Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
Déjà en difficultés avec les systèmes d'information partagés entre les établissements de santé, les GHT n'ont pas obtenu des pouvoirs publics une aide financière dans la LFSS 2017 pour développer la télémédecine entre les établissements du territoire de santé, afin de mieux structurer le parcours de soin gradué entre les différents établissements. On peut le regretter, car la télémédecine nous semble être la colonne vertébrale indispensable pour structurer le projet médical partagé de territoire. Les propositions faites par le rapport Hubert-Martineau étaient concrètes et réalistes, s'appuyant sur une large consultation des acteurs du terrain.
Selon le Ministère de la santé, le financement des pratiques professionnelles de télémédecine peut se faire d'une part à partir des tarifs des GHS, d'autre part à partir de l'expérimentation tarifaire (art. 91 de la LFSS 2017). Nous avons déjà abordé cette question sur ce site en 2016 dans un billet intitulé "GHT et TLM" dans la rubrique "On en parle".
Dans le souci d'aider les directions d'établissements de santé et les Commissions médicales d'établissements (CME), ce billet se veut très "pratico-pratique", montrant qu'il est quand même possible en 2017 d'introduire dans certaines filières de soins du GHT des pratiques de télémédecine qui peuvent trouver un financement, soit dans les tarifs des GHS, soit dans l'expérimentation tarifaire de la Sécurité sociale.
La filière de soins par télémédecine de l'AVC est le modèle à suivre
A la phase aiguë de l'accident neurologique, tout patient doit recueillir l'avis du neurologue vasculaire de permanence des soins dans l'unité neurovasculaire (UNV) de l'établissement pivot du GHT. Celui-ci fera ou non la prescription du traitement thrombolytique dans le service d'urgences de l'établissement périphérique en fonction de l'examen clinique du patient qu'il réalisera par téléconsultation avec l'aide du personnel soignant, téléexpertise avec le médecin urgentiste et de l'interprétation neuroradiologique de l'imagerie cérébrale. Même le patient qui arrive aux urgences après le délai de la thrombolyse (> 4h30) doit recueillir le téléavis du neurologue vasculaire, lequel précisera l'indication ou non d'un transfert dans l'UNV.
En termes de pratiques professionnelles de télémédecine à rémunérer, on peut distinguer deux situations :
pour une thrombolyse réalisée dans le service des urgences de l'établissement périphérique, une téléconsultation du patient et une télésurveillance par le neurologue vasculaire, une téléexpertise neuroradiologique pour l'interprétation de l'imagerie cérébrale sont réalisées, le patient étant ensuite transféré dans l'UNV.
Les prestations réalisées à distance par le neurologue vasculaire de l'UNV sont aujourd'hui incluses dans le tarif du GHS AVC que l'établissement pivot reçoit au terme de l'hospitalisation. Il reste à financer l'acte de thrombolyse réalisé dans l'établissement périphérique. Celui-ci a été évalué en Allemagne à 1000 euros, cette somme intégrant toutes les dépenses entourant la pratique de la thrombolyse. Dans le système T2A, cette dépense est en principe incluse dans le tarif du GHS AVC que touchera l'UNV de l'établissement pivot. Elle devrait donc être reversée à l'établissement périphérique qui a réalisé la thrombolyse dans le cadre d'une convention financière de télémédecine passée avec l'établissement pivot. C'est à l'ARS, grâce à la dotation FIR fléchée télémédecine, de lever les obstacles financiers éventuels pour que le téléAVC se développe au sein des GHT. L'intérêt d'une thrombolyse pour les patients touchés par un AVC ischémique ne peut être discuté. Si on veut réduire les pertes de chance actuelles, il faut que les établissements périphériques participent au téléAVC.
pour une venue aux urgences de l'établissement périphérique "hors fenêtre de thrombolyse", la sollicitation par le médecin urgentiste de l'avis du neurologue vasculaire reste d'actualité, afin de décider du transfert ou non dans l'UNV de l'établissement pivot. Le financement de ces téléconsultations et téléexpertises réalisées dans le service des urgences peut relever de l'expérimentation tarifaire, tant que la décision d'une hospitalisation n'a pas été prise. C'est une recette pour l'établissement pivot, financée dans le cadre de l'arrêté du 28 avril 2016 puisque tout patient qui fait un AVC relève d'une ALD.
Si le patient n'est pas transféré dans l'UNV et est hospitalisé dans l'établissement périphérique, l'établissement reçoit le même tarif du GHS AVC que celui de l'UNV (du moins dans la tarification actuelle). A la fin du séjour, une téléconsultation avec le neurologue vasculaire, en externe, peut être réalisée, financée alors dans le cadre de l'expérimentation tarifaire, à la condition que la sortie administrative soit effective. (voir sur ce site le billet intitulé "Financement 2017" dans la rubrique "le pratico-pratique"). Par contre, toute téléconsultation ou téléexpertise avec le neurologue de l'UNV de l'établissement pivot, réalisée pendant l'hospitalisation du patient, doit être financée sur le tarif GHS AVC dans le cadre d'une convention financière passée entre l'établissement périphérique et l'établissement pivot. Les tarifs figurant dans la convention financière peuvent s'inspirer des tarifs de l'expérimentation tarifaire.
Rappelons que l'établissement périphérique peut bénéficier du forfait prévu à l'art. 91 de la LFSS 2017 pour l'équipement et l'organisation des téléconsultations réalisées en externe.
Le modèle de la filière AVC peut être appliqué à toutes les filières de soin territoriales d'un GHT.
Avant que le patient soit hospitalisé, c'est à dire pendant sa présence dans le service des urgences de l'établissement périphérique, des actes de téléconsultation et/ou de téléexpertise avec l'établissement pivot, relevant de l'arrêté du 28 avril 2016, peuvent être réalisés, à la condition que le patient qui en bénéficie soit en ALD. Ainsi les 32 pathologies en ALD peuvent bénéficier de ces prestations de télémédecine avant leur hospitalisation. Elles seront rémunérées par l'Assurance maladie au cours de l'année 2017 dans le cadre de l'expérimentation tarifaire.
De même, en fin d'hospitalisation, lorsque la sortie administrative a été prononcée, le patient en ALD peut bénéficier de téléconsultations avec les médecins spécialistes de l'établissement pivot, réménurées également dans le cadre de l'expérimentation tarifaire.
Si le patient en ALD ou tout autre patient qui n'est pas en ALD, hospitalisé dans l'établissement périphérique du GHT, a besoin d'une téléconsultation et/ou d'une téléexpertise spécialisée pendant son hospitalisation, ces prestations de télémédecine devront être rémunérées à l'établissement pivot requis sur la base d'une convention de financement passée entre les deux établissements. Ce financement sera pris sur le tarif du GHS de l'hospitalisation et non sur le financement FIR de l'expérimentation tarifaire.
Toutefois les prestations de télémédecine de l'établissement pivot vers les autres établissements du GHT et vers les autres structures prévues à l'art.91 de la LFSS 2017 (maisons et pôles de santé pluridisciplinaires, EHPAD, autres établissements médico-sociaux) ne pourront se faire sans moyens médicaux supplémentaires accordés aux établissements pivots pour les inciter à s'impliquer dans les pratiques de télémédecine.
Dans les filières de soin les plus concernées, c'est au moins un demi-poste de praticien hospitalier (PH) qui devrait être accordé aux pôles concernés de l'établissement pivot. Pour couvrir cette dépense nouvelle, les établissements pivots devraient réaliser environ 180 téléconsultations mensuelles, soit 7 téléconsultations par jour ouvrée. Cette activité correspond bien à un mi-temps de PH. Avant que cette recette soit assurée, les ARS devront accompagner les établissements pivots des GHT pour les inciter à mettre en place ces prestations.
La dotation FIR dédiée à la télémédecine peut être utilisée pour que ces prestations soient le plus rapidement possible opérationnelles.
Si la puissance publique veut réellement réussir l'expérimentation tarifaire en 2017, il faut qu'elle finance les nouvelles organisations hospitalières qui permettront d'assurer ces prestations.
10 janvier 2017