilisé une conception pré-post pour évaluer l'impact d'un cours de formation en ligne sur l'acceptation de la télésanté par les professionnels de santé et sur les obstacles perçus par les professionnels pour adopter la télésanté.
Les participants à cette étude étaient tous des professionnels de santé.
Les critères d'inclusion exigeaient que les participants soient des physiothérapeutes, des ergothérapeutes, des orthophonistes, des infirmier(e)s, des psychothérapeutes ou des diététiciens. Les professionnels d'autres établissements de santé étaient également autorisés à participer au cours et à l'étude d'impact, mais le contenu du cours restait spécifique aux professions de santé susmentionnées.
L'enquête a respecté l'éthique sur les pratiques de la recherche clinique, décrite dans la Déclaration d'Helsinki, c'est à dire : une participation volontaire ; une garantie d'anonymat, de protection des données et de confidentialité, une information préalable sur l'objectif et le contenu, la fourniture de coordonnées et la divulgation de l'organisation de la recherche et de la source de financement.
Tous les participants ont reçu des informations écrites avant leur participation. En remplissant le questionnaire, les participants ont donné leur consentement éclairé à l'utilisation anonyme de leurs données à des fins de recherche et de publication.
Le cours de télésanté en ligne était structuré en deux formats vidéo : un format général et un format spécifique à la profession. La partie générale du cours, que tous les participants devaient suivre, comprenait les vidéos suivantes : clarification du concept de télésanté (6 min), formulaires de demande d'un soin distanciel (18 min), aspects juridiques des soins à distance (18 min), aspects technologiques (18 min) et mise en pratique (30 min). Après la partie générale, les participants devaient visionner une vidéo adaptée à leur profession, d’une durée d’environ 30 minutes.
Collecte des données.
Avant de visionner les vidéos de formation, les participants ont été invités à répondre à un questionnaire démographique afin de recueillir des données telles que l'âge, le sexe, la profession, la situation professionnelle actuelle, le nombre d'années d'expérience, la clientèle principale, le rôle de l'État fédéral, la densité de population, l'accès aux soins perçu des patients (selon la profession de santé) et leur expérience générale et spécifique en télésanté. Des données sur l'acceptation (volonté d'adopter) et l'influence de la perception des obstacles à la télésanté ont également été recueillies avant et après l'intervention de formation à l'aide d'échelles standardisées. Enfin, les participants ont évalué leur satisfaction à l'égard de la formation.
Évaluation de l'impact de la formation en ligne
Nous utilisons un système de classification adapté à la télésanté (A “matter of communication”: A new classification to compare and evaluate telehealth and telemedicine interventions and understand their effectiveness as a communication process. M Colucci, V Baldo, T Baldovin, C Bertoncello Health informatics journal, 2019•journals.sagepub.com) pour évaluer l’expérience spécifique en télésanté et le niveau d'adhésion des participants.
Trois technologies sont recommandées dans cette approche : la télémétrie, c'est à dire la manière de collecter, de transmettre et d'analyser des données à distance, la "téléphasie" c'est à dire la manière de transmettre des informations sans communication sensorielle directe, la "télépraxie" c'est à dire la capacité d'agir à distance par la seule volonté ou par action mentale.
La télémétrie concerne la collecte de données : par l'examen (obtenir des résultats, effectuer des mesures), par la surveillance (des données vitales, des mouvements ou du comportement), par la description (consigner verbalement ou par écrit les antécédents médicaux du patient).
La "téléléphasie" concerne la transmission et l'échange d'informations : par l'annonce (diffusion publique d'informations sur la santé, par exemple sur des blogs, des vidéos, des sites Web), par la notification (transmission individuelle d'informations, par exemple sur les résultats de mesures, d'examens ou des constatations cliniques).
La "télépraxie" concerne le traitement et le conseil : par un justificatif (mettre en œuvre des recommandations thérapeutiques à domicile, fournir un soutien environnemental), par un intervenant (par exemple, traitement ou thérapie directe), par l'éducation (par exemple, éducation à la santé, information sur les modifications du mode de vie)
Après la formation, les participants ont rempli un questionnaire d'évaluation de la formation en ligne afin de connaître leur satisfaction quant au contenu de cette formation, leur plaisir subjectif, l'utilité perçue, la difficulté perçue, les acquis subjectifs et leur jugement sur la qualité de la formation. De plus, ils ont été invités à donner leur avis avec leurs propres mots. En septembre 2024, deux groupes ont été créés, constitués de participants volontaires pour discuter plus en détail du contenu de la formation.
RÉSULTATS
Participants
Au total, 365 professionnels de santé se sont inscrits au cours en ligne. 217 ont terminé le cours. Parmi les participants qui ont terminé le cours, 185 ont été inclus dans l'analyse : 63 physiothérapeutes (34 %), 48 ergothérapeutes (26 %), 38 orthoptistes (21 %), 20 infirmières (11 %), 9 orthophonistes (5 %) et 7 autres professionnels de la santé (diététicien, accompagnant en diabétologie, sage-femme, psychologue, ambulancier en formation, étudiant et administrateur). Le temps d'engagement moyen avec le contenu vidéo était de 198 minutes (minimum 40 ; maximum 3 015). 32 participants ont été exclus de l'analyse pour ne pas avoir atteint le seuil d'engagement minimum de 40 minutes.
Expériences de télésanté
Au total, 71 % (131/185) des participants ont déclaré n’avoir jamais pratiqué la télésanté avant la formation, 11 % (20/185) avaient une expérience de la télésanté, mais ne l’utilisaient pas et 18 % (34/185) utilisaient la télésanté au moment de l'étude.
Les participants expérimentés en télésanté utilisaient des appels téléphoniques ou par vidéo ou la communication asynchrone par messagerie sécurisée pour divers cas d'usage.
La télémétrie fut appliquée essentiellement pour la description par 95/185 (51 %), puis pour l'examen à distance par 35/185 (19 %), et pour la surveillance par 38/185 (21 %).
La téléphasie fut appliquée pour l'annonce par 64/185 (35 %), et pour la notification par 91/185 (49 %).
La télépraxie fut appliquée pour un soutien par 100/185 (54 %), pour une intervention par 49/185 (26 %), et pour l'éducation par 69/185 (37 %).
Après l'intervention, l'acceptation globale de la télésanté a augmenté de manière significative (p < 0,001, r = 0,21), en particulier pour la télémétrie (évaluation et surveillance à distance), la télépraxie (interventions à distance), les appels vidéo et la télésanté asynchrone. Les obstacles perçus à l'utilisation de la télésanté, tels que l'incertitude quant au cadre juridique, la protection des données et la qualité réduite des soins, ont diminué de manière significative (p < 0,001, r = 0,39).
La satisfaction après l'intervention était élevée, avec un score médian total de 76 à l'inventaire d'évaluation de la formation (IQR) (Intervalle Interquartile [IQR]). Les participants ont hautement apprécié la formation pour sa clarté, l'étendue de son contenu et l'inclusion de modules spécifiques à la profession.
Les commentaires qualitatifs ont souligné le souhait d'obtenir davantage de démonstrations pratiques, de composantes interactives et de conseils sur le soutien institutionnel et l'accessibilité des patients.
DISCUSSION
À notre connaissance, cette étude est la première à évaluer l'effet d'une formation pluriprofessionnelle post-universitaire en télésanté, destinée aux professionnels de santé en activité, sur l'acceptation de la télésanté et sur les obstacles perçus primitivement à son adoption. Les principaux résultats indiquent un impact positif significatif, soulignant l'importance d'une formation structurée en télésanté.
Selon le modèle d'acceptation de la technologie, l'intention d'utiliser une technologie est principalement déterminée par deux facteurs clés : l'utilité et la facilité d'utilisation perçues. Nos résultats suggèrent que la formation pourrait influencer ces facteurs clés, mais son impact sur l'utilisation de la télésanté reste encore incertain.
Les résultats statistiques ont montré une augmentation significative de l’acceptation de la télésanté et une réduction significative des obstacles perçus initialement parmi les participants, ce qui est cohérent avec les études précédentes qui soulignaient le rôle de la formation dans l’amélioration des connaissances en télésanté et de la confiance dans ses pratiques.
Les participants ont reconnu le caractère informatif et structuré du cours, en accord avec les études qui soulignent l'importance d'un apprentissage en ligne personnalisé pour les professionnels de santé. Cela souligne ainsi le besoin crucial d'une formation complète en télésanté, en particulier pour les praticiens ayant peu ou pas d'expérience préalable en télésanté, et qui représentent la majorité des participants dans cette étude (71 %).
Les participants ont identifié des défis clés, notamment des préoccupations concernant la protection des données, l'accessibilité des patients aux soins distanciels et les obstacles institutionnels, faisant ainsi écho aux conclusions précédentes de la littérature. Aborder ces questions au moyen d'exemples pratiques, d'opportunités d'apprentissage interactif et d'un soutien continu pourrait encore améliorer l'efficacité de la formation en télésanté.
Le résultat le plus significatif a été l'augmentation de l'acceptation globale de la télésanté après la formation. En particulier, l'acceptation de la télémétrie et de la "télépraxie" a augmenté, tout comme celle de la télésanté par appel vidéo et de la télésanté asynchrone. Cela suggère que la formation a aidé les apprenants à envisager un éventail plus large d'applications et de modalités de prestation de soins à distance.
De plus, il est important de noter que si la formation a considérablement accru l'intention des participants à adopter la télésanté, cela ne se traduit pas nécessairement par une utilisation concrète au quotidien. L'intégration de modules de formation plus pratiques, par le biais de formats d'apprentissage mixte avec simulations pratiques ou démonstrations en temps réel, pourrait faciliter la transition entre l'intention et l'utilisation concrète.
Au-delà de la simple ouverture des professionnels à la télésanté, la formation a également réduit l'influence perçue initialement d'un large éventail d'obstacles.
Avant l'intervention, les participants avaient identifié de nombreux obstacles. A la fin de celle-ci, la perception de ces obstacles a été réduite. Ce résultat indique qu'une formation structurée peut combler les lacunes en matière de connaissances et clarifier les modalités de mise en œuvre, rendant ainsi la télésanté plus envisageable.
La formation s'est avérée particulièrement efficace pour atténuer les inquiétudes liées au manque de formation et de directives standardisées. En fournissant des informations claires sur les cadres juridiques, l'utilisation des technologies et les stratégies pratiques, la formation a abordé directement ces questions.
Les obstacles liés aux patients et à l'environnement thérapeutique ont également été atténués. Notamment, les inconvénients perçus par les participants concernant la qualité et la satisfaction des patients pour la télésanté, ainsi que les inquiétudes concernant la réduction des interactions en présentiel et de la communication entre le patient et le praticien, ont été significativement réduits après la formation.
L'une des raisons possibles de cette amélioration est que la formation a fourni des stratégies concrètes et des exemples sur la manière dont la télésanté peut maintenir, voire améliorer, un engagement thérapeutique.
Cependant, certains obstacles n'ont pas été significativement réduits par la formation en ligne, tels que les compétences technologiques individuelles, l'usage du réseau numérique ou les questions de sécurité. La formation n'a pas non plus eu d'effet sur les attitudes négatives des patients ou des praticiens envers la télésanté avant la formation. Pour lever ces obstacles, il faudrait probablement privilégier l'apprentissage "expérientiel" et une intervention plus soutenue.
Les résultats qualitatifs soulignent aussi l'importance accordée par les participants au contenu complet et bien structuré de la formation, ainsi qu'aux modules spécifiques à chaque profession. Ils soulignent la nécessité d'un accompagnement continu, pratique et interactif pour intégrer la télésanté dans la pratique professionnelle quotidienne. Il sera essentiel de répondre aux questions non résolues, telles que la mise en place de canaux de télé-mentorat, l'affinement des questions juridiques et l'élaboration de stratégies d'engagement des patients, afin de garantir la viabilité clinique et l'inclusion des initiatives en télésanté.
Ces premières informations servent de feuille de route pour les futures versions de la formation. Compte tenu des changements d'attitude significatifs observés après seulement deux heures de cours, des courts modules « passerelles » pourraient être déployés en premier lieu pour renforcer la préparation des professionnels de santé, avant de proposer des formations plus intensives axées sur les compétences ou la certification.
L'intégration de l'apprentissage mixte et de la classe inversée, l'utilisation d'exemples pratiques, la mise à disposition de supports complémentaires et l'animation de forums interactifs pourraient amplifier l'impact de la formation. En combinant des cours en ligne ouverts et massifs, développés par nos soins ou par des tiers, ou des ressources éducatives libres, avec des sessions pratiques synchrones, les formateurs pourraient créer un environnement d'apprentissage riche et interactif.
Chaque apprenant pourrait aborder les composantes théoriques par voie numérique à son rythme, tandis que les sessions en direct se concentreraient sur des exercices pratiques, des discussions et l'application de stratégies de télésanté. En intégrant ces stratégies pédagogiques, les futures initiatives de formation pourraient mieux doter les professionnels de santé de la compréhension conceptuelle et des compétences pratiques nécessaires pour surmonter les obstacles à l'adoption de la télésanté.
Pour les décideurs politiques, les résultats soulignent l'importance de favoriser un environnement favorable qui traduise les politiques de santé numérique de l'UE en stratégies nationales d'éducation efficaces. Les décideurs politiques devraient collaborer avec les établissements universitaires pour promouvoir l'adoption de programmes de formation standardisés en télésanté et intégrer les compétences numériques dans l'éducation à la santé.
LIMITES DE L’ÉTUDE
Malgré ses points forts, l'étude présente plusieurs limites qui méritent d'être soulignées.
Une première limite est l'absence de groupe témoin. Sans groupe témoin, il est difficile d'attribuer les changements observés uniquement à la formation. Les études futures devraient envisager des études contrôlées et randomisées afin de mieux préciser les causes de l'impact positif.
Une autre limite réside dans la représentativité de la population étudiée. Les participants étaient auto-sélectionnés, ce qui pourrait limiter la généralisation des résultats à l'ensemble des professionnels de santé. De plus, les associations professionnelles ayant diffusé le lien de participation sous différents formats (publications sur leur site web, newsletters et courriels directs), nous ne pouvons déterminer le nombre exact de destinataires, ni calculer un taux de réponse précis, ce qui pourrait influencer l'évaluation du biais d'auto-sélection.
La troisième limite correspond à l'incertitude quant à l'exposition au contenu du cours, due au caractère de la demande de la formation. Le format en ligne ne garantit pas une implication totale des participants au contenu du cours, ce qui pouvait impacter les résultats. Cette limite a été atténuée en filtrant les résultats et en excluant les participants n'ayant pas visionné au moins 40 minutes des 120 minutes de contenu vidéo analysées. Ce seuil a été établi afin de garantir une exposition suffisante à l'intervention.
ORIENTATIONS FUTURES
S'appuyant sur nos résultats, les recherches futures devraient explorer les aspects suivants afin d'approfondir nos conclusions.
De futures études devraient examiner les effets à long terme de la formation en télésanté sur la pratique clinique et les résultats pour les patients, par une évaluation régulière des pratiques. De plus, les programmes de formation gagneraient à être enrichis de formations pratiques, telles que des simulations de cas et des modules interactifs pour combler le fossé entre théorie et pratique.
L'intégration de la télésanté dans les programmes de formation initiale en soins de santé pourrait permettre aux futurs professionnels d'être mieux préparés à l'intégrer à leurs soins de routine.
Pour atteindre les objectifs politiques, des investissements importants dans les infrastructures numériques et une formation ciblée des professionnels sont nécessaires pour exploiter le potentiel technologique. L'établissement de partenariats intersectoriels et la création d'un retour d'information continu entre les autorités de réglementation, les organismes de santé et les praticiens pourraient contribuer à garantir que les initiatives de télésanté restent flexibles, pérennes et adaptées à l'évolution des besoins de la pratique professionnelle clinique et de la demande des patients.
CONCLUSIONS
Une formation structurée et à la demande en télésanté peut améliorer la sensibilisation, l'acceptation et l'intention des professionnels de santé à utiliser la télésanté, et réduire la perception des obstacles.
Si nos résultats soulignent qu'une formation ciblée en ligne peut renforcer la confiance et la volonté des cliniciens à utiliser la télésanté, il reste encore incertain que cela conduise à une augmentation de son usage.
Les initiatives futures devraient intégrer des formats d'apprentissage mixte avec des exemples pratiques supplémentaires, des discussions en temps réel et un soutien continu afin de favoriser l'intégration sur le long terme de la télésanté dans les activités cliniques.
Sur le plan politique, nous suggérons des actions coordonnées au niveau européen, national et institutionnel afin de normaliser la formation en télésanté et de faciliter sa mise en œuvre concrète dans la pratique clinique quotidienne.
COMMENTAIRES. Cette étude autrichienne est intéressante. Elle démontre qu'une formation en ligne bien structurée peut améliorer la sensibilisation, l'acceptation et l'intention des professionnels de santé à pratiquer les soins distanciels par télésanté en permettant d'en réduire les freins dus à l'absence de connaissance et d'apprentissage. La méthode pédagogique utilisée par les auteurs autrichiens peut surprendre par les termes utilisés de télémétrie, "téléphasie" et "télépraxie", termes qui n'existent pas dans le vocabulaire des formations françaises, lesquelles ne proposent pas d’Évaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) en télésanté. La méthode autrichienne est une méthode d'EPP.
En France, nous mettons l'accent sur une formation théorique en soulignant l'importance des indicateurs verbaux et non-verbaux lors des échanges au travers d'un écran (https://telemedaction.org/432098221/450415051), ainsi que l'importance de l'environnement du médecin qui télé consulte (https://telemedaction.org/432098221/tlc-et-environnement-du-m-decin). Cette formation théorique, certes nécessaire, s'avère insuffisante pour corriger les dérives de la période Covid19. Les résultats obtenus par la méthode autrichienne montrent l'intérêt d'une formation par EPP.
Alors que les Assises de la Télémédecine cherchent à promouvoir la téléconsultation et la téléexpertise en réalisant des ateliers en région jusqu'en décembre 2025, les freins au développement de ces pratiques distancielles ne manqueront pas d'y être abordés. L'absence de programme d’EPP en télésanté dans le programme de formation continue française à la santé numérique proposé depuis 2023 par l'ANDPC aux professionnels en activité, est considérée par certains experts du sujet comme un frein au développement de ces pratiques de télésanté (https://telemedaction.org/422016875/epp-en-t-l-sant). L'étude autrichienne montre la voie à suivre.
28 septembre 2025
