Que retenir de la téléexpertise asynchrone qui conforte la relation entre la médecine de ville et les établissements de santé ?


Le jeudi 20 juin 2024 s'est tenu le dernier webinaire du 1er semestre 2024 organisé par le Think Tank Santé Numérique et Télésanté sur l'usage de la téléexpertise en établissements de santé dans le but d'améliorer la relation entre la médecine de ville et l'hôpital.

Deux intervenants nous ont fait part de leur expérience du terrain : le Dr Christophe Thébault, cardiologue au GHT d'Armor et responsable du développement de la télésanté, et le Dr Laurent Turi, médecin généraliste et fondateur de la MSP Léonard de Vinci à Gauchin-Verloingt (62130) qui a développé avec le CH d'Arras de la télémédecine avec certaines spécialités.

Voici le résumé de cette séance et le lecteur peut également accéder au replay du webinaire : https://youtu.be/TI5y-PvhR6g


Retour d'expérience du GHT d'Armor.


Il est résumé dans le diaporama suivant :

























Les points essentiels à retenir :

La nécessité d'"assécher" les téléexpertises multiformes qui utilisent des canaux divers, non sécurisés (téléphone, fax, mails), afin qu'elles rejoignent l'outil institutionnel de téléexpertise (la solution Omnidoc a été choisie par l'institution GHT Armor) pour une gestion cohérente des données de santé personnelles que contiennent chaque téléexpertise.

La nécessite d'une organisation pluriprofessionnelle pour répondre à une téléexpertise asynchrone dans un délai raisonnable (médecin requis, mais aussi les infirmiers/infirmières sous protocole, les secrétariats médicaux soumis au secret médical).

Des activités multisites au sein d'un GHT qui conduisent à ré orienter la demande vers le site expert (exemple des plaies chroniques où l'un des hôpitaux du GHT a développé cette téléexpertise spécifique)

Des compétences multiples mobilisées avec les équipes administratives qui gèrent la comptabilité financière, les équipes d'archivage qui hébergent les comptes-rendus, les équipes informatiques hospitalières (DSI) qui sont complémentaires de la société qui a fourni la plateforme de téléexpertise, laquelle est en charge de sa maintenance, et qui assurent l'interopérabilité de la plateforme avec le DPI et/ou le GAP de l'établissement, ainsi que le contrôle de la sécurité des échanges sous la responsabilité du DPO de l'établissement. Toutes ces équipes non soignantes interviennent à côté de l'équipe soignante qui réalise la téléexpertise.

Des éléments clés de réussite bien identifiés : la formation des équipes soignantes pour les convaincre et leur montrer comment évaluer la qualité des échanges, un projet qui implique de nombreux partenaires essentiels pour la qualité et la sécurité de l'acte de téléexpertise, des protocoles souples qui s'adaptent à chaque équipe et chaque spécialité, faire connaître cette activité en interne et en externe pour que la médecine de ville en bénéficie.

Les facteurs à mesurer pour évaluer la qualité du service rendu : amélioration du lien ville-hôpital, amélioration des parcours de soins des patients atteints de maladies chroniques, la graduation des soins au sein du territoire grâce à la téléexpertise, l'amélioration de la coopération entre professionnels de santé, notamment au niveau des équipes de soins spécialisés.


Retour d'expérience de la MSP Léonard de Vinci.


Quel besoin médical auquel le projet a voulu répondre ?

En 2015, les élus du Ternois (Pas de Calais) appuyés par l’ARS des Hauts de France intègrent dans le contrat local de santé leur volonté de créer une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP). Les professionnels libéraux sollicités rédigent un projet de MSP reposant sur la volonté d'établir un lien ville-hôpital, d'offrir aux internes une maitrise de stage et de développer le numérique en santé. Les buts recherchés par les libéraux sont d’attirer de nouveaux professionnels grâce à cette démarche fédérative.

Pour le CH d'Arras distant de 35 km, il s’agit de renforcer leur activité. L’ADN des soins primaires des libéraux se juxtapose avec l’ADN des soins de second recours du CH d'Arras.

Pour ce territoire étendu, aux mauvais indicateurs de santé (cancer, BPCO, diabète, suicide), avec une population vieillissante au sein d'un territoire de faible densité populationnelle, le projet est devenu un impératif sanitaire compte tenu de l’augmentation de la moyenne d’âge des médecins généralistes.


Quelle organisation professionnelle a été mise en place ?

4 grands axes se déploient au cours des années : consultations avancées par des praticiens du GHT d'Arras, téléconsultations assistées (notamment en néphrologie), télé expertise avec les experts spécialistes du CH d'Arras et télémédecine mobile dans les Ehpads.

Le cadre fonctionnel repose sur une convention d’occupation de locaux de service public et une re facturation de charges du GHT vers la MSP, l’activité d’une coordinatrice partagée (MSP/GHT) pour l'organisation des téléconsultations, la mise à disposition par l’hôpital de temps de secrétariat, d'une ligne téléphonique, d'ordinateurs et d'un logiciel d’agenda de prise de rdv en ligne téléphonique, d'un logiciel de facturation et d’agents d’entretien.

Sont installés par le GHT un cabinet pour les consultations présentielles (avancées), un cabinet pour les téléconsultations assistées (Pc, Skype pro, petite caméra, matériel de consultation utilisé par la coordinatrice : un stéthoscope, un pèse personne, une imprimante, un ECG, un saturomètre, un tensiomètre).

Un renfort par un médecin généraliste disponible pour ausculter le patient en cas de doute de l’IDE coordinatrice où à la demande du consultant.


Quelques chiffres

Sur une années, 15 plages sont réalisées pour un total de 68 téléconsultations. Les patients alternent téléconsultations à la MSP et consultations présentielles au CH Arras (en néphrologie)


Quelle organisation perdure à ce jour ?

Le principe reste le même avec une coordinatrice non issue de la MSP, mais du GHT.


Quelles sont les compétences mobilisées ?

Un expert néphrologue, une coordinatrice initialement infirmière, la secrétaire, le médecin généraliste au besoin, le personnel d’entretien. Il n’est pas clairement identifié de cadre responsable. En effet, le CH d'Arras n’organise pas ce poste avancé comme unité fonctionnelle (UF).


Quelles difficultés rencontrées ?

La principale repose sur le temps hospitalier qui diffère du temps de MSP, sur la différence de taille critique entre MSP et GHT, sur le matériel modeste au départ, l’absence d’encadrement identifié clairement, la méconnaissance du concept (en 2017). La difficulté à connaitre les circuits qui permettent l’investissement en matériel et la fluctuation des interlocuteurs malgré le volontarisme affiché du directeur du GHT et du responsable de la MSP, ainsi que de l’expert néphrologue.`


Quels sont les éléments de réussite du projet initial ?

L’établissement d’une file active de patients qui intègrent le concept de maladie rénale chronique, l’enrichissement de la filière diabète pour les soins primaires bénéficiant déjà d'une équipe de soins (MG, IPA, Pédicure, Angiologue, Chirurgien Vasculaire et Diabétologue), avec le suivi en Visio par des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP).


Comment a été financé ce projet ?

Le CH d'Arras a financé l’intégralité de son organisation, a payé un loyer à l’intercommunalité. La MSP refacture les charges de fonctionnement au GHT

Pour l’acquisition de nouveau matériel en mobilité, utilisé de façon partagée, une organisation tri partie est réalisée pour financer la valise Parsys entre la Région, la MSP et le GHT.`

La Visio RCP entrait dans le cadre d’un Article 51 du CHU de Lille (expérience non reconduite)

La télé expertise fut introduite dans les différents logiciels des professionnels.


Conclusion

SI le service rendu pour une population éloignée du CH d'Arras, concernée par l’insuffisance rénale chronique, est indéniable, l’énergie déployée pour harmoniser l’ensemble entre les deux principaux acteurs (GHT et MSP) s'est avérée difficile et même presque impossible car imprévisible. Ce qui fait comparer des problèmes rencontrés au fameux "problème à trois corps " qui ne permet pas de rendre prévisible en termes de modèle mathématique standard, les trajectoires de ces trois corps que sont l'ARS (Etat), le GHT et la MSP, lesquels s’attirent mutuellement.


Pour en savoir plus :


































24 juin 2024