Quel est le rôle du personnel infirmier spécialisé dans les soins distanciels réalisés par Télésanté ? (2)


Après avoir présenté le contexte de l'étude et sa méthodologie (https://telemedaction.org/422885857/telesant-5), nous montrons dans ce deuxième billet consacré aux résultats de cette remarquable étude collaborative (groupe de chercheuses et chercheurs en soins infirmiers d'universités de Norvège, Finlande et d'Australie) que le personnel infirmier spécialisé joue un rôle essentiel dans les soins distanciels réalisés par télésanté.


Specialized nurses' role in ensuring patient safety within the context of telehealth in home care: A scoping review. Vaismoradi M, Rae J, Turunen H, Logan PA. Digit Health. 2024 Oct 7;10:20552076241287272. doi: 10.1177/20552076241287272. eCollection 2024 Jan-Dec.PMID: 39381815


RÉSULTATS


Les études trouvées dans les banques de données internationales

La recherche a permis de recueillir 1127 articles, dont 23 études répondaient aux critères d'inclusion, tant pour la synthèse de la recherche que pour la communication ultérieure des résultats.

Ces études couvraient les rôles des infirmières spécialisées en télésanté, ainsi que divers domaines dans lesquels les infirmiers/infirmières spécialisé(e)s utilisent la télésanté pour fournir des soins à domicile de haute qualité et sécurisés.

Les résultats ont mis en évidence une amélioration de la sécurité des patients dans les soins à domicile, englobant la continuité des soins, la confiance dans les soins, la surveillance et l'intervention précoce, la sécurité des traitements, l'engagement et l'observance, et les coûts des soins de santé.
Les études sélectionnées, publiées en anglais entre 2014 et 2024, provenaient des États-Unis (n=8), des Pays-Bas (n=1), des Pays-Bas-Belgique (n=1), du Canada (n=1), d'Australie (n=3), d'Irlande (n=1), de Nouvelle-Zélande (n=1), d'Allemagne (n=1), du Royaume-Uni (n=3), de Finlande (n=1), de Chine (n=1) et d'Iran (n=1). Au total, des études issues de 12 pays, lesquelles ont porté sur 13 190 participants bénéficiant d'interventions de télésanté.


Quel est le rôle des infirmiers/infirmières spécialisé(e)s dans le développement de la télésanté dans ces 12 pays ?
Les infirmiers/infirmières spécialisé(e)s ont joué un rôle crucial dans l’usage de la télésanté dans le contexte des soins à domicile pour assurer la sécurité des patients. Leurs responsabilités en tant qu’intervenantes à distance comprenaient la facilitation des rendez-vous en téléconsultation avec les patients (n=2), la gestion et le suivi à distance des dossiers médicaux (n=10), l’éducation et la formation (n=11), le soutien à l’orientation (n=6), la prise de décisions et l’aide à la prise de décisions (n=9).
Ainsi, le personnel infirmier spécialisé a assuré aux patients un accès aux professionnels de santé et aux systèmes de santé, et ont permis de gérer la santé à domicile (voir tableau ci-dessous)















En tant qu'expérience de soins de santé centrés sur le patient, l'utilisation de la télésanté par des infirmiers/infirmières spécialisé(e)s a permis aux patients de gérer de manière proactive leur santé grâce à une communication et un suivi cohérents avec l'équipe soignante et d'adhérer aux schémas thérapeutiques prescrits.
Une seule étude a révélé que les infirmiers/infirmières spécialisé(e)s ont signalé que la télésanté pouvait compromettre les relations thérapeutiques, augmenter les risques de sécurité en raison des difficultés des patients avec les procédures cliniques et soulever des problèmes de confidentialité, rendant l'évaluation approfondie des patients plus difficile.


Quel est leur rôle dans la continuité des soins ?
Aux Pays-Bas et en Belgique, ce sujet a été l'objet d'une étude consacrée à l'utilisation de plateformes de santé pour soutenir l'hospitalisation à domicile de patients souffrant d'insuffisance cardiaque, où un sous-ensemble de patients avait du mal à s'auto-gérer pour effectuer les mesures prescrites.
Aux États-Unis, la mise en œuvre d'une solution téléphonique ou de Visio à domicile chez des patients atteints d'insuffisance cardiaque était guidée par un algorithme. Cette solution a donné un taux de réussite de 100 % dans la substitution de rendez-vous en présentiel vers des rendez-vous en distanciel. Sur une période de 3 ans, la prestation de soins via la clinique distancielle gérée par des infirmières a permis un traitement efficace chez 477 résidents mal desservis en centres-villes et souffrant de divers maux physiques et mentaux, totalisant 1 561 visites en distanciel pendant cette période.
De même, lors d'une visite à domicile via un dispositif de surveillance Visio chez les patients atteints d'une maladie rénale chronique, un total de 850 signes vitaux ont déclenché des signaux d'alerte spécifiques à la maladie rénale, nécessitant un contact. La médiane était d'un contact distanciel par vétéran, tandis que le maximum atteignait 19 contacts lorsque la surveillance n'était qu'en présentiel.
Aux Pays-Bas et en Belgique, la plateforme numérique a été utilisée 79 % du temps pendant les jours d'hospitalisation à domicile des patients atteints d'insuffisance cardiaque, avec un score d'utilisation global de 72,1 ± 8,9 %.
En Allemagne, le suivi des soins de santé par une intervention télé médicale via une application conçue pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque a démontré un taux d'adhésion de plus de 85 % parmi la population participante.

En Finlande, les patients souffrant d'insuffisance cardiaque recevant une télésurveillance via une application dans le cadre de soins à domicile n'ont pas montré de changement dans le nombre de jours d'hospitalisation (rapport de taux d'Incidence Risque Ratio  (IRR) = 0,812) par rapport à la pratique standard multidisciplinaire en présentiel. Cependant, ont été également observés chez les patients bénéficiant de l'intervention par télésanté une fréquence plus élevée de visites distancielles de l'infirmière (IRR = 1,73), un temps plus long passé au dialogue avec l'infirmière (moyenne = 48,7 min) et un nombre plus élevé de contacts téléphoniques entre l'infirmier/infirmière et les patients, dialogue pouvant être avoir été initié par l'infirmière (IRR = 3,82), mais aussi en réponse aux contacts initiés par le patient lui-même (IRR = 1,63).


Améliorent-elles la confiance dans les soins ?
Les infirmiers/infirmières spécialisé(e)s utilisant la télésanté ont atténué le stress chez les patients et leurs aidants familiaux pendant la trajectoire de soins qui a suivi la sortie de l’hôpital, ce qui a conduit à une satisfaction globale et à un sentiment de sécurité à l’égard des soins et de confiance dans le système de santé (n=8).
En Irlande, les patients diabétiques sous insulinothérapie, suivis par téléphone, ont fait état d’une meilleure connaissance et de meilleures compétences en matière d’autogestion du diabète, d’un sentiment accru de sécurité et de confort, ainsi que d’une plus grande autonomie et responsabilité face à leur état de santé et d’une réduction du sentiment de détresse.
Ces changements positifs ont été attribués à l’assurance que quelqu’un surveillait en permanence leur glycémie. Cette surveillance continue, associée à des compétences d’autogestion améliorées des patients résultant d’une connaissance et d’une confiance accrues, a contribué à une amélioration globale de l’expérience du patient. La satisfaction moyenne des patients à l’égard de l’intervention par télésanté a toujours obtenu un score supérieur à 4 (maximum 5) pour tous les éléments d'analyse, indiquant un sentiment de confiance et de sécurité dans les soins prodigués par cette méthode.
Aux États-Unis, chez les vétérans souffrant d’insuffisance cardiaque (IC) et recevant l’intervention par téléphone ou par Visio à domicile, cette plateforme a servi de moyen pour la prestation de téléconsultations. De plus, elle s’est avérée être un outil fiable pour identifier les patients qui avaient besoin de soins d’urgence ou d'hospitalisation, contribuant ainsi à l’efficacité de la gestion des soins de santé à distance dans cette population de patients atteinte d'IC.
En Iran, chez les patients iraniens souffrant d'insuffisance cardiaque et recevant des soins palliatifs par télésanté, la satisfaction à l'égard des séances de webinaires avait un score moyen de 3,71 ± 0,94, avec 64,4 % qui obtenaient un score ≥ 4. La satisfaction à l'égard des activités de groupe WhatsApp avait un score moyen de 4,02 ± 0,81, avec 73,3 % qui obtenaient un score ≥ 4.
En Chine, les soins infirmiers par télésanté sur Internet pour les patients atteints de fibrillation auriculaire et d'accident vasculaire cérébral ont conduit à une plus grande satisfaction des patients que dans le groupe témoin.
En Nouvelle Zélande, les patients souffrant d’insuffisance cardiaque, qui ont reçu une assistance téléphonique pendant la pandémie de COVID-19, ont indiqué que le processus avait été jugé acceptable. Ils ont bénéficié d'une titration rapide de leurs médicaments, ce qui a réduit la nécessité de procéder à des examens cliniques. Les participants ont montré qu’ils avaient confiance dans l’utilisation des appareils de surveillance sanguine des médicaments au domicile, car ils se sentaient impliqués et habilités à participer à leurs propres soins.
Au Canada, un système de surveillance à domicile pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque, au moyen d’une tablette, a donné des résultats positifs, améliorant notamment l'auto-efficacité. Les patients ont exprimé leur satisfaction globale à l’égard du programme de surveillance, citant sa facilité d’utilisation. De plus, sur une échelle de 100 points, le score moyen de 80,0 (médiane de 81,4) indiquait que les participants se sentaient plus engagés, éduqués et impliqués dans l'autogestion de leur maladie. Cela souligne l’efficacité de la solution de surveillance, non seulement pour améliorer la satisfaction des patients, mais aussi pour promouvoir une participation active aux soins personnels.
En Allemagne, les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, bénéficiant d'une intervention via une application numérique, ont exprimé leur satisfaction à la fois vis-à-vis du programme d'intervention télé-médicale et de la facilité d'utilisation des appareils. De plus, 81 % de ces patients ont exprimé le désir ou pouvaient envisager de poursuivre leurs soins par télémédecine, soulignant l'accueil positif et le potentiel d'adoption continue des interventions télé-médicales dans la gestion de l'insuffisance cardiaque.
Aux États-Unis, la plupart des patients souffrant d'insuffisance cardiaque, bénéficiant de l'intervention de télésanté via une application mobile, étaient satisfaits. Ils trouvaient cette solution réalisable, facile à utiliser et acceptable. De plus, 93 % d'entre eux ont convenu qu'ils avaient appris à gérer efficacement eux-mêmes leur insuffisance cardiaque. De plus, 83,3 % ont exprimé leur satisfaction quant à la quantité d'informations reçues sur l'insuffisance cardiaque lors des téléconsultations. Notamment, 88,9 % des patients ont affirmé que les visites distancielles ont contribué à accroître leur sentiment de confiance dans la gestion de leur santé et l'ensemble du groupe de participants a reconnu la valeur de l'intervention par télésanté pour améliorer leur capacité à gérer eux-mêmes leur maladie cardiaque.
Aux Pays-Bas et en Belgique, les professionnels de santé, y compris les infirmiers/infirmières spécialisé(e)s, se sentaient en confiance dans l'utilisation de la plateforme numérique pour soutenir l'hospitalisation à domicile des patients souffrant d'insuffisance cardiaque. La plateforme leur a donné un meilleur aperçu des tendances cliniques et les a aidés à se préparer aux visites à domicile, renforçant ainsi leur sentiment de sécurité à domicile.
En Australie, les personnes en attente d'une coloscopie ont massivement approuvé le service de clinique distanciel et les rappels, soulignant une expérience globalement positive avec la procédure utilisée sans avoir besoin de se rendre physiquement à la clinique de gastroentérologie, ce qui implique une confiance dans l'approche utilisée.
Un chiffre impressionnant (92,8 %) des patients ayant des problèmes de santé mentale non urgents ont exprimé leur satisfaction à l'égard du service de streaming vidéo via leur téléphone portable lors du suivi, indiquant une opinion favorable vis à vis de son efficacité. De plus, 89,4 % des patients ont fait part de leur intention d'utiliser à nouveau la télésanté par Visio s'ils devaient demander de l'aide à l'avenir.

Au Royaume-Uni, chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, l'utilisation à la fois de descriptions verbales et de représentations visuelles était une pratique courante dans le cadre de l'intervention par téléconsultation. Elle s'est avérée essentielle pour fournir des instructions aux patients par le biais du support Visio. Les patients ont apprécié les interventions en Visio comme une opportunité d'acquérir des connaissances pour s'auto-évaluer et développer des nouvelles compétences dans la gestion leur propre état de santé.


Quel rôle des infirmiers/infirmières spécialisé(e)s dans l'identification précoce des complications au cours du suivi ?
La télésanté a facilité l’identification précoce des problèmes de santé potentiels par des infirmiers/infirmières spécialisé(e)s, permettant des interventions de soins précoces en évitant ainsi les réadmissions hospitalières, les consultations présentielles inutiles et les conséquences négatives sur la santé des patients (n=7).
Aux États-Unis, comme preuve de l'intérêt de l'utilisation du téléphone et d'autres appareils numériques chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque, il convient de noter que 50 % des personnes ont connu une réadmission avant la mise en œuvre du projet de télésanté. En revanche, aucun des patients inclus dans le projet de télésanté n'a été réadmis à l'hôpital, ce qui met en évidence un effet significatif du changement de pratique. Ce résultat, en particulier l'absence de nouvelle admission, a allongé l'intervalle des réadmissions à l'hôpital dans l'ensemble de la cohorte étudiée, puisque 50 % des patients avant le projet avaient été réadmis et aucun après la mise en place du projet de télésanté, soulignant ainsi l'influence positive de l'intervention par télésanté.
En télésurveillance au domicile par Visio, seuls trois vétérans atteints d'insuffisance cardiaque ont été orientés vers le service des urgences pour des soins supplémentaires.
Le programme de télésurveillance basé sur des suivis téléphoniques hebdomadaires conçu pour les patients atteints d'insuffisance cardiaque chronique a démontré son efficacité en réduisant les taux de réadmission à 30 jours à 9 %, une amélioration notable par rapport à la moyenne nationale de 23 %. Cette initiative a entraîné une diminution substantielle des réadmissions à l'hôpital à 30 jours et des visites aux urgences grâce à des changements dans les doses de médicaments tels que le Lasilix et les antibiotiques, en particulier au sein d'une agence de santé à domicile fournissant des services de santé à domicile. Le taux de réadmission toutes causes confondues pour ce groupe de patients a chuté de manière significative à 9 %, ce qui montre une réduction remarquable par rapport au taux initial de 27,8 %.
En Nouvelle-Zélande, chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque, le processus de surveillance à domicile via l'assistance téléphonique a permis un titrage rapide des médicaments et une diminution du besoin de consultations cliniques en présentiel. 60 % des consultations ont eu lieu à distance, ce qui a fait gagner du temps aux infirmières et aux patients.
En Irlande, la télésurveillance par téléphone chez les patients sous insulinothérapie s'est traduite par une intervention plus rapide, diminuant ainsi la nécessité de consultations présentielles à l'hôpital. Seulement 7 % des patients ont connu des réadmissions hospitalières imprévues.
En Chine, une étude sur les soins infirmiers par télésanté sur Internet chez les patients atteints de fibrillation auriculaire et d'accident vasculaire cérébral a rapporté un taux de survie à 1 an de 84,5 %, avec significativement moins de réadmissions dans les suites d'un accident vasculaire cérébral et de complications par rapport au groupe témoin.
Aux États-Unis, l'éducation des personnes âgées par le biais de suivis téléphoniques, à la sortie de l'hôpital, concernant les effets secondaires des médicaments et les signes avant-coureurs importants, n'a pas nécessairement réduit le risque de visites aux urgences (intervention contre contrôle : 1,26 (IC à 95 % : 0,89-1,78) à 30 jours, 1,21 (IC : 0,91-1,62) à 90 jours et 1,11 (IC : 0,86-1,43) à 180 jours). Néanmoins, elle a eu un effet de sensibilisation, se traduisant par une approche proactive de recherche de soins à l'avance, même pour des situations qui ne présenteraient aucun danger.
En Australie, la mise en œuvre de la Visio en continu via un téléphone portable pour le triage secondaire d'urgences chez les patients souffrant de problèmes de santé mentale a été corrélée à une réduction des envois d'ambulances et à une augmentation des orientations vers des services alternatifs. Elle a été associée à une réduction des chances d'envoi d'une ambulance d'urgence (OR = 1,009) et à une augmentation des références vers des services alternatifs (OR = 1,321) par rapport à la prise en charge par téléphone.
Au Royaume-Uni, les cliniques de Visioconférence chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin ont démontré à la fois leur sécurité et leur efficacité, avec seulement 0,9 % de rendez-vous en présentiel pour une évaluation médicale urgente. Un pourcentage substantiel de 92 % des rendez-vous nécessitaient simplement un suivi distanciel supplémentaire, soulignant le succès global du suivi et de la surveillance de ces patients. Dans 7 % des rendez-vous, il a été nécessaire d'orienter le patient vers un autre service ou un professionnel paramédical.
En Chine, les soins infirmiers à distance sur Internet chez les patients atteints de fibrillation auriculaire et d’accident vasculaire cérébral ont réduit l’incidence des complications, notamment la thrombose veineuse profonde, l’hémorragie, les infections pulmonaires, les infections urinaires, les aspirations bronchiques et les traumatismes liés aux chutes, par rapport au groupe témoin.
Au Canada, la surveillance de la santé à domicile via des capteurs et la tablette a entraîné une réduction significative de divers paramètres de santé chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque. Cela comprenait une diminution remarquable de 79 % des visites aux urgences, une réduction de 87 % des réadmissions à l’hôpital et une diminution substantielle de 60 % de la durée médiane du séjour à l’hôpital.
En Finlande, deux tiers (66 %) des patients atteints d’insuffisance cardiaque recevant une application mobile d’auto-évaluation ont déclaré que les commentaires reçus donnés par les infirmiers/infirmières spécialisé(e)s les ont aidés à se concentrer davantage sur les aspects cruciaux de leur traitement. Cela a servi de facteur de motivation pour prendre systématiquement des mesures et les signaler, ce qui a finalement provoqué des changements positifs dans leur mode de vie.
En Australie, contrairement au modèle traditionnel de clinique externe, le modèle de soins distanciels sur le système de réservation électronique et les rappels pour les patients à haut risque de cancer du côlon ont considérablement réduit les temps d'attente pour la coloscopie, réduisant la durée de 71 jours à compter de la date de référence et de 66 jours au total. De plus, ce modèle de soins distanciels a été associé à une réduction du risque d'événements indésirables, car l'infirmier/infirmière a efficacement programmé les rendez-vous, coordonné les coloscopies en temps opportun, suivi avec diligence les résultats pour les communiquer aux patients.
La simplification du processus d'inscription pour obtenir une télésurveillance via une application a amélioré le dépistage des patients cardiaques, entraînant une réduction à 6 mois de 50 % (rapport de risque = 0,51, IC à 95 %, 0,31-0,88) du nombre total de réadmissions par rapport au groupe de soins standards.


Quel apport des infirmiers/infirmières spécialisé(e)s dans la sécurité des traitements médicamenteux ?
La télésanté a opérationnalisé la gestion des médicaments par des infirmiers/infirmières spécialisé(e)s grâce à une administration et une prescription sécuritaires des médicaments reposant sur les premiers rapports des patients et un suivi de signes et symptômes pour identifier et traiter les effets secondaires potentiels et les réactions indésirables aux médicaments (n=4).
En Finlande, dans le cadre d’une télésurveillance de patients souffrant d’insuffisance cardiaque, les participants ont respecté scrupuleusement leur schéma thérapeutique et ont connu une fréquence plus élevée d’ajustements de leurs médicaments, y compris des réductions ou augmentations de l’utilisation de ces médicaments, impliquant notamment des modifications de doses des diurétiques, des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et des bêtabloquants.
Aux États-Unis, un programme de gestion de l’hypertension, guidé par des capteurs à distance, a réussi à contrôler la pression artérielle sans augmenter de manière significative la charge des médicaments. En utilisant les parcours de soins distanciels accompagnés d'algorithmes pour suivre la pression artérielle chez les patients souffrant d’hypertension, le nombre moyen de médicaments utilisés a augmenté modestement de 1,4 à 1,8 pendant la période allant des valeurs initiales au contrôle, l’amlodipine étant le nouveau médicament le plus fréquemment ajouté.
En Nouvelle-Zélande, l'assistance téléphonique aux patients souffrant d'insuffisance cardiaque a permis d'obtenir un titrage optimal pour 75 % des personnes en l'espace de 2 mois. Une étape importante dans le schéma thérapeutique a notamment été franchie : 88 % ont atteint ou dépassé 50 % de la dose cible pour l'inhibiteur de la rénine-angiotensine, 74 % ont atteint la même dose pour le bêtabloquant et 62 % ont réussi à intégrer la spironolactone dans leur schéma thérapeutique.
En Irlande, la télésurveillance de l'insulinothérapie chez les patients diabétiques impliquait une surveillance étroite du traitement médicamenteux et offrait un soutien aux patients symptomatiques d'hypoglycémie (38 % des patients). Cette approche proactive a abouti à l'arrêt ou à l'ajustement de la dose d'insuline, principalement en réponse aux incidents d'hypoglycémie. L'intervention la plus fréquente était l'ajustement de la dose d'insuline, mis en œuvre à une ou plusieurs reprises, suivi également de conseils sur une alimentation saine et une activité physique.


Quel engagement et quelle adhésion des patients aux pratiques de télésanté ?
La télésanté a aidé les infirmiers/infirmières spécialisé(e)s à éduquer, à impliquer et à responsabiliser les patients, ce qui a amélioré l'adhésion des patients aux plans de traitement, facilité la réussite des soins et diminué ainsi la probabilité d'événements indésirables (n=10).
Aux Pays-Bas, 83 % des patients bénéficiant d'interventions télé-médicales pour l'évaluation des plaies ont pu participer à leurs propres soins et ont téléchargé des photos de leurs plaies, la majorité étant facilement interprétables. Seuls 8 % des patients subissant une intervention cardiaque élective ont exprimé une préférence pour une visite à l'hôpital, indiquant leur engagement envers le programme actuel.
En Iran, 78 % des patients souffrant d'insuffisance cardiaque recevant des soins palliatifs par télésanté auprès d'infirmiers/infirmières spécialisé(e)s ont déclaré qu'ils recommanderaient le service à d'autres patients, avec un score d'adhésion moyen de 7 ± 1,02.
Au Canada, les patients souffrant d'insuffisance cardiaque et soumis à une surveillance médicale à domicile ont démontré un niveau élevé d'engagement, avec un taux d'adhésion impressionnant rapporté à 94 % pour les protocoles de surveillance.
En Australie, la télésurveillance par Visio a amélioré l'évaluation des problèmes de santé mentale en incorporant des repères visuels, améliorant ainsi l'engagement des patients dans le processus. La télésurveillance chez les patients cardiaques a amélioré leur satisfaction de 48 % à 75 %, ce qui a eu un impact positif sur les pratiques d'autosoins et l'adhésion à la réadaptation cardiaque (OR = 2,9) et aux médicaments prescrits.
Aux États-Unis, bien que la mortalité (rapport de risque (HR) = 1,46, IC à 95 % : 0,42-5,11), l'hospitalisation (HR = 1,15, IC : 0,80-1,63) et les visites aux urgences (HR = 0,92, IC : 0,68-1,24) ne diffèrent pas entre la télésanté en équipe interprofessionnelle et les soins de routine, les patients atteints de maladies rénales chroniques qui faisaient partie des projets de télésanté ont activement participé à l'intervention par le biais de multiples téléconsultations. Il est remarquable de constater que 96,2 % d'entre eux ont effectué avec succès au moins une téléconsultation en Visio dans le cadre de l'intervention.
En Nouvelle-Zélande, la fourniture d'une assistance téléphonique aux patients souffrant d'insuffisance cardiaque a entraîné des améliorations notables des principaux indicateurs de santé. La pression artérielle systolique a diminué de 124 à 116 mm Hg, le pouls a diminué de 78 à 70 / mn et les niveaux de peptide natriurétique cérébral (Brain natriuretic peptide) ont diminué de 292 à 65 pg/ml. De plus, 77 % des patients ont présenté une amélioration significative de la fraction d'éjection ventriculaire gauche. Les participants ont connu des taux de titration accrus et des améliorations de l'imagerie cardiaque, des paramètres biochimiques et des résultats cliniques. La compréhension améliorée des patients et leur volonté d'accepter les modifications de leur traitement médicamenteux ont contribué au succès du programme.
En Allemagne, dans l'intervention télé-médicale chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, un niveau d'adhésion élevé et constant a été mesuré à 89,1 % ± 14,1 % tout au long de la durée de l'étude. Cette adhésion est restée constamment élevée quelle que soit la gravité de la maladie. Notamment, les patients résidant dans les zones rurales ont affiché des niveaux d'adhésion complète plus élevés que ceux des régions urbaines.
Aux États-Unis, on a observé une tendance à la hausse de la proportion de patients souffrant d'insuffisance cardiaque utilisant une application pour enregistrer leurs médicaments, avec plus de 50 % s'engageant systématiquement dans cette activité. En outre, on a observé une tendance notable, dépassant également 50 %, indiquant une meilleure adhésion aux mesures liées au poids.
En Finlande, les patients souffrant d'insuffisance cardiaque faisant partie du groupe de télésurveillance surveillaient régulièrement leur poids corporel, leur tension artérielle et leur pouls. De plus, ils répondaient chaque semaine à des questions relatives aux symptômes, et leurs valeurs enregistrées étaient soumises en conséquence. Le taux d'adhésion à ce processus d'autosurveillance était d'environ 90 %.
Aux États-Unis, en termes de résultats, 91 % des patients qui surveillaient régulièrement leur tension artérielle à domicile dans le cadre du programme de suivi distanciel ont atteint leurs objectifs, franchissant cette étape en 7 semaines en moyenne. La tension artérielle systolique de ces patients a diminué par rapport à la valeur de base de 155 ± 18 mm Hg à 124 ± 8 mm Hg, et la tension artérielle diastolique a chuté de 92 ± 13 mm Hg à 74 ± 8 mm Hg.
En Irlande, chez les patients diabétiques bénéficiant d'une télésurveillance pour un traitement à l'insuline, aucun changement de poids n'a été observé, mais l'hémoglobine A1c (HbA1c) moyenne a diminué avec une signification clinique notable.

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Quel a été l'impact des interventions distancielles des infirmiers/infirmières spécialisées sur la réduction des coûts de santé ?
La télésanté a augmenté la charge de travail des infirmiers/infirmières spécialisé(e)s, car les systèmes basés sur des algorithmes où les patients soumettaient des formulaires en ligne ont alourdi leurs tâches pendant la pandémie de COVID-19.
Aux Pays-Bas et en Belgique, 73 % des professionnels de santé, y compris les infirmiers/infirmières spécialisées, ont déclaré que la plateforme de santé numérique utilisée pour accompagner l'hospitalisation à domicile des patients souffrant d'insuffisance cardiaque entraînait une augmentation de la charge de travail. Néanmoins, elle a réduit les préoccupations relatives aux coûts des soins de santé, améliorant ainsi la qualité de vie des patients et améliorant l'adhésion au programme de télésanté (n=5).
Au Canada, la télésurveillance des patients atteints d'insuffisance cardiaque en soins à domicile a entraîné une diminution de 71 % des coûts d'hospitalisation et une réduction de 58 % des dépenses liées aux visites aux services d'urgence. De plus, on a observé une diminution globale de 56 % des coûts du système de santé pour les patients, une réduction de 71 % des coûts d'hospitalisation, couplée à une amélioration notable de 100 % de la qualité de vie des patients atteints d'insuffisance cardiaque.
En Iran, parmi les patients atteints d'insuffisance cardiaque, les améliorations de la qualité de vie étaient significatives par rapport au groupe témoin, avec des différences moyennes de −1,54 (IC à 95 % : −2,14 à −0,94) et −2,69 (IC à 95 % : −4,22 à −1,16).
En Chine, une étude sur les soins infirmiers à distance sur Internet pour les patients atteints de fibrillation auriculaire et d’accident vasculaire cérébral a réduit de manière significative les niveaux moyens d’anxiété (33,1 ± 8,0) et de dépression (33,8 ± 3,3) après un suivi d’un an.
En Nouvelle-Zélande, l’assistance téléphonique aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque a permis d’éliminer les frais de déplacement, soit en moyenne 58,17 NZD par patient.
Aux États-Unis, la clinique infirmière distancielle pour les résidents des centres-villes s’est avérée rentable, avec une économie de 10 USD pour chaque dollar dépensé pour une consultation, contribuant notamment à prévenir les visites aux urgences, lesquelles pouvaient être évitées.
En Australie, le triage par Visio des patients souffrant de troubles mentaux a entraîné un coût moyen deux fois inférieur à celui du triage vocal par téléphone, soit 970,8 NZD, soit la moitié du coût d’un triage secondaire conventionnel.
Au Royaume-Uni, la mise en place d'une clinique de Visioconférence pour les patients atteints de maladies intestinales inflammatoires chroniques a permis d'économiser 36,61 USD par rendez-vous, ce qui représente le coût potentiel de déplacement qui aurait autrement été engagé. De plus, les patients en âge de travailler ont économisé au total 1 037,3 heures de travail perdues en temps de déplacement tout au long de la période d'étude. En moyenne, des économies potentielles de 36,61 USD en frais de déplacement par rendez-vous pourraient être réalisées.


COMMENTAIRES. Cette étude est passionnante car elle concerne 12 pays de cinq continents (Amérique du Nord, Europe, Chine, Océanie et Moyen-Orient). Il est frappant de souligner que tous ces pays ont une approche assez comparable des différents rôles tenus par des infirmiers/infirmières spécialisé(e)s dans les soins distanciels permis par la télésanté. Parmi les maladies chroniques abordées dans ces 23 études, l'insuffisance cardiaque chronique est dominante. L'implication du personnel infirmier spécialisé dans le suivi de ces patients au décours d'une hospitalisation est un marqueur universel des soins distanciels à travers les expériences rapportées dans la revue et celles que nous connaissons en France depuis plus de 15 ans (SCAD, Cardiauvergne, etc.(https://telemedaction.org/think-tank/t-l-surveillance-de-l-insuffisance-cardiaque-exp-riences-pionni-res)(https://telemedaction.org/think-tank/webinaire-28-mars).

Ce qui frappe dans toutes ces études, y compris celles de la France, c'est le rôle essentiel du personnel infirmier spécialisée dans les résultats favorables observés. Autrement, ce n'est pas l'outil numérique qui est le plus important (téléphone, Visio, appli, etc.), mais bien la relation du patient avec l'infirmier/infirmière spécialisé(e), relation qui crée l'adhésion  et la confiance dans cette forme de parcours de soins hybride propre aux patients atteints de maladies chroniques (https://telemedaction.org/422021881/m-decine-hybride-au-21-me-si-cle).

Enfin, il faut souligner l'impact des interventions du personnel infirmier spécialisé sur l'autogestion des soins par les patients eux-mêmes.

Il faut que les autorités sanitaires françaises s'inspirent de ces expériences réussies à travers le monde pour conforter le rôle des IPA dans les pratiques de télésanté. Comme cela est habituel dans les pays anglo-saxons, l'évaluation médico-économique montre indiscutablement des pistes pour réduire les coûts de santé, sujet majeur dans notre pays.


2 décembre 2024

Le prochain billet terminera la revue de ce remarquable travail et fera connaître la discussion des auteures de la revue sur les résultats observés.