Hôpital hybride : les bénéfices de l'intégration de la télésanté dans l'hospitalisation au domicile.


Si le développement de la prévention est considéré par certains comme la solution qui permettra de "sauver" notre système de santé en réduisant la prévalence des maladies chroniques liées au vieillissement (https://www.harmonie-sante.fr/sante-soins/acces-aux-soins/pr-franck-chauvin-prevention-est-seule-solution-sauver-notre-systeme), il faudra attendre quelques décennies pour mesurer l'impact de ces actions de prévention (tabac, alcool, surpoids, etc..) qui doivent être enseignées dès l'école. L'espérance de vie en bonne santé grâce à la prévention pourrait être le meilleur marqueur d'une telle stratégie. C'est d'ailleurs l'objectif que se donnent la plupart des pays de l'OCDE (https://www.observationsociete.fr/hommes-femmes/modesdeviehommesfemmes/lesperance-de-vie-en-bonne-sante-en-europe/).


Dans le cadre de la médecine hybride alternant des soins distanciels et des soins présentiels (https://telemedaction.org/422021881/m-decine-hybride-au-21-me-si-cle), l'hôpital hybride a également une place car elle se caractérise par l'hospitalisation à domicile (HAD) de certaines affections aiguës ou de traitements chroniques en alternance avec ou dans la suite d'une hospitalisation conventionnelle. Le concept de l'hôpital hybride se développe de plus en plus grâce aux apports des solutions de télésanté. Nous rapportons dans ce billet une publication récente d'une équipe de chercheurs israéliens.


Future Hybrid Hospital and Telehealth as a Significant Part of a General Medical Center. Niv Y, Dreyer J, Niv D.Isr Med Assoc J. 2024 Sep;26(8):529-532.PMID: 39254417 


Un changement de paradigme depuis la fin de la pandémie

L’émergence de l’hôpital hybride représente un changement de paradigme mélangeant le présentiel et distanciel pour optimiser la prestation des soins de santé.

La télésanté a fait une entrée significative dans les systèmes de santé pendant la pandémie COVID-19. Le recours à diverses initiatives de télésanté a augmenté pendant et après la pandémie. Aux États-Unis, environ 8 % des consultations en soins primaires se font désormais par télésanté (4% en France en 2024).


Les obstacles et les freins

Malgré la croissance rapide de la télésanté, plusieurs obstacles persistent. Les limitations technologiques, les défis réglementaires et la résistance au changement de la part des professionnels de santé et des patients constituent les principaux obstacles à l'adoption généralisée des services de télésanté.

La fracture numérique est aussi une préoccupation majeure dans la prestation numérique des soins de santé. Des facteurs socio-économiques, tels qu’un accès limité à l’Internet haut débit et aux appareils numériques, peuvent exacerber les disparités existantes entre les citoyens en matière d'accès à des soins de santé.


Le concept de l'hôpital hybride

Une part importante de l’hôpital hybride est représentée par l’hospitalisation à domicile, qui constitue une alternative à l’hospitalisation conventionnelle. Une telle approche ouvre l’accès des citoyens éloignés aux grands centres universitaires de niveau 3 et fait progresser l’équité en matière de traitement.

L'hospitalisation à domicile est devenue disponible dans plusieurs pays comme l'Australie, la Chine et les États-Unis, avec des résultats impressionnants pour les populations isolées. Selon le rapport McKenzie et coll, (The PRISMA 2020 statement: an updated guideline forreportingsystematic reviews.Page MJ, McKenzie JE, Bossuyt PM, Boutron I, Hoffmann TC, Mulrow CD, Shamseer L, Tetzlaff JM, Akl EA, Brennan SE, Chou R, Glanville J, Grimshaw JM, Hróbjartsson A, Lalu MM, Li T, Loder EW, Mayo-Wilson E, McDonald S, McGuinness LA, Stewart LA, Thomas J, Tricco AC, Welch VA, Whiting P, Moher D.BMJ. 2021 Mar 29;372:n71. doi: 10.1136/bmj.n71.PMID:33782057) les hôpitaux avec soins distanciels ont le potentiel de soulager les systèmes de santé surchargés, de rendre davantage de lits d'hôpitaux disponibles, de réduire le besoin de construire des hôpitaux physiques et d'économiser des millions de dollars.


Les hôpitaux hybrides avec l'usage de la télésanté sont désormais des solutions d'avenir pour gérer la demande d'hospitalisation et de soins ambulatoires (voir les deux figures ci-dessous). La communauté médicale devrait mieux étudier les risques et les opportunités, et ainsi établir des lignes directrices pour une prise en charge appropriée, de qualité et sûre.





















L'hôpital hybride pour l'hospitalisation                                    L'hôpital hybride pour les soins ambulatoires



COMMENTAIRES. Cette étude israélienne a repris le modèle publié en février 2023 par la Mayo Clinic aux Etats Unis : Advanced Care at Home (ACH):

(Implementation of a virtual and in-personhybridhospital-at-home model in two geographically separate regions utilizing a single command center: a descriptive cohort study.Paulson MR, Shulman EP, Dunn AN, Fazio JR, Habermann EB, Matcha GV, McCoy RG, Pagan RJ, Maniaci MJ.BMC Health Serv Res. 2023 Feb 9;23(1):139. doi: 10.1186/s12913-023-09144-w.PMID:36759867)

Dans leur première publication sur le modèle ACH, les chercheurs américains rapportent les résultats suivants :

Six cent quatre-vingt-six patients ont été admis au programme ACH, 408 en Floride et 278 au Wisconsin. Les diagnostics les plus fréquents observés étaient la pneumonie infectieuse (27,0 %), la septicémie/bactériémie (11,5 %), l'exacerbation d'une insuffisance cardiaque congestive (11,5 %) et les infections de la peau et des tissus mous (6,3 %). La durée médiane de séjour en phase aiguë était de 3 jours (IQR 2-5) et la durée médiane de séjour en phase "restauratrice" était de 22 jours (IQR 11-26). Le taux de mortalité au sein du programme était de 0 % et la mortalité à 30 jours était de 0,6 %. L'APR-DRG (groupe de diagnostic affiné de tous les patients) et le SOI (la gravité de la maladie) était de 2,9 (SD 0,79) et le taux de réadmission à 30 jours était de 9,7 %.


En 2019, la France disposait de 293 établissements d'hospitalisation à domicile (HAD). 19 300 patients pouvant y être pris en charge simultanément, ce qui représente 5,9 % des capacités de prise en charge en hospitalisation complète de court et moyen séjour du territoire, selon le rapport publié par la DREES en 2021 (https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-07/Fiche%2016%20-%20Les%20%C3%A9tablissements%20d%E2%80%99hospitalisation%20%C3%A0%20domicile.pdf). La moitié des capacités d'hébergement était gérée par des ESPICs.  Aucun ne pratiquait la télésanté avant la pandémie au Covid-19.

Le 9 octobre 2024, le journal Hospimédia publiait un communiqué révélant l'introduction pour la première fois en France de la télésanté dans 5 établissements HAD :

"L'éditeur de solutions de télémédecine Medaviz et le réseau d'établissements d'hospitalisation à domicile HAD France annoncent s'être associés pour déployer la téléconsultation assistée entre les infirmières effectuant les soins à domicile et les médecins des établissements".

Cette organisation innovante a été mise en place à l'été 2024 dans cinq structures HAD France. Via la solution de télémédecine Médaviz, les infirmières peuvent échanger avec les médecins praticiens de HAD France depuis le domicile des patients. Elles peuvent par ailleurs étayer la téléconsultation avec les constantes mesurées grâce au dispositif connecté One de Doc2u, utile en cas de contrôle de cicatrisation d'une plaie, de transfusion sanguine ou de chimiothérapie injectable.

Cette nouvelle organisation a l'avantage de réduire les déplacements inutiles, d'améliorer le suivi médical à distance, d'avoir une coordination optimisée et un accès facilité à l'expertise médicale. Un réseau d'une centaine de professionnels de santé est mobilisé, permettant le suivi quotidien de 40 à 60 patients par site, soulignent Medaviz et la HAD France.

Il faut se réjouir de cette introduction de la téléconsultation assistée dans les HAD françaises. Elle préfigure probablement un développement plus important de l'hôpital hybride dans les prochains mois et années. De telles organisations innovantes peuvent générer des économies à l'Assurance maladie.


20 octobre 2024