Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
A partir de septembre 2018, la téléconsultation aura rejoint, en France, les pratiques normales de l'exercice médical au XXIème siècle. Il faut le souligner, car dans de nombreux pays à travers le monde, la téléconsultation n'est pas encore autorisée par les autorités sanitaires et ordinales. C'est notamment le cas en Europe (Belgique, Autriche, Allemagne, Pologne, Hongrie, etc..) et en Amérique du sud (Brésil, Argentine, etc..). Dans la plupart des pays où elle est autorisée, elle est remboursée par les assureurs comme une consultation normale.
Selon la Haute Autorité de Santé, les indications d'une téléconsultation en France sont les mêmes a priori que celles d'une consultation en présentiel (voir le billet intitulé "Soft Law et TLM" dans la rubrique "Droit de la Santé"). On est donc bien dans une pratique normale de la médecine.
Mais cette pratique, tant en fréquence qu'au niveau des indications, varie selon le mode d'exercice médical. Le médecin est libre d'utiliser ou non cette nouvelle pratique. Il y a des médecins traitants qui refusent de faire des téléconsultations, estimant que l'exercice médical ne peut être réalisé qu'en face à face avec leur patient, que le rapport "non-verbal" et l'examen physique sont aussi importants que le rapport verbal.
Que dit l'avenant 6 de la convention médicale de 2016 sur la tarification ubliéau JO du 1er août 2018 ?
Cet avenant concerne, entre autres, la tarification des
actes de télémédecine dans le droit commun de la Sécurité sociale. Il permet à tout médecin (généraliste ou spécialiste) de pratiquer la téléconsultation à
partir du 15 septembre 2018 chez toutes les patientes et tous les patients. Il permet aussi des consultations conjointes entre médecin traitant et médecin spécialiste (correspondant).
Comme dans les autres pays, ce sont les mêmes tarifs que pour les consultations en présentiel. L'Assurance maladie a estimé que la téléconsultation était l'équivalent d'une consultation en face à face, à la condition que le médecin connaisse déjà le patient et ait recueilli préalablement son consentement comme pour tout acte médical depuis la loi Kouchner du 4 mars 2002. L'information sur le déroulement d'une pratique médicale, quelle qu'elle soit, est une obligation légale. Le consentement doit être précédé d'une information claire et appropriée.
Voici la liste des actes et les tarifs qui leur sont attribués à partir de septembre 2018.
TCG = 25 € pour le généraliste secteur 1 ou OPTAM (option de pratique tarifaire maîtrisée) ou secteur 2 pratiquant le tarif opposable. TC =
23 € pour tous les autres. TC = 39 € pour les psychiatres TC1,5 = 58,50 € pour un acte de téléconsultation de psychiatre dans les 48 heures suivant la demande
du médecin traitant. Les tarifs sont majorés de 20 % dans les DOM. Les tarifs libres sont possibles quand ils sont autorisés.
Toutes les majorations courantes qui
s'appliquent à la consultation en présentiel s’appliquent également à la téléconsultation avec leurs conditions habituelles : Majoration provisoire clinicien (MPC = 2,70 euros), Majoration de Coordination
Spécialiste (MCS = 5 euros)), Majoration de Coordination Généraliste (MCG = 5 euros), Majoration pour les Enfants de 0 à 6 ans (MEG = 5 euros), consultation de nuit (+ 35 euros) et du dimanche (+ 19,06 euros).
Les majorations complexes et actes complexes ne sont pas pour l'instant concernés, de même que l’Avis Ponctuel de Consultant (APC).
Les actes doivent se faire dans le parcours de soins, pour un patient déjà connu du médecin, sauf exceptions autorisées, comme par exemple l'absence de médecin traitant ou l'impossibilité de le joindre.
La limite pour les plateformes de téléconsultation autorisées à titre expérimental par les ARS (essentiellement l'ARS de l'île de France) est
dans l’organisation territoriale des soins. Elles devront revoir leurs organisations actuelles au niveau national et limiter leur offre à des territoires de santé qui leur feraient appel pour améliorer
l'accès à un médecin lorsque le médecin traitant est indisponible ou lorsque la personne n'a pas de médecin traitant. Ces plateformes territoriales devront collaborer avec les médecins traitants pour assurer
la continuité du parcours de soins.
S’il y a une organisation territoriale destinée à compenser l’absence de médecin traitant ou son indisponibilité, elle sera reconnue et respectée
par l'Assurance maladie. L’enjeu pour éviter l’uberisation actuelle est bien dans cette organisation territoriale. Les plateformes territoriales de téléconsultations immédiates
représentent un défi pour les médecins traitants.
En bonne pratique médicale, on alterne téléconsultation et consultation en présentiel, notamment dans le suivi de patients atteints de maladies chroniques. Il existe des exceptions à cette règle de bonne pratique, comme des patients lourdement handicapés qui ne peuvent se déplacer au cabinet médical ou des personnes dont l'activité professionnelle est mobile et qui ne peuvent prendre de rendez-vous en présentiel auprès de leur médecin traitant.
A
partir de février 2019, les médecins spécialistes pourront pratiquer la téléexpertise pour une catégorie limitée de patients (en ALD, maladies rares, résidents
d’EHPAD, prisonniers, représentant environ 18 millions de français), à 12 euros pour les cas simples et 20 euros pour les cas moins simples. Une liste des situations de demande d'une téléexpertise simple
ou complexe a été établie par la HAS en avril 2018. Il s’agit d’un avis spécialisé donné au médecin traitant sans voir le patient, avec simplement un échange d’éléments
du dossier médical par messagerie sécurisée.
Il est ainsi possible pour le médecin spécialiste correspondant d’être payé pour une expertise plus élaborée et tracée dans
le dossier médical, que celle qu’il donnait gratuitement jusqu’à présent par téléphone.
C’est un acte essentiel qui devrait limiter le nombre de recours à une consultation spécialisée en présentiel dans plusieurs spécialités où les délais de rendez-vous sont parfois incompatibles avec la continuité des soins.
Les conditions de mise en oeuvre de ces pratiques de télémédecine sont précisées dans l'avenant conventionnel :
Pour la téléconsultation, le patient doit être en liaison visio sécurisée
avec le médecin. Le rapport de l'acte est mis dans le dossier médical et dans le DMP s’il existe. En cas de téléconsultation spécialisée, le rapport est envoyé au médecin traitant, s’il
existe.
Pour la téléexpertise, les échanges se font en asynchrone par messagerie sécurisée. Le compte rendu du spécialiste doit figurer dans le dossier médical et dans le DMP s’il existe.
Le paiement se fait comme pour les autres actes, dépassements compris. En attendant la télétransmission dans des conditions idéales, la feuille de soin électronique (FSE) en mode dégradé est autorisée sans document papier complémentaire.
Le matériel nécessaire pour le médecin : un ordinateur avec caméra, un casque de préférence pour assurer la confidentialité de l'échange et une Interface avec le patient via une plateforme sécurisée. Le médecin recevra en supplément 350 euros dans le forfait structure. Il y a 175 euros en plus pour des objets connectés à finalité médicale, utiles pour compléter la téléconsultation. Ce montant devrait rapidement être revu.
L'usage des outils de la santé mobile est possible à la condition que la visioconférence soit sécurisée. La tablette permet des échanges de meilleure qualité que le smartphone.
On peut enfin regretter que cet avenant conventionnel n'ait pas pris en compte les données du rapport de l'ARCEP de 2016 qui rappelle que 8 millions de français n'ont pas accès à internet, soit parce qu'ils vivent dans un désert numérique, soit parce qu'ils n'ont pas d'ordinateur ou de tablette...Plusieurs solutions peuvent être envisagées pour leur permettre d'accéder à une téléconsultation lorsqu'elle est nécessaire : des structures proches de leur domicile, équipées de salle dédiée ou de cabine de téléconsultation (EHPAD avec l'aide d'une infirmière, pharmacie avec l'aide du pharmacien d'officine), et/ou des solutions mobiles de téléconsultation à domicile dans les zones reculées ou en plein désert numérique (ambulance de type ASSU avec infirmière, équipée pour la téléconsultation et ayant accès à un réseau satellitaire si nécessaire).
Les différents usages selon la spécialité du médecin, son statut libéral ou salarié d'établissement de santé et sa participation éventuelle à des plateformes territoriales.
De nombreuses thèses sont en cours de réalisation pour préciser les usages de la téléconsultation et de la téléexpertise selon les différents statuts des médecins.
Pour le médecin généraliste traitant.
Il est intéressant de rapporter et de commenter les cas d'usage que donne à ses adhérents, sur son site web, l'un des syndicats signataires de l'avenant conventionnel.
Dans le cas de la petite traumatologie bénigne, un patient victime d’un accident domestique avec une plaie pourra solliciter son médecin traitant. Celui-ci adressera alors un lien sur le smartphone de son patient afin d’établir une visioconférence sécurisée pour savoir s’il est nécessaire de se rendre aux urgences afin de réaliser une exploration ou des points de suture. Cet acte pourra être facturé 25 euros.
Commentaire : ce cas d'usage présuppose que le médecin traitant soit disponible pour répondre quasi immédiatement à une telle demande "non programmée" de sa patientèle. Pour un accident domestique, même bénin à postériori, la personne souhaite être rassurée par un avis immédiat, notamment lorsqu'il s'agit d'un enfant. C'est évidemment idéal si ça fonctionne ainsi. Mais on voit bien les limites de l'exercice, compte tenu de la disponibilité actuelle des médecins généralistes. Une telle procédure sera limitée à des personnes adultes en capacité de réaliser une démarche par visioconférence à partir d'un lien transmis sur leur smartphone. Les personnes qui n'ont pas internet sur leur smartphone devront aller sur leur ordinateur s'ils en ont un. 8 millions de personnes en France n'ont pas accès à internet. Il faudra certainement que le médecin traitant décrive un process précis à sa patientèle pour ce type d'appel. Qui reçoit la demande d'un contact par visioconférence ? Comment est-elle transmise au médecin si ce n'est pas lui qui la reçoit ? S'agissant d'un acte de télémédecine, les conditions de mise en oeuvre du décret du 19 octobre 2010 seront t'elles respectées ? En cas de préjudice involontaire créé par cette pratique, il sera demandé au médecin de justifier d'une formation (DPC ?) reçue préalablement pour réaliser une téléconsultation, en conformité avec les conditions réglementaires. On voit mal un médecin faire de la téléconsultation sans avoir préalablement eu connaissance du décret.
Le patient diabétique hypertendu ne présentant pas de problématique aigue, habitant dans une zone isolée, pourra bénéficier ponctuellement de son renouvellement d’ordonnance lors du passage de l’infirmière à son domicile ou dans un centre de téléconsultation près de chez lui.
Commentaire : cette situation est plus simple puisqu'il s'agit du suivi d'un patient avec maladie chronique en collaboration avec l'infirmière libérale qui passe à domicile. L'infirmière aidera le patient à réaliser la téléconsultation avant le renouvellement d'ordonnance si le patient dispose des outils qui permettent de la réaliser (ordinateur, tablette, smartphone). L'infirmière peut être dotée d'une tablette dédiée. Ce temps infirmier passé à la téléconsultation sera rémunéré sur la base de tarifs qui sortiront de la prochaine négociation conventionnelle entre l'Assurance maladie et les représentants de la profession infirmière. Là encore, le process devra respecter le décret du 19 octobre 2010.
Le patient jeune actif victime d’une pathologie virale saisonnière contagieuse de type gastroentérite sans complication ou résolue pourra obtenir une ordonnance de traitement symptomatique directement à la pharmacie après envoi de l’ordonnance par le médecin au pharmacien et un arrêt de travail télétransmis sans devoir passer en salle d’attente.
Commentaire : un tel usage de la téléconsultation en période épidémique demande une organisation précise, car le médecin traitant risque d'être vite débordé. L'usage de la visioconférence permet de s'assurer que la demande relève bien "d'un jeune patient actif" jusque-là en bonne santé. Cette pratique serait certainement à déconseiller chez un patient âgé, porteur de plusieurs maladies chroniques avec des traitements lourds, touché par cette même épidémie de gastroentérite. Si la thèse met l'accent sur cet usage limité de la téléconsultation, certains médecins ne seront-ils pas tentés en période épidémique de l'étendre à toute demande quel que soit l'âge du demandeur ? Une formation préalable à la télémédecine permettrait de mieux préciser les cas d'usage pertinent de la téléconsultation en période épidémique, ses bénéfices et ses risques.
Le patient âgé et difficile à déplacer qui a une douleur de la zone hépatique qui semble cliniquement correspondre à une lithiase pourra être vu en liaison directe par le médecin traitant et le chirurgien pour un échange sur la conduite à tenir. Si le cabinet du médecin traitant a un échographe, ils pourront même visualiser la vésicule ensemble et décider d’une hospitalisation pour intervention.
Commentaire : Cette proposition d'usage pose plusieurs questions. Le médecin traitant souhaite faire à distance le diagnostic étiologique d'une "douleur" dans la zone hépatique. Il suspecte une lithiase et prend l'initiative d'une échographie pour partager l'examen avec un chirurgien. Ce cas d'usage n'est pas clair. Le patient est-il à domicile, en EHPAD ou au cabinet du médecin ? S'agit-il d'une télé échographie réalisée au cabinet médical ou en EHPAD ? (Voir le billet intitulé "Télé échographie" dans la rubrique "On en parle"). La connexion avec le chirurgien est-elle programmée ? L'interprétation est-elle faite par le chirurgien digestif, le médecin traitant conduisant la sonde du robot sur l'abdomen du patient et voyant également l'image dont il discute les caractéristiques avec le chirurgien ? On serait alors dans une téléconsultation spécialisée avec un chirurgien digestif, le patient étant assisté de son médecin traitant. Où s'agit-il d'une échographie avec cliché réalisé au lit du patient par le médecin traitant et dont l'image est adressée par messagerie sécurisée au chirurgien pour une téléexpertise ? Ce cas d'usage nous semble mal présenté, car il met en question à la fois la compétence de celui réalise l'échographie et de celui qui interprète l'image transmlse. L'échographie abdominale est un examen dont la qualité est très opérateur-dépendant. Il serait étonnant que le chirurgien décide de ne pas hospitaliser sur les seules données de l'échographie en temps réel ou par image. Il demandera à examiner physiquement la personne et prescrira probablement des examens complémentaires. Les diagnostics différentiels devant une douleur abdominale sont multiples. Ce cas d'usage n'est pas pertinent et illustre, à notre avis, les limites de la téléconsultation.
Un patient âgé a un INR à 6 et son médecin traitant veut être sûr que tout est bien compris sur les mesures à prendre. Un lien au patient, une discussion sur smartphone avec un petit coup d’œil sur la boite d’anticoagulant (ou le semainier) destiné au soir et sur les consignes notées sous la dictée et voilà tout le monde en sécurité et le médecin est payé 25 € comme s’il s’était déplacé (l’assurance maladie gagne 10 €) et non pas zéro comme maintenant quand il règle cela au téléphone avec un peu d’angoisse liée à la potentielle mauvaise compréhension du patient.
Commentaire : il est vrai que l'usage de la téléconsultation dans cette indication apparaît plus sécurisant pour le patient et le médecin que le conseil médical donné par téléphone. Mais il existe d'autres méthodes de santé connectée, moins coûteuses pour l'Assurance maladie, pour aider un patient à équilibrer son traitement anticoagulant, comme il en existe pour aider le diabétique à équilibrer sa glycémie.
En fait, sur les 5 cas d'usages choisis par le syndicat de médecine générale pour illustrer les applications de la téléconsultation, à partir de septembre 2018, deux ou trois seulement relèvent d'une indication pertinente. L'absence de formation préalable à la télémédecine, que nous dénonçons régulièrement sur ce site (voir le billet "un DPC pour la TLM" dans la rubrique "On en parle"), peut conduire certains médecins généralistes traitants à utiliser la téléconsultation dans des circonstances non pertinentes, ne reposant en particulier sur aucune donnée acquise de la science médicale dans ce domaine.
Les patients doivent pouvoir apprécier la pertinence et la qualité des téléconsultations et demander le retour à des consultations en présentiel s'ils ne sont pas satisfaits de cette nouvelle pratique (voir le billet "SMR et patients" dans la rubrique "Articles de Fond").
La HAS a déclaré en avril 2018 que les indications de la téléconsultation étaient a priori les mêmes que pour une consultation en présentiel. Toute la nuance de cette recommandation se trouve dans la locution adverbiale "a priori" qui signifie "en partant de données antérieures à l'expérience". Autrement dit, si le médecin veut rester fidèle à l'evidence-based medicine, toute nouvelle pratique de la téléconsultation, comme celle de 2 des 5 cas d'usage précédents, devrait être évaluée sur le plan des bénéfices et des risques pour le patient. C'est l'évaluation du service médical rendu au patient qui fonde la télémédecine clinique.
Pour le médecin spécialiste correspondant
Dans le cadre du parcours de soins coordonnés, c'est le médecin généraliste traitant qui sollicite son correspondant spécialiste. La télémédecine clinique ne modifie pas cette pratique.
Il existe des exceptions au parcours de soins qui s'appliquent également aux pratiques de télémédecine. Les patients en ALD bénéficient d'une exonération du ticket modérateur et peuvent consulter en accès direct certains professionnels de santé (par exemple le podologue pour un diabétique). Autres exceptions, les patients sous dépendance d'une drogue peuvent être pris en charge dans les services de soins ad hoc sans passer par le médecin traitant. Ils peuvent ensuite être suivis par téléconsultation.
De même, l'accès au chirurgien-dentiste pour des soins dentaires, à une sage-femme ou au gynécologue dans le cadre du suivi d'une grossesse, est possible hors parcours. Les auxilliaires médicaux (infirmiers, diététiciens, podologues, kinésithérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens, orthoptistes, etc.) peuvent dans des cas très précis, relevant de leur rôle propre, pratiquer des actes sans prescription du médecin traitant. Enfin, certaines spécialités médicales peuvent délivrer des soins en accès direct : le gynécologue, l'ophtalmologue, le psychiatre ou le neuropsychiatre, le stomatologue,
Lorsque le patient sollicite un médecin spécialiste hors parcours de soins et non justifié par une exception prévue par l'Assurance maladie, le ticket modérateur est majoré avec un reste à charge qui passe de 30% à 70% de la valeur de la consultation. Cette règle de l'Assurance maladie s'applique également à la téléconsultation. Le comportement vertueux et responsable du patient, souhaité par l'Assurance maladie, se poursuit avec la téléconsultation.
La téléconsultation du médecin spécialiste correspondant sera donc sollicitée le plus souvent par le médecin traitant, notamment dans les EHPADs. Un médecin généraliste peut également être correspondant d'un médecin traitant lorsqu'il a un DU de gériatrie, un DU de soins palliatifs, etc. Une téléconsultation de psychiatrie peut être sollicitée directement par le patient sans passer par le médecin traitant. Les autres spécialités hors parcours se prêtent aussi à l'usage de la télémédecine. Les ophtalmologues avec l'aide des orthoptistes peuvent réaliser l'expertise d'une image de rétinographie dans le cadre du dépistage ou du suivi des rétinopathies diabétiques. Les gynécologues peuvent accompagner à distance des grossesses en alternance avec des consultations en présentiel. Les stomatologues et les chirurgiens-dentistes peuvent dépister à distance les caries dentaires en EHPAD, etc. (voir le billet "Télémédecine (20) dans la rubrique "Revue Publications")
La téléexpertise entre le médecin traitant et un médecin spécialiste correspondant est une pratique de télémédecine qui devrait permettre de mieux réguler l'accès à une consultation spécialisée en présentiel, avec, comme conséquence positive pour le patient, un raccourcissement des délais de rendez-vous dans certaines spécialités médicales particulièrement sollicitées par les médecins traitants (dermatologie, cardiologie, néphrologie, neurologie).
La téléexpertise entre médecins traitants et médecins spécialistes hospitaliers peut réguler les indications d'hospitalisation. Pour parvenir à cet objectif, les établissements de santé doivent mettre en place des plateformes territoriales ou régionales, notamment dans le cadre des GHT (voir le billet "Téléexpertise (1)" dans la rubrique "le pratico-pratique"). De même, la téléexpertise avec les médecins traitants, au décours d'une hospitalisation, peut aider ces derniers à conduire le parcours de soins coordonnés de leurs patients. L'avenant conventionnel permet aux médecins hospitaliers de réaliser des téléexpertises et des téléconsultations pour des patients non hospitalisés.
Pour les patients hospitalisés, dans le cadre des filières de soins entre les différents établissements du GHT, la télémédecine est aujourd'hui préconisée et financée par des enveloppes spécifiques délivrées par des enveloppes spécifiques de la DGOS afin de répondre aux attentes des établissements publics exprimés dans le rapport Hubert/Martineau de février 2016 (voir le billet "le souffle GHT" dans la rubrique "Edito de semaine")
Enfin, la téléexpertise régulière entre médecins de soins primaires et médecins spécialistes d'organe permet de mutualiser les compétences médicales réciproques, ce qui ne peut qu'améliorer les compétences et la qualité des parcours (voir le billet "téléexpertise (3) dans la rubrique "Le Pratico-pratique").
Pour le médecin d'une plateforme territoriale de téléconsultation immédiate
C'est probablement une des innovations organisationnelles qui marquera la médecine du XXIème siècle. Ces plateformes de téléconsultation immédiate sont apparues à partir de 2014 avec l'accord de l'Etat (la plupart des autorisations ont été données par l'ARS d'Ile de France) et ont vite dérivé dans une ubérisation de la santé publique (voir le billet intitulé "plateformes et TLM" dans la rubrique "On en parle").
L'objectif initial des premiers promoteurs était de mettre en place une nouvelle pratique de la médecine par un accès direct à un avis médical. Considérées initialement comme relevant du téléconseil médical, ces plateformes ont obtenu le label de "plateformes de téléconsultation" à la suite d'une analyse purement juridique du décret de télémédecine du 19 octobre 2010, le téléphone faisant partie, selon les juristes de la CNIL et de l'ARS, des technologies de l'information et de la communication. Il a fallu attendre la LFSS 2018 pour que cette insuffisante définition de la téléconsultation dans le décret de 2010 soit corrigée. Aujourd'hui, la téléconsultation par videotransmission est la seule téléconsultation qui bénéficie d'un remboursement par l'Assurance maladie.
Que deviennent alors les plateformes expérimentales de téléconsultation autorisées par l'Etat ?
Si elles deviennent des plateformes de téléconsultation par videotransmission et qu'elles font une offre de service au niveau d'un territoire de santé pour améliorer l'accès à un médecin, en particulier pour les personnes qui n'ont pas de médecin traitant ou qui n'arrivent pas à en trouver, elles seront reconnues par l'Assurance maladie, comme le prévoit l'avenant 6 de la convention médicale de 2016. En collaborant par convention avec les médecins traitants du territoire, elles pourront aider ces personnes à s'intégrer dans un parcours de soins coordonnés piloté par un médecin traitant. Ces plateformes pourraient également aider certaines personnes à trouver un médecin traitant.
Si elles veulent demeurer des plateformes de téléconsultation par téléphone, elles ne seront pas reconnues par l'Assurance maladie et les personnes qui les appelleront ne seront pas remboursées de la téléconsultation. Il faudra que le site le précise aux appelants. De plus, la révision prochaine du décret de 2010 qui supprimera l'obligation de contractualiser avec les ARS fera que l'autorisation donnée par les ARS pendant la période précédant la LFSS 2018 n'aura plus de fondement juridique. Elles pourraient devenir ou redevenir des plateformes de téléconseil médical avec une action d'information et de prévention, voire même aider un appelant à entrer dans un parcours de soins coordonnés en lui trouvant un médecin traitant. L'organisation des plateformes de téléconseil médical par les mutuelles et les assureurs n'est pas choquante, car ces organismes ont intérêt à agir en amont des soins curatifs (voir les billets sur le téléconseil médical dans la rubrique "le Pratico-pratique"). Les médecins qui les animeront seront rémunérés à la vacation horaire. L'accès doit être gratuit, comme il l'est aujourd'hui avec la plateforme publique (Centre 15).
Les médecins qui souhaitent poursuivre des vacations d'activité sur ces plateformes auront tout intérêt à choisir les plateformes territoriales de téléconsultation par videotransmission, car ils pourront faire valoir un remboursement des actes de téléconsultation.
En conclusion, les organisations médicales, tant ambulatoires qu'hospitalières, bougent avec les nouvelles pratiques de télémédecine. Celles-ci font désormais partie de l'exercice normal de la médecine au XXIème siècle. Il est urgent que le DPC des médecins intègre ces nouvelles pratiques afin que les usages de la télémédecine restent pertinents. La prochaine étape sera d'intégrer les infirmier(e)s, spécialisées (IPA) et non-spécialistes, ainsi que les pharmaciens d'officine dans le parcours de soins structuré par la télémédecine. Cette intégration se fera en 2019 lorsque les négociations tarifaires conventionnelles avec les représentants des infirmiers et des pharmaciens auront abouti.
24 juillet 2018