Services de télésanté dirigés par des infirmier(e)s en pratiques avancées.(2)


Dans un premier billet (https://telemedaction.org/422885857/t-l-sant-2), nous avons commenté le contexte et la méthodologie de cette remarquable étude australienne consacrée aux "services de télésanté dirigés par des IPA" ou APN (Advanced Pratitioners Nurses pour les pays anglo-saxons), travail de recherche réalisé par une équipe d'infirmières IPA de l'université de Brisbane en Australie. 

Ce deuxième billet traite des résultats et des conclusions que tirent les auteurs (autrices) de leur travail.

Nurse practitioner led telehealth services: A scoping review. Charalambous J, Hollingdrake O, Currie J.J Clin Nurs. 2024 Mar;33(3):839-858. doi: 10.1111/jocn.16898. Epub 2023 Oct 19.PMID:37859576


RÉSULTATS


Quelles sont les caractéristiques des études incluses dans cette revue ?

De toutes les études incluses (n=42), 3 étaient des études qualitatives, 5 des essais contrôlés randomisés et 34 des études descriptives quantitatives.

La prestation de services de télésanté dirigés par des IPA a été l'objet de 28 études (67 %), 14 études (33 %) portant sur la formation pédagogique en télésanté.

Les 28 études sur les services de télésanté dirigés par des IPA ont été publiées dans la littérature médicale de 2010 à 2022, principalement aux États-Unis (n= 21), en l'Australie (n= 4),  en Nouvelle-Zélande (n=1), au Royaume-Uni (n=1) et au Canada (n=1).

Les 14 études portant sur la formation des IPA en télésanté ont toutes été publiées aux États-Unis, entre 2019 et 2021.


Les participants à ces études étaient des patients adultes (n= 21), des parents/aidants de jeunes patients pédiatriques (n= 5), des étudiants en formation d'IPA (n= 13), des formateurs en IPA (n= 2) et des IPA en exercice (n= 3).


Parmi les 28 études sur l'accès aux soins par télésanté, 3 études donnent le point de vue des IPA et 13 le point de vue des patients. Les cohortes cliniques de patients comprenaient l'oncologie (n= 4), la périnatalité (n= 2), les maladies chroniques (n= 4), l'hépatite C (n= 1), le suivi postopératoire (n= 1), l'état de toxicomanie et dépendance (n = 1), l'accident vasculaire cérébral (n= 1), l'apnée obstructive du sommeil (n= 1), le COVID-19 (n= 1), les affections gastro-intestinales (n= 1), les affections cardiovasculaires (n= 3), la santé mentale (n= 2), la gestion de la douleur (n= 1), les pathologies ORL (n= 1) et les soins palliatifs (n= 1).


Parmi les 14 études centrées sur la formation des IPA, les spécialités rapportées était "l'IPA de famille" (une méta-spécialité américaine) (n= 4), l'IPA des soins de santé primaires (n= 1), "l'IPA de spécialité" (n= 7) dont trois études où la spécialisation n'était pas précisée.


Quelles sont les formes de services de télésanté dirigés par des IPA ?

La plupart des études font état de télésanté synchrone (en temps réel) par téléphone (n= 13) ou par Visio (n= 25).

Quatre études décrivent l'utilisation de modalités à la fois synchrones et asynchrones. En règle générale, les patients ou participants transmettent les données d'auto-évaluation de manière asynchrone, lesquelles sont alors analysées par les IPA et souvent suivies d'une téléconsultation. La technologie synchrone utilisée n'est pas précisée dans trois études. Une étude décrit comment les IPA utilisent la communication téléphonique comme solution de secours en cas de panne de l'équipement Visio.


Quel est l'impact des services de télésanté dirigés par les IPA sur l'accès aux soins ?

La plupart des études rapportent des résultats qui correspondent, soit aux domaines de disponibilité des patients et d'adaptation à ces services (n= 13), soit à leur pertinence d'usage (n = 14). Ces études illustrent également l'impact des services de télésanté sur la capacité des patients à s'impliquer eux-mêmes dans des soins dirigés par les IPA. Le caractère abordable sur le plan financier de ces services a été spécifiquement mentionné dans 7 études.


Une plus grande disponibilité pour la vie sociale et professionnelle.

Treize études portent sur cette disponibilité. Parmi les études rapportant le point de vue des participants ou patients, 6 ont identifié des avantages de la télésanté liés à la réduction du temps de déplacement et/ou des coûts qui étaient associés. Par exemple, certains ont indiqué que les participants étaient satisfaits du temps gagné à ne pas se déplacer et la perte du temps de travail évitée par rapport aux consultations en présentiel.

La réduction du temps de déplacement et des couts a été quantifiée dans 3 études de cohorte contrôlées et randomisées. Une étude a montré que les patients atteints d'hépatite C dans les régions reculées de l'Australie occidentale parcouraient entre 300 et 6 430 km (aller-retour) pour assister à des consultations en présentiel et que les services de télésanté étaient en mesure de supprimer cette contrainte. De même, une revue rétrospective des dossiers de patients vivant en Californie a fait état d'une économie totale de remboursement des frais de déplacement de 3 308,30 dollars.

L'accès aux soins facilité par la télésanté est davantage qu'une simple réduction de frais de déplacement. Plusieurs études signalent la satisfaction des participants à l'égard de la télésanté en raison de la possibilité d'obtenir un rendez-vous plus tôt, d'accéder à plusieurs cliniques offrant la télésanté. Une étude réalisée chez des patients atteints de cancer traités par chimiothérapie au domicile indique que 18,2 % des patients n'auraient pas cherché à se faire soigner si le service d'IPA n'avait pas existé.


L'adéquation du service de télésanté aux attentes des patients

Les points de vue des patients sur la pertinence des services de télésanté dirigés par des IPA ont été recherchés au moyen d'enquêtes de satisfaction (n= 12) ou de questions ouvertes en entretien personnalisé (n= 2).

Parmi les études qui ont réalisé des enquêtes de satisfaction, 12 rapportent des réponses positives après l'expérience de  téléconsultations. Par exemple, une étude rapporte que 93,4 % des patients étaient satisfaits de leurs soins distanciels avec les IPA. Une autre étude rapporte que 97,5 % des participants sont d'accord avec l'affirmation « cette téléconsultation a été bénéfique pour répondre à mes besoins/à ceux de mon enfant ». Une seule étude fournit une réponse neutre, ne trouvant aucune signification statistique entre les soins présentiels habituels et les soins distanciels par télésanté. Aucune étude n'a fait état d'insatisfaction avec la télésanté.

Différentes approches sont utilisées pour mieux évaluer la pertinence de la télésanté dirigée par des IPA. Parmi plusieurs exemples, citons 4 études qui ont posé la question de savoir si les patients recommanderaient ce service à d'autres patients, 2 études si les soins reçus étaient comparables aux soins en présentiel et 3 études qui ont cherché à savoir si l'IPA donnait des informations claires et appropriées. Les résultats de ces études indiquent que les participants ou les patients ont eu des expériences positives ou neutres dans ces domaines.

Les principaux facteurs qui ont réduit la satisfaction des patients à l'égard des soins de télésanté étaient le besoin perçu par les patients d'une consultation en présentiel (1 étude), une préférence pour le contact direct en présentiel (1 étude) et des préoccupations concernant la confidentialité des échanges à distance (2 études).

Cinq études font état de l'impact des services de télésanté sur l'usage d'autres services de santé. Des conséquences telles que la réduction des recours aux urgences (1 étude) et la réduction des rendez-vous manqués (1 étude) démontrent la pertinence des services de télésanté des IPA et leur capacité à améliorer l'accès aux soins. Par exemple, avant la télésanté, une étude fait état de 143 rendez-vous manqués chez les anciens combattants souffrant de douleurs chroniques, chiffre qui tombe à 25 après la mise en place de la télésanté. De même, une étude a fourni des soins de suivi par télésanté aux mères primipares et a constaté que le groupe d'intervention par télésanté avait des recours aux urgences considérablement moindres, des coûts moyens associés à cette pratique inférieurs et des taux de vaccination des nourrissons augmentés par rapport au groupe témoin qui bénéficiait des soins habituels.

La télésanté a également permis d'avoir un impact positif sur l'engagement et l'autonomisation des patients et d'améliorer leur auto-efficacité dans la gestion de leur santé. Quatre études ont rapporté des résultats liés aux expériences des patients. Faciliter l'auto-évaluation à domicile permet d'accroître la motivation à prendre soin de soi (1 étude), sauf lorsque l'engagement avec la technologie, comme l'utilisation d'une tablette, constitue un obstacle (1 étude).

L'un des avantages des services de télésanté des IPA est la meilleure coordination des soins obtenue grâce à des téléconsultations régulières. Le témoignage  d'un aidant auprès de patients pédiatriques atteints de maladies complexes déclare dans une étude :« vous ne réalisez pas à quel point nous avons besoin d'aide. Il y avait tellement de choses que j'étais obligé de gérer seule avant de bénéficier des services de télésanté ». Une autre étude rapporte des scores significativement plus élevés vis à vis de l'adéquation de la coordination des soins dans le groupe Visio par rapport à un groupe témoin de soins habituels.

Les résultats liés à l’utilisation de la surveillance asynchrone en combinaison avec la téléconsultation suggèrent des pistes prometteuses pour que les IPA utilisent la télésanté et augmentent leur disponibilité aux soins améliorant ainsi les résultats de la santé (1 étude). Par exemple, les résultats de cette étude montrent qu’en mettant en œuvre une autosurveillance suivie d’un soutien téléphonique par les IPA, l'importance des symptômes était statistiquement et cliniquement réduite pour les patients atteints de cancer.


Le caractère abordable sur le plan financier et la capacité de payer

Aucune des études incluses n’a fait état directement des coûts associés à la mise en place des services de télésanté dirigés par les IPA ou des coûts engagés par les patients. Les seuls coûts identifiés sont ceux liés aux déplacements, comme cela a été indiqué précédemment.

Une étude a fait état des dépenses liées à l’utilisation des services de santé, aux visites aux urgences, aux soins d’urgence et aux frais d’hospitalisation, démontrant que les mères à faible revenu du groupe d’intervention par télésanté avaient des dépenses de santé inférieures à celles du groupe témoin. Leurs dépenses de santé totales ont permis une économie de 56 056 $, soit 79 % en faveur de l’intervention par télésanté, même en tenant compte des coûts supplémentaires du service de télésanté


Quel est l'impact de la formation des IPA en télésanté ?

Parmi les 14 études axées sur l’éducation en télésanté, la plupart ont fait état de l’utilisation de la Visio synchrone (n= 13). Une seule étude fait état de la formation des IPA sur l’utilisation de la messagerie synchrone.


Thèmes d'enseignement

Les axes pédagogiques sont variés. Ils concernent l'« évaluation de l'état du patient » (n= 11), ses antécédents » (n= 7) et la planification des soins (n= 8). Les sujets les moins explorés sont le « financement » (n= 1), les « limites de l'usage de la télésanté » (n= 2) et la « collaboration entre les professionnels de santé via la télésanté » (n= 2). Les défis pour les étudiants IPA sont la difficulté de ne pas pouvoir effectuer une évaluation physique via la télésanté (1 étude) et la gestion des difficultés techniques liées à la mauvaise qualité audio et Visio (1 étude).


Les méthodes pédagogiques

Les méthodes pédagogiques varient en fonction des objectifs de l'étude.

La plupart des études utilisant un programme didactique (n= 7), des cours magistraux ou des modules en ligne, voire des simulations ou des examens cliniques objectifs structurés (ECOS) (n= 11).

Une étude a utilisé la simulation et a effectué une évaluation (réussite/échec), tandis que les autres études ont utilisé la simulation et l'ECOS comme expérience d'apprentissage non notée.

Une étude a examiné les performances des étudiants IPA dans une clinique offrant la télésanté. Plusieurs études ont sollicité les commentaires des étudiants au moyen d'enquêtes (n= 11), parmi lesquelles six ont utilisé des enquêtes avant et après l'intervention par télésanté, tandis que cinq ont utilisé uniquement des enquêtes après l'intervention.

Par exemple, une étude a utilisé une enquête post-simulation (à cinq points) sur une échelle de Likert, rapportant une valeur moyenne de 4,75/5 (SD = 0,5) pour la question suivante : « après cette expérience d'apprentissage, je me sens maintenant plus confiant dans mes compétences en matière de prestation de soins de télésanté ».

Une autre étude a utilisé une échelle de confiance des étudiants dans l'apprentissage après simulation, rapportant une valeur moyenne de 4,42/5 (SD = 0,40) (p= 0,017).

Plusieurs études ont souligné l’efficacité de la méthode simulations associée à des ECOS pour former les étudiants en soins infirmiers à la prestation de soins de télésanté. Les étudiants en soins infirmiers ont rapporté des résultats d’enquête positifs (n= 11) et des niveaux de confiance accrus par rapport aux résultats de l’enquête menée auprès des étudiants avant et après la simulation (2 études). Les simulations avec les ECOS ont également donné aux étudiants l’occasion d’accroître leurs connaissances en télésanté et les compétences nécessaires pour fournir des soins efficaces dans un environnement sécurisé(1 étude).


DISCUSSION


Notre travail a exploré l'impact des services de télésanté dirigés par des IPA sur l'accès aux soins, en utilisant une analyse déductive et une application a posteriori du cadre méthodologique de Levesque (Levesque, J. F.,Harris, M. F., &Russell, G.(2013).Patient-centred access to health care: Conceptualising access at the interface of health systems and populations.International Journal for Equity in Health,12(1).https://doi.org/10.1186/1475-9276-12-18). De plus, notre étude rend compte des processus et des priorités que les établissements d'enseignement ont choisi pour former les étudiants IPA à la prestation de services de télésanté.


La plupart des études font état d'un impact positif des services de télésanté en termes de commodité et d'efficacité. Les études incluses représentaient un éventail de domaines cliniques et de populations diverses, y compris, mais sans s'y limiter, les patients atteints de maladies chroniques, d'accidents vasculaires cérébraux, de pathologies pédiatriques, de soins palliatifs et de santé mentale. Toutes ces études démontrent la capacité et l'adaptabilité de la pratique des IPA à fournir des soins de télésanté qui répondent aux besoins d'évaluation, de diagnostic et de gestion des patients.

Dans un tel contexte de succès des services de télésanté, il est important de déterminer quels aspects des soins de santé peuvent être traités de manière optimale par télésanté et lesquels nécessitent une consultation en présentiel pour des raisons de sécurité ou de sensibilité culturelle.

Au début de la pandémie de COVID-19, un consortium international a examiné l'utilisation de la télésanté à l'échelle mondiale. Il a conclu qu'il existait une variabilité dans l'adoption de la télésanté et qu'un plan d'action international centré sur l'intégration de la télésanté dans les réponses de santé publique était nécessaire.

Notre revue souligne que les personnes issues de populations éloignées ou défavorisées peuvent avoir du mal à accéder aux soins de santé par télésanté en raison de problèmes liés à la technologie et/ou à la littératie en santé. Très peu d'études incluses dans cette revue portaient sur des personnes issues de populations défavorisées ou vulnérables et le sujet de la sécurité culturelle n'a pas été spécifiquement abordé. Une exploration plus approfondie de la manière dont les barrières linguistiques, socioéconomiques et technologiques peuvent être surmontées est justifiée pour garantir un accès équitable à la télésanté.

Les inquiétudes de certains usagers et patients concernant la nécessité d'une consultation en présentiel (1 étude) ou la préférence personnelle pour le contact en présentiel (1 étude) illustrent les défis inhérents aux services de télésanté. Répondre aux besoins des patients en matière de soins présentiels et la capacité de fournir des soins distanciels sûrs et efficaces via la télésanté est un exercice d'équilibre délicat tant pour les IPA que pour les autres professionnels de santé.


Une enquête américaine sur le point de vue des patients (n= 276) sur l'utilisation de la télésanté pendant la COVID-19 a révélé que les problèmes techniques sont les plus importants pour empêcher les patients d'utiliser la télésanté, et que les préoccupations concernant la confidentialité des échanges ont entraîné une hésitation à rechercher des soins de santé par télésanté. La même étude a révélé que 68 % des participants à l'étude étaient ravis et confiants avec la télésanté et les soins qu'ils recevaient  et que 42 % choisiraient les services de télésanté à l'avenir (Alhussein, S.M., Liu, X. (2022). Factors impacting patient perspectives on telehealth and remote healthcare during COVID-19: A mixed methods study telematics and informatics reports, 8. https://doi.org/10.1016/j.teler.2022.100033).Les moyens par lesquels les IPA et les services de santé établissent et maintiennent la confidentialité, y compris la gestion des communications, gagneraient à être étudiés plus en détail.

Une enquête menée auprès de patients (n= 109) recevant des services paramédicaux de télésanté via un grand hôpital quaternaire de Brisbane fait état d'une expérience positive. Presque tous ont perçu leur expérience comme bonne ou très bonne (n= 105) et ont eu accès à l'équipement dont ils avaient besoin pour leur rendez-vous et à un environnement approprié. La plupart aimeraient recevoir des rendez-vous paramédicaux de télésanté à l'avenir (n= 85). Les patients ont suggéré qu'un modèle hybride de télésanté et de soins en présentiel serait viable à long terme, dans lequel des consultations en présentiel seraient conduites lorsque cela était nécessaire.

Des entretiens avec le personnel administratif et les professionnels paramédicaux, dans le cadre de la même étude, identifient des défis autour de la prestation technique de télésanté, notamment en ce qui concerne la prise de rendez-vous, la maintenance technique et la rationalisation des informations sur les patients, pour lesquels le personnel administratif et paramédical avait besoin d'une formation.


Les professionnels paramédicaux participants ont déclaré que l'un des principaux défis liés à l'utilisation de la télésanté était la capacité à entreprendre une évaluation adéquate. Les participants ont signalé un manque de confiance dans l’établissement d’un diagnostic en raison de leur incapacité à procéder à un examen physique. Ces résultats font écho à ceux des études incluses qui portaient sur la formation des IPA pour améliorer l'accès aux soins complexes, nécessitant la réalisation d’une évaluation des soins réalisés sans contact physique en présentiel.

Bien que la télésanté ait démontré des avantages évidents en matière d’accès aux soins pendant la pandémie de COVID-19, des données provenant des États-Unis suggèrent que les taux d’utilisation de la télésanté sont en baisse constante (Shaver, J. (2022). The state of telehealth before and after the COVID-19 pandemic. Primary Care, 49(4), 517–530. https://doi.org/10.1016/j.pop.2022.04.002). Ce déclin peut s’expliquer en partie par le fait que les cliniciens qui manquent de formation préalable ne sont pas préparés ou ne veulent pas adopter la télésanté dans le cadre de leur pratique quotidienne.


Cela renforce la nécessité d’une formation des IPA, y compris par des expériences de simulation, qui prennent en compte les nuances d’évaluation, de communication et d’intégration des services qui ont été exposées au cours des trois dernières années d’utilisation intensive de la télésanté.


PREUVES EN FAVEUR DE LA PRATIQUE DE TÉLÉSANTÉ


La télésanté a été propulsée au premier plan en raison de la pandémie de COVID-19, et même si la nécessité de consultations en présentiel demeure, il ne fait aucun doute que de nombreux patients et IPA auront désormais envie de recourir à la télésanté. La façon dont les IPA relèvent les défis et répondent aux préoccupations soulevées, par exemple l'indication de consultations présentielles et les problèmes de confidentialité des échanges, devront prendre en compte l'expérience des patients et la capacité de la télésanté à améliorer l'accès aux soins.

Une revue systématique de la télésanté utilisée pour réduire la transmission de la COVID-19 a conclu que l'un des plus grands défis pour les recherches futures sur l'utilisation de la télésanté était d'identifier les obstacles et les facilitateurs de la télésanté (Monaghesh, E., & Hajizadeh, A. (2020). The role of telehealth during COVID-19 outbreak: A systematic review based on current evidence. BMC Public Health, 20(1193). https://doi.org/10.1186/s12889-020-09301-4)

Apprendre ce qui a bien fonctionné est un élément important pour concrétiser les avantages à long terme de la télésanté  (Blandford, A., Wesson, J., Amalberti, R., Alhazme, R., & Allwihan, R. (2020). Opportunities and challenges for telehealth within, and beyond, a pandemic. Lancet digital Health, 8(11). https://doi.org/10.1016/S2589-7500(20)30196–5). Le manque de données liées aux coûts de mise en place et de fonctionnement des services de télésanté offre une opportunité de recherche future.

La formation des IPA en télésanté est essentielle pour assurer des services de télésanté de haute qualité, sûrs et efficaces. Les simulations qui exposent les étudiants à la télésanté sont des outil précieux, mais le programme d'enseignement doit également aller au-delà des compétences cliniques pour inclure les aspects opérationnels de la télésanté en termes d'établissement et de maintien d'un service.

Les principales lacunes du programme identifiées dans le cadre PAGER (Evidence for Practice and Research Recommendations Framework) de cette étude comprennent les considérations juridiques, de confidentialité et de financement. De plus, cette étude de cadrage a identifié des lacunes dans l'utilisation de la télésanté pour la collaboration multidisciplinaire, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour développer des preuves pour cette pratique.


LIMITES DE L’ÉTUDE


Cette revue de la littérature comporte certaines limites. Les résultats peuvent être limités par les critères d'inclusion restreints, qui ont recherché des études axées sur les IPA plutôt que sur d'autres disciplines. Toutes les études non anglophones ont également été exclues. Une recherche dans la « littérature grise » dépassait le cadre de cette revue. Parmi les études incluses, une seule a exploré les expériences d'un groupe de population vulnérable.


CONCLUSIONS


La télésanté est un outil précieux pour améliorer l’accès aux soins et les IPA sont certainement capables de fournir des soins sûrs et efficaces par le biais de la télésanté.

Notre étude démontre la diversité des populations et des domaines cliniques dans lesquels les IPA peuvent fournir des services de télésanté. Les services de télésanté ont la capacité de modifier la dynamique de l’accès aux soins, tant du point de vue de la prestation de services que du point de vue du patient. L’élimination de la contrainte des déplacements et du temps passé loin du travail sont des avantages tangibles. Les résultats de cette étude montrent que la télésanté dirigée par les IPA peut améliorer la continuité et la coordination des soins, faciliter l’engagement des patients et améliorer les résultats en matière de santé. Il est donc important que les IPA soient préparés sur le plan éducatif à fournir des services de télésanté.


COMMENTAIRES. Ce travail de recherche infirmier dans la littérature internationale apporte un éclairage sur l'état actuel des services de télésanté dirigés par les IPA ou APN.

Tout d'abord, il révèle que dans les pays anglo-saxons l'usage de la télésanté par les IPA nécessite encore d'approfondir les bonnes indications des soins distanciels en dehors de situations évidentes comme celles rencontrées en Australie où la seule façon d'améliorer l'accès aux soins des populations éloignées et isolées (souvent autochtones) est la télésanté. Toutefois, les auteurs de ce travail reconnaissent qu'il existe un frein important à son usage et à son développement dans la plupart des pays étudiés : une formation professionnelle insuffisante à la télésanté pour que les IPA puissent, d'une part discerner la pertinence de cette pratique distancielle vis à vis d'un soin présentiel, d'autre part évaluer que cette pratique distancielle puisse garantir la confidentialité des données personnelles échangées ou transmises à l'IPA. La revue exhaustive de la littérature porte sur la période 2010-2022. La télésanté est une pratique récente qui a débuté au moment de la pandémie Covid19 dans la plupart des pays.

Ensuite, il révèle que dans tous les pays qui ont développé des soins distanciels pendant la pandémie Covid19, on constate dans la période post pandémie  une baisse de l'utilisation de la télésanté. C'est le constat que nous faisons également en France. Il est donc nécessaire de comprendre les causes de cette baisse d'usage en prenant en compte divers facteurs bien analysés dans ce travail : outre l'insuffisance de formation professionnelle, une expérience patient insuffisamment étudiée ou accompagnée, un modèle économique non stabilisé notamment pour que les patients les plus défavorisés puissent acquérir les technologies numériques nécessaires aux soins distanciels, etc.

Enfin, cet excellent travail montre les pistes à suivre pour une recherche clinique future qui permette de mieux préciser l'usage des soins distanciels dans un parcours de santé, notamment chez les patients atteints de maladies chroniques. En France, le Think Tank Télésanté et Numérique en santé s'est donné cet objectif.


1er novembre 2024ays.