Quelle place pour l'examen physique dans l'exercice médical à l'ère de la télémédecine

et de l'IA ?


L'examen physique par un médecin du corps entier d'un patient a été considéré pendant des siècles comme le "Gold Standard" de l'exercice médical. Cette pratique (observation, auscultation, palpation, percussion, toucher rectal et vaginal, etc.)  était enseignée aux étudiants au cours de leurs études universitaires et appliquée lors des stages cliniques "au lit du patient" à l'hôpital.

La médecine clinique créée au début du 19ème siècle par les médecins de la période napoléonienne, avec ses différents concours d'externat et d'internat, confiait à un étudiant "externe" le soin d'examiner un patient hospitalisé et de rédiger son observation. L'observation écrite relatait les informations et la séméiologie recueillies lors de l'anamnèse et de l'examen physique du corps entier. Ces étudiants "externes" étaient ainsi formés à l'examen physique complet et à la séméiologie pendant 3 ans. Ils pouvaient ensuite se présenter au concours d'internat dont les épreuves reposaient sur la sémiologie et la nosologie des maladies.


La pandémie Covid-19 bouleversa l'exercice médical traditionnel en supprimant le contact direct avec les patients et par voie de conséquence l'examen physique du patient. Cette situation inédite donna lieu à l'envol de la consultation médicale à distance, c'est à dire de la téléconsultation. La disparition pendant plusieurs mois de l'examen physique en consultation présentielle, au profit de la téléconsultation, donna lieu à des publications académiques rappelant la transformation en profondeur dans la façon de soigner lorsqu'on utilise la téléconsultation. Pour les académiciens français, en pratiquant la téléconsultation on se privait de l'examen physique du patient qu'ils considéraient comme essentiel pour une médecine humaine et de qualité.

Rapport 21-08. La téléconsultation en médecine générale : une transformation en profondeur dans la façon de soigner. Jaury P, Larangot-Rouffet C, Gay B, Gonthier R, Ourabah R, Queneau P. Commission XVI (Parcours des soins et organisation des soins). Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine. Volume 205 , Issue 8, Octobre 2021, pages 852-856.


Mais la perte d'intérêt pour l'examen physique était bien antérieure à la pandémie Covid-19. En effet, une enquête réalisée auprès des médecins généralistes français en 1994 révélait que près de 50% ne pratiquaient déjà plus l'examen physique du corps entier à chaque consultation présentielle (https://www.sfmg.org/data/generateur/generateur_fiche/213/fichier_fichier_actes_fonction021a125ccd.pdf).

D'autre part, de nombreuses études réalisées depuis 1975 plaidaient en faveur de l'anamnèse, laquelle permettait d'évoquer le diagnostic médical chez 70% des patients, l'examen physique ne contribuant au diagnostic qu'à 15% en 1975 (Hampton JR, Harrison MJ, Mitchell JR, Prichard JS, Seymour C. Br Med J. 1975 May 31;2(5969):486-9. doi: 10.1136/bmj.2.5969.486) Relative contributions of history-taking, physical examination, and laboratory investigation to diagnosis and management of medical outpatients.) et à 5% en 2019 (Madelon A. thèse de médecine, Université de Grenoble, 2 mai 2019. L’apport de l’interrogatoire et de l’examen physique soigneux dans le diagnostic final d’une pathologie en consultation. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02117820.), la part des examens para cliniques progressant pendant 50 ans de 15% à 25%, alors que l'interrogatoire demeurait toujours à 70% pour l'évocation diagnostique.


Le débat sur la place de l'examen physique dans une consultation médicale demeure donc d'actualité. Nous versons à ce débat une analyse publiée par une équipe de médecins internistes américains du Department of Internal Medicine, University of Central Florida College of Medicine, Orlando, FL, USA. Les auteurs reconnaissent l'abandon progressif de la formation des étudiants en médecine à l'examen physique au cours de leur cursus au profit d'un enseignement privilégiant les explorations technologiques directes, comme l'imagerie ou les bilans biologiques, voire les pratiques de la téléconsultation sans l'assistance d'un professionnel de santé.

Les auteurs constatent qu'une telle évolution est observée dans de nombreux pays. Ne serait-elle pas excessive et ne pourrait-elle pas être à l'origine d'un plus grand nombre d'erreurs diagnostiques ?

Rapporter cet article nous a paru intéressant, car si les auteurs font une critique sévère de l'abandon de l'enseignement de l'examen physique dans les facultés de médecine américaines, ils s'attachent néanmoins à proposer de nouvelles technologies associées à l'IA pour maintenir l'examen physique à distance lors d'une téléconsultation.

The physical exam and telehealth: between past and future.  Restrepo JA, Henriquez R, Torre D, Graber ML.Diagnosis (Berl). 2023 Dec 1;11(1):1-3. doi: 10.1515/dx-2023-0154. eCollection 2024 Feb 1.PMID: 3803319.


L'EXAMEN PHYSIQUE : UNE COMPÉTENCE EN DÉCLIN


La réalisation de l'examen physique est une compétence essentielle que doit avoir tout médecin (Feddock, CA. The lost art of clinical skills. Am J Med 2007;120:374–8. https://doi.org/10.1016/j.amjmed.2007.01.023). Elle fait partie de la rencontre avec le patient depuis des siècles. Cependant, de nombreuses études ont montré un déclin des compétences en examen physique chez les médecins américains et les étudiants en médecine. La raison de ce déclin est probablement multifactorielle, notamment le recours accru à la technologie et le manque d'enseignement au chevet des patients (LaCombe, MA. On bedside teaching. Ann Intern Med 1997;126:217–20.10.7326/0003-4819-126-3-199702010-00007),  ainsi que les contraintes de temps (Block, L, Habicht, R, Wu, AW, Desai, SV, Wang, K, Novello Silva, K, et al.. In the wake of the 2003 and 2011 duty hours regulations, how do internal medicine interns spend their time? J Gen Intern Med 2013;28:1042–7. https://doi.org/10.1007/s11606-013-2376-6).


Cette situation est encore aggravée par les directives du Current Procedural Technology (CPT) 2023 Professional Edition publiées par l'American Medical Association pour l'évaluation et la gestion des actes médicaux. Ces directives n'exigent plus la réalisation documentée d'un examen physique pour obtenir la facturation de l'acte de consultation. Cette dégradation peut avoir une série de conséquences néfastes et indésirables, notamment un risque accru d'erreurs diagnostiques, d'investigations inutiles et d'aiguillages inutiles pour les patients, entrainant des coûts supplémentaires en matière de soins de santé et accentuant la difficulté à répondre aux besoins des patients, en particulier dans les milieux à faibles ressources (Verghese, A, Charlton, B, Kassirer, JP, Ramsey, M, Ioannidis, JP. Inadequacies of physical examination as a cause of medical errors and adverse events: a collection of vignettes. Am J Med 2015;128:1322–4.e3. https://doi.org/10.1016/j.amjmed.2015.06.004).


La télémédecine a connu une croissance majeure aux États-Unis avant et pendant la pandémie du COVID 19. Entre 2010 et 2017, le pourcentage d'hôpitaux américains utilisant des services de télémédecine est passé de 35 à 76 %. Bien qu'il ne soit pas clair si la télémédecine a directement contribué à un déclin supplémentaire des compétences en matière d'examen physique, le passage à la télémédecine a entraîné un abandon de l'examen physique en présentiel dans les soins primaires.


LES NOUVEAUX DÉFIS DE L'EXAMEN PHYSIQUE A DISTANCE


Le défi de ne pas effectuer un examen physique lors d'une téléconsultation est antérieur à l'épidémie du COVID-19.

Une revue systématique d'études conduites avant la pandémie concluait déjà qu'un examen physique "virtuel" en téléconsultation était ciblé sur l'interprétation de signes neurologiques ou d'éléments du syndrome HEENT (head, eyes, ears, nose, throat), ou de signes cardiopulmonaires et musculosquelettiques, et que cet examen physique virtuel "ciblé" s'avérait être équivalent en termes de résultats à un examen physique réalisé en présentiel

(Lu, AD, Veet, CA, Aljundi, O, Whitaker, E, Smith, WB2nd, Smith, JE. A systematic review of physical examination components adapted for telemedicine. Telemed J E Health 2022;28:1764–85. https://doi.org/10.1089/tmj.2021.0602.), tout en reconnaissant qu'il existait un large éventail de fiabilité inter-examinateurs.

Une revue publiée en 2022 révélait que les examens physiques virtuels, non assistés, les plus fréquemment effectués en téléconsultation, étaient les examens neurologiques, musculosquelettiques, neuropsychologiques et cutanés. Sur les 61 études examinées, l'examen physique virtuel a été considéré comme équivalent à un examen physique présentiel dans 54 de ces études (89 %), et inférieur dans 7 (11 %).

(Yao, P, Adam, M, Clark, S, Hsu, H, Stern, M, Sharma, R, et al.. A scoping review of the unassisted physical exam conducted over synchronous audio-video telemedicine. Syst Rev 2022;11:219. https://doi.org/10.1186/s13643-022-02085-1)

Une équipe de neurochirurgiens et d'orthopédistes de l'hôpital universitaire Thomas Jefferson de Philadelphie a comparé les évaluations neurologiques en présentiel à celles réalisées en téléconsultation (marche sur les orteils, marche en tandem, test de Romberg et mouvements alternatifs rapides) chez des patients atteints de discopathie cervicale ou lombaire. Les auteurs ont conclu que les évaluations étaient équivalentes à celles de l'examen physique en présentiel.

(Goyal, DKC, Divi, SN, Schroeder, GD, Pfeifer, R, Canseco, JA, Bowles, DR, et al.. Development of a telemedicine neurological examination for spine surgery: a pilot trial. Clin Spine Surg 2020;33:355–69. https://doi.org/10.1097/BSD.0000000000001066.)

De nombreuses spécialités chirurgicales telles que l'urologie et l'orthopédie ont constaté que la majorité des indications chirurgicales et des explorations spécialisées (par exemple : cystoscopie, biopsie de la prostate, vasectomie) posées lors de téléconsultations étaient rarement modifiées lors d'examens ultérieurs en présentiel.

(Eyrich, NW, Andino, JJ, Ukavwe, RE, Farha, MW, Patel, AK, Triner, D, et al.. The lack of a physical exam during new patient telehealth visits does not impact plans for office and operating room procedures. Urology 2022;167:109–14. https://doi.org/10.1016/j.urology.2022.06.017.).

(Doolittle, J, Gill, B, Vij, S. PD25-12 online vasectomy consults: is a pre-vasectomy physical exam really necessary? A case-control study. J Urol 2021;206(Supp 3):e436. https://doi.org/10.1097/ju.0000000000002018.12).

(Lightsey, HM4th, Crawford, AM, Xiong, GX, Schoenfeld, AJ, Simpson, AK. Surgical plans generated from telemedicine visits are rarely changed after in-person evaluation in spine patients. Spine J 2021;21:359–65. https://doi.org/10.1016/j.spinee.2020.11.009.).


Cependant, la plupart de ces études étaient limitées par la petite taille des échantillons et se concentraient sur des domaines spécifiques de l'examen physique ne nécessitant que l'observation du patient.

Ces études ne relevaient pas de toutes les composantes d'un examen physique complet, telles que l'auscultation pulmonaire et cardiaque, ou la palpation de l'abdomen. Bien que les recherches menées à ce jour suggèrent que les examens physiques "virtuels" peuvent suffire dans certaines circonstances, des recherches futures sont nécessaires pour élargir la gamme des manœuvres d'examen physique étudiées à distance et la façon dont elles peuvent être intégrées dans la rencontre avec le patient en téléconsultation, tout en explorant les capacités et les possibilités des médecins à effectuer eux-mêmes ces examens physiques "virtuels" dans différents contextes de soins cliniques.


Il existe cependant des risques associés à un examen physique à distance ("virtuel").

Par exemple, les médecins pourraient perdre l'habitude d'effectuer un examen physique du corps entier chez un nouveau patient, apparemment en bonne santé, mais où des signes physiques inattendus sont découverts, tels qu'une hépatomégalie ou une lymphadénopathie.

Un deuxième exemple est celui des cancers de la peau détectés accidentellement lors d'un examen physique du corps entier. Dans une étude menée au Royaume-Uni, chez des patients présentant des lésions cutanées suspectes, qui ont ensuite été orientés vers un examen complet de la peau du corps effectué par un dermatologue, 22 % des tumeurs malignes diagnostiquées ont été détectées fortuitement lors de l'examen physique en présentiel.

Omara, S, Wen, D, Ng, B, Anand, R, Matin, RN, Taghipour, K, et al.. Identification of incidental skin cancers among adults referred to dermatologists for suspicious skin lesions. JAMA Netw Open 2020;3:e2030107. https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2020.30107

Les restrictions d'un écran d'ordinateur à résolution et clarté variables empêchent très probablement de telles découvertes cutanées fortuites lors de téléconsultations de routine où l'examen physique complet du corps n'est pas possible.

La revue Patient Safety Network de l'Agence américaine Agency For Healthcare Research et Quality a rapporté en mars 2021 un cas de perte de chance avérée en téléconsultation. L'incapacité d'effectuer un examen physique complet et de visualiser les zones cachées de l'écran sont des facteurs critiques qui ont conduit au diagnostic erroné chez un patient, lequel a finalement développé une septicémie à la suite d'un abcès périanal.

Ce cas souligne la nécessité d'offrir aux médecins d'autres options que les soins distanciels lorsque et si le médecin se sent mal à l'aise ou incapable d'effectuer les gestes spécifiques et nécessaires de l'examen physique. Les téléconsultations peuvent être jugées pratiques pour faire gagner du temps au patient et atténuer les problèmes de transport, mais les limites d'un examen physique à distance doivent toujours être soigneusement et judicieusement prises en compte.

(Un cas semblable a été rapporté par la HAS en 2022 chez un patient qui ne pouvait se déplacer pendant la pandémie pour avoir uns consultation présentielle nécessitée par son état clinique et qui n'a eu que des téléconsultations jugées à postériori non pertinentes. (https://telemedaction.org/437100423/responsabilit-m-dicale-et-tlc).


De plus, l'examen physique en présentiel est non seulement un moyen important de recueillir des informations cliniques, mais aussi un élément essentiel de l'identité professionnelle d'un médecin. Il s'agit d'une pratique importante qui favorise le lien humain avec les patients, contribuant ainsi à la satisfaction personnelle et professionnelle du médecin.


LA TECHNOLOGIE COMME AIDE A L'EXAMEN PHYSIQUE A DISTANCE


Malgré les possibilités offertes grâce aux progrès continus de la technologie numérique, la réalisation d'un examen physique dans le cadre de la téléconsultation reste une entreprise difficile.

La réalisation d'un examen physique non assisté à distance au moyen d'une interface vidéo peut être dépendant de la maîtrise de la technologie, des comorbidités et les préoccupations de sécurité des patients, du niveau de confort des médecins, de la mobilité du patient et de ses compétences en communication.

De nombreux patients auraient besoin d'une autre personne présente à leur côté lors de l'examen à distance pour les aider à réaliser certaines manœuvres. Les patients qui ne sont pas familiers avec la technologie de téléconsultation peuvent éprouver une « anxiété informatique », ce qui peut entraver leurs performances d'échanges pendant la téléconsultation.

(Iyer, S, Shafi, K, Lovecchio, F, Turner, R, Albert, TJ, Kim, HJ, et al.. The spine physical examination using telemedicine: strategies and best practices. Global Spine J 2022;12:8–14. https://doi.org/10.1177/2192568220944129).


D'autres défis entrent en jeu lorsque certains résultats de l'examen physique sont essentiels au diagnostic et au triage d'un patient. Par exemple, les éléments essentiels d'un examen de la colonne vertébrale comprennent le test des réflexes des extrémités et l'évaluation des réflexes pathologiques (par exemple, les réflexes de Hoffman et de Babinski), tous difficiles à réaliser par téléconsultation sans que le patient soit assisté.

(Satin, AM, Lieberman, IH. The virtual spine examination: telemedicine in the era of COVID-19 and beyond. Global Spine J 2021;11:966–74. https://doi.org/10.1177/2192568220947744)

Certains éléments de l'examen physique sont difficiles à décrire aux patients, et d'autres peuvent nécessiter des outils de test et des instructions avant la téléconsultation, ce qui alourdit le fardeau des ressources nécessaires pour effectuer un examen physique à distance efficace. De plus, la technologie présente ses propres limites étant donné que différents patients auront des capacités différentes en Visio, du matériel technologique variable et des limites environnementales physiques. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour relever tous ces défis.

L'anamnèse et l'examen physique sont des outils de collecte d'informations, une composante essentielle du raisonnement clinique.

La collecte de données précises par l'examen physique est d'une importance cruciale pour le processus de raisonnement diagnostique. Les médecins doivent tenir compte du nouveau contexte de télésanté dans lequel ils opèrent et reconnaître que la sensibilité, la spécificité et les valeurs prédictives positives des manœuvres d'examen physique peuvent ne plus s'appliquer dans ce nouveau contexte de la télésanté.

L'enseignement de l'examen physique dans le cadre de la télésanté pose un défi supplémentaire. La formation des étudiants en médecine pour effectuer des examens physiques à la fois efficaces et efficients demeure une étape essentielle dans l'apprentissage du processus diagnostique. Certaines ressources ont été développées pour former les futurs médecins à la réalisation d'examens physiques "virtuels".

(Benziger, CP, Huffman, MD, Sweis, RN, Stone, NJ. The telehealth ten: a guide for a patient-assisted virtual physical examination. Am J Med 2021;134:48–51. https://doi.org/10.1016/j.amjmed.2020.06.015)

La supervision des apprenants dans un environnement de télésanté peut être à la fois difficile et gênante, peut nécessiter un développement spécifique du corps professoral et peut être limitée par la qualité et l'accès à la technologie disponible pour les séances d'apprentissage

(Carpenter, AB, Sheppard, E, Atabaki, S, Shur, N, Tigranyan, A, Benchoff, T, et al.. A symposium on the clinic of the future and telehealth: highlights and future directions. Cureus 2021;13:e15234. https://doi.org/10.7759/cureus).

Des recherches supplémentaires sont nécessaires dans ce domaine.


INNOVATIONS ET TENDANCES FUTURES DE L'EXAMEN PHYSIQUE A DISTANCE


Les innovations en cours offrent des solutions prometteuses pour les examens physiques à distance lors de téléconsultations.

Des technologies portables peuvent aider à obtenir des signes vitaux, et les stéthoscopes et otoscopes électroniques sont d'autres nouveaux outils.

Guider le patient à travers l'auto-examen est une autre approche innovante qui peut être utilisée au cours des téléconsultations, ou l'examen physique réalisé par une infirmière ou un membre de la famille qui assiste le patient lors de la téléconsultation. Les médecins peuvent demander aux patients de mesurer leurs propres signes vitaux, de les guider dans l'amplitude des mouvements pour les examens musculosquelettiques et même de leur donner des instructions sur la palpation abdominale. Bien que bon nombre de ces solutions soient innovantes et prometteuses, les preuves de validité font encore défaut.

L'avènement de l'intelligence artificielle (IA) a commencé à changer le paysage clinique et éducatif de l'enseignement des professions de santé, et en particulier la façon dont nous enseignons l'examen physique à l'école de médecine. Les enseignants pourraient créer des scénarios pilotés par l'IA, lesquels reproduiraient des contextes cliniques spécifiques, y compris le développement de conditions visuelles et auditives qui peuvent favoriser l'apprentissage des compétences d'examen physique.

Les simulations existantes peuvent être complétées par la réalité virtuelle avec l'intégration de dispositifs multimédias (métaverse), ce qui peut créer de nouvelles opportunités pour l'enseignement et l'évaluation des compétences en matière d'examen physique. De même, il pourrait y avoir un impact sur les patients et les médecins lorsqu'un examen physique à distance est réalisé.

On peut imaginer des patients équipés à domicile d'appareils alimentés par l'IA pour recueillir eux-mêmes des informations sur l'examen physique, ce qui n'était pas possible avant l'avènement de l'IA. Par exemple, un stéthoscope alimenté par l'IA pourrait être manœuvré pour ausculter le cœur d'un patient qui ne peut pas bouger ou communiquer efficacement, en transmettant des informations aux médecins à distance.


Des recherches sont nécessaires pour juger de l'impact de la collecte de données d'examen physique à distance en téléconsultation sur le processus de raisonnement clinique et la probabilité d'erreurs de diagnostic.

L'intelligence artificielle (IA) sera bientôt utilisée pour aider à établir un diagnostic différentiel approprié. Les applications de l'IA semblent être en voie d'atteindre ou de dépasser les performances du clinicien moyen dans un avenir proche, mais une chose est certaine, la fiabilité ultime de l'utilisation de l'IA pour le diagnostic différentiel dépendra entièrement de la qualité de l'anamnèse et de l'examen physique effectué par le clinicien.


CONCLUSIONS


L'examen physique demeure un élément essentiel du processus diagnostique et son rôle dans la téléconsultation nécessite une plus grande clarté et une exploration plus approfondie. Les organismes de réglementation médicale et les sociétés professionnelles savantes doivent s'investir et prodiguer des conseils sur l'importance d'acquérir certaines compétences en matière d'examen physique à distance à l'ère numérique.

Alors que nous passons à un environnement de télésanté, la question n'est pas seulement de savoir comment enseigner l'examen physique aux étudiants, mais aussi comment tirer le meilleur parti des possibilités de la télésanté et de l'IA pour mieux comprendre comment elles peuvent contribuer à fournir des soins distanciels sûrs et de grande valeur à nos patients.


COMMENTAIRES. La place de l'examen physique lors d'une consultation médicale reste le point le plus débattu lorsqu'on aborde la pertinence ou non d'une téléconsultation. Le motif de cette téléconsultation nécessite-t-il un examen physique en présentiel ? Il faut saluer le plaidoyer des médecins internistes américains en faveur de l'examen physique, lequel s'appuie sur leur expérience de l'exercice de la médecine interne. Il faut également les féliciter d'avoir manifesté une réelle ouverture aux technologies numériques et à l'IA pour réaliser dans le futur un examen physique à distance de qualité au cours d'une téléconsultation.

On retiendra au moins deux enseignements de cette intéressante publication.

Le premier est que l'examen physique d'un patient peut être réalisé par un infirmier (IDEL, IPAL) formé à la pratique de l'examen cutané, de l'auscultation cardiaque et pulmonaire et de la palpation abdominale. Les infirmiers utilisent déjà plusieurs objets connectés lorsqu'ils assistent un patient au cours d'une téléconsultation.(https://telemedaction.org/432098221/453327732)

La téléconsultation assistée du professionnel de santé permet au médecin télé consultant de déléguer l'examen physique dans un esprit d'équipe de soins primaires. Il existe dans des téléconsultations spécialisées des délégations pour réaliser à distance une échocardiographie ou une échographie abdominale interprétée en temps réel par le spécialiste qui est à distance. Ce sont des organisations professionnelles innovantes. Elles doivent être enseignées aux futurs médecins et infirmiers.

Le deuxième est que la recherche doit se poursuivie pour intégrer l'IA aux différents objets connectés qui permettront aux professionnels de santé qui assistent les patients en téléconsultation ou aux patients capables de s'autoexaminer sous la conduite du médecin, de recueillir les données de l'examen physique pour qu'elles viennent compléter l'anamnèse dans l'élaboration du raisonnement clinique et du diagnostic.

Ainsi grâce aux technologies de la santé numérique, de la télésanté et de l'IA, l'examen physique aura toute sa place dans la réalisation de soins distanciels.


2 septembre 2024