Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
Le DPC est une obligation triennale qui se matérialise par trois types d’actions possibles : 1) l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), 2) la gestion des risques, 3) la formation continue.
L’EPP est une action d’évaluation, d’analyse et d’amélioration des pratiques des professionnels de santé. Les pratiques doivent correspondre aux recommandations professionnelles à jour.
Dans l'action triennale 2023-2025 de l'ANDPC (Agence Nationale du Développement Professionnel Continu), il est recommandé aux organismes de DPC (ODPC) de privilégier l'EPP sur la formation continue. Dans le décret du 14 avril 2005, l'EPP est définie comme l'analyse de la pratique professionnelle, en référence à des recommandations et selon une méthode élaborée ou validée par la Haute Autorité de santé (HAS). Pour les professionnels, l’EPP est une occasion de suivre les évolutions médicales, scientifiques, législatives et réglementaires. Ils mettent ainsi à jour leurs connaissances et maintiennent leurs compétences.
Lors de la précédente action triennale (2020-2022), l'action DPC portait quasi-exclusivement sur les pratiques de télémédecine (10h), le télésoin n'ayant pas encore de pratiques réglementées, et la robotique introduisant les premières applications de l'IA. Cette action relevait essentiellement de la formation continue. La nouvelle action DPC, en vigueur au jourd'hui, porte sur le Numérique en Santé (28h) dont un domaine est consacré à la télésanté (6h), laquelle pouvant s'enrichir de certains thèmes figurant dans les 4 autres domaines comme la cybersécurité, les outils du numérique, les données de santé ou la communication en santé.
Manifestement les auteurs de ce programme (DNS) ont visé l'acculturation des professionnels de santé à la Santé numérique. Il faut reconnaître que la partie de l'action qui intéresse la plupart des professionnels libéraux de terrain est la télésanté et ses pratiques au décours de la pandémie.
Comment définir une approche d'EPP en télésanté en 2023 ? Est-elle vraiment possible ? Autrement dit, les pratiques de télésanté sont-elles aujourd'hui suffisanment maitrisées pour qu'elles soient évaluées par une approche EPP ? C'est l'objet de ce billet.
LA TELESANTE REGROUPE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES A DISTANCE
La télémédecine est définie dans le code la santé publique (art. L6316-1 du CSP) comme une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient. Elle permet d'établir un diagnostic, d'assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d'effectuer une surveillance de l'état des patients.
Le télésoin est également défini dans le CSP (art. L6316-2) comme une forme de pratique de soins à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Il met en rapport un patient avec un ou plusieurs pharmaciens ou auxiliaires médicaux dans l'exercice de leurs compétences prévues au présent code.
Ces deux pratiques qui définissent dans le CSP la télésanté sont des pratiques cliniques professionnelles, comme le sont les pratiques médicales et de soin en présentiel. Les pratiques distancielles et présentielles se complètent dans un parcours de santé et caractérisent ce qu'il est convenu d'appeler la médecine hybride du 21ème siècle (https://telemedaction.org/422021881/m-decine-hybride-au-21-me-si-cle).
COMMENT EVALUER LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DE TELESANTE ?
Il existe plusieurs approches d'EPP (l'image du billet) : par comparaison à un référentiel (audit clinique, revue de pertinence, vignette clinique), par analyse des processus (chemin clinique), par analyse d'un problème (revue de morbidité/mortalité, TCS), par utilisation d'indicateurs (comme le taux d'infections).
L'approche par comparaison à un référentiel
La Haute autorité en santé (HAS) est saisie régulièrement par le ministre de la Santé pour élaborer des recommandations ou référentiels sur les pratiques professionnelles afin qu'elles soient de qualité, sécurisées et en conformité avec les données prouvées de la littérature scientifique médicale.
En matière de télésanté, la HAS a émis des recommandations de bonnes pratiques de la téléconsultation et de la téléexpertise en juin 2019 (https://www.has-sante.fr/jcms/c_2971632/fr/teleconsultation-et-teleexpertise-guide-de-bonnes-pratiques) et de l'activité de télésoin en juin 2021 (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3261198/fr/telesoin-les-bonnes-pratiques). Le référentiel des bonnes pratiques de la téléconsultation ponctuelle organisée par les sociétés de téléconsultation est en cours de validation (https://telemedaction.org/437100423/r-f-rentiel-has-pour-les-soci-t-s-de-t-l-consultation). Enfin, les référentiels de bonnes pratiques de la télésurveillance médicale dans 5 pathologies chroniques ont été publiés par la HAS en janvier 2022 (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3311071/fr/telesurveillance-medicale-referentiels-des-fonctions-et-organisations-des-soins). Ainsi, tous les référentiels HAS concernant les pratiques professionnelles de télésanté ont été publiés avant que l'action triennale 2023-25 de l'ANDPC soit lancée.
On peut également ajouter la Charte des bonnes pratiques de téléconsultation publiée par l'Assurance maladie en avril 2022 avec la validation des Ordres professionnels (https://www.ameli.fr/cotes-d-armor/medecin/exercice-liberal/telemedecine/teleconsultation/charte-de-bonnes-pratiques-de-la-teleconsultation).
L'audit clinique est une méthode d'évaluation et d'amélioration des pratiques professionnelles. Elle mesure les écarts entre la pratique réelle observée et la pratique attendue ou recommandée (les recommandations ou guidelines de bonnes pratiques) à partir de critères d'évaluation élaborés par la HAS
(https://www.has-sante.fr/jcms/c_2807705/fr/audit-clinique#:~:text=L'audit%20clinique%20est%20une,partir%20de%20crit%C3%A8res%20d'%C3%A9valuation).
En fonction des résultats d’une première évaluation, les professionnels de santé mettent en place des actions d’amélioration de la qualité des soins.
L’impact de ces actions d'amélioration est évalué par une nouvelle mesure des écarts entre la pratique réelle observée et la pratique attendue ou recommandée, selon les mêmes critères d’évaluation. Cette mesure des écarts peut se faire par plusieurs méthodes : des réponses directes aux critères qui figurent dans les référentiels HAS ou des réponses à des QCM. Ces évaluations sont répétées plusieurs fois (intervalles de 3 à 6 mois) sur la base de dossiers patients où figurent les compte-rendus des pratiques de télésanté qui ont été utilisées selon des critères de pertinence. On peut également utiliser la construction virtuelle de vignettes cliniques qui permettent de mesurer par étapes successives les connaissances et la qualité des pratiques (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3201597/fr/methode-de-dpc-vignettes-cliniques).
Les pratiques professionnelles de télésanté ne s'inventent pas, elles sont différentes des pratiques en présentiel qu'elles complètent dans un parcours de santé.
Elles relèvent d'une formation préalable qui devrait être certifiée avant de pratiquer, comme cela est déjà le cas dans plusieurs pays (voir ci-dessous). La formation intègre non seulement des connaissances techniques sur le numérique en santé, mais également, et surtout, des connaissances sur la pertinence de ces pratiques (décret relatif à la télésanté du 3 juin 2021) précisée dans les différents référentiels HAS (https://www.has-sante.fr/jcms/c_2807060/fr/revue-de-pertinence-des-soins), le respect des droits des patients, comme le devoir d'information préalable sur les bénéfices et les risques de ces pratiques avant de recevoir un consentement éclairé, les apports de la recherche en psycho-sociologie pour humaniser le dialogue à travers un écran, comme la recherche d'indicateurs non-verbaux (https://telemedaction.org/432098221/450415051), les tensions de nature éthique lors d'une pratique de télésanté (https://telemedaction.org/437100423/ethique-et-t-l-sant). Comme nous le verrons plus loin, la méconnaissance de ces aspects propres aux pratiques de la télésanté est à l'origine de mauvaises pratiques ou de mésusages comme cela a été observé pendant la pandémie Covid-19.
Les autres approches d'EPP sont-elles indiquées ?
L'analyse d'un processus, comme l'est le chemin clinique (CC), est-elle une méthode d'évaluation et d'amélioration des pratiques professionnelles en télésanté ? Le CC décrit, pour une pathologie donnée, tous les éléments du processus de prise en charge constituant le parcours de santé du patient. Cette méthode vise à planifier, rationaliser et standardiser la prise en charge multidisciplinaire et/ou pluriprofessionnelle de patients présentant un problème de santé comparable afin de réaliser une prise en charge optimale et efficiente respectant les règles de bonnes pratiques.
Les objectifs tels que l’appropriation des recommandations, l’amélioration de la coordination et de la communication ou encore la gestion des risques, guident la mise en place des chemins cliniques. Ils simplifient aussi la prise en charge tout en limitant la variabilité des pratiques. Le CC se traduit comme un document à intégrer au dossier du patient (liste des actes à réaliser). Chaque acte doit être signé par la personne qui l’a réalisé, permettant ainsi d’assurer la traçabilité. Le CC peut être utilisé dans un établissement de santé, dans un réseau de soins ou dans le cadre de l’exercice libéral lorsque les professionnels se coordonnent entre eux. (https://www.has-sante.fr/jcms/c_2807716/en/chemin-clinique).
Si les pratiques distancielles viennent compléter des pratiques présentielles dans un parcours de santé "hybride", elles peuvent faire partie de la construction d'un CC. Toutefois, comme le rappelle la HAS, le CC simplifie la prise en charge d'un patient en limitant la variabilité des pratiques. Or les pratiques de télésanté relèvent de la pertinence du soin à distance, jugée par le médecin traitant en fonction de plusieurs critères non liés à une pathologie, comme la situation clinique du patient, la disponibilité des données du patient pour réaliser l'acte à distance, la capacité du patient à communiquer à distance et à utiliser les outils numériques (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-07/fiche_memo_teleconsultation_et_teleexpertise_mise_en_oeuvre.pdf). Il peut donc y avoir une grande variabilité des pratiques de télésanté, en particulier en fonction des patients, quelle que soit leur pathologie, et des professionnels qui ont la responsabilité individuelle de définir la pertinence ou non d'un acte de télésanté.
Quant aux autres approches d'EPP (analyse d'un problème et sa résolution, l'utilisation d'indicateurs), elles sont surtout dirigées sur l'évaluation des pratiques professionnelles vis à vis d'une situation pathologique, notamment sur la base d'un raisonnement clinique (comme la méthode TCS) qui s'appuie sur les données actuelles de la science médicale. Sont alors évaluées la conduite diagnostique et l'action thérapeutique vis à vis d'une pathologie donnée. Comme le rappelle la HAS, les pratiques de télésanté doivent en premier lieu répondre à des besoins de patients, en particulier de nature médico-sociale ou sociale, comme l'isolement et la difficulté d'accéder aux soins primaires, l'impossibilité de se déplacer par handicap ou lors d'épidémies. Les pratiques de télésanté de doivent pas à priori répondre à des besoins des professionnels de santé.
LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DE LA TELESANTE PENDANT LA PANDEMIE COVID-19
La plupart des professionnels de santé en activité, médicaux et paramédicaux, ont découvert les pratiques de télésanté lorsque, le 23 mars 2020, le Gouvernement français a promulgué la loi sur l'état d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie du Covid-19 (https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041746313). Les pratiques de téléconsultation et de téléexpertise étaient entrées dans le droit commun de la sécurité sociale depuis le 15 septembre 2018 (téléconsultation) et le 11 février 2019 (téléexpertise), le télésoin n'étant qu'une une activité légale depuis le 24 juillet 2019, mais non encore réglementé par un décret d'application.
Téléconsultation et téléexpertise pour les professionnels médicaux
Moins de 2% des médecins généralistes libéraux pratiquaient la téléconsultation avant le début de la pandémie, avec un total de 60 000 téléconsultations remboursées par l'Assurance maladie (AM) entre septembre 2018 et février 2020, lesquelles devaient respecter strictement l'avenant 6 de la convention nationale médicale (https://telemedaction.org/422016875/443481923).
Quant à la téléexpertise, ce fut un échec puisque moins de 1000 actes remboursés par l'AM étaient recensés avant le début de la pandémie (https://telemedaction.org/422016875/443565029).
Il ne faut pas s'étonner que ces nouvelles pratiques à distance aient peu intéressé les professionnels de santé avant la pandémie, d'une part parce que l'action DPC de télémédecine ne fut publiée par l'ANDPC qu'en décembre 2018, d'autre part, parce que les recommandations de bonnes pratiques de téléconsultation/téléexpertise sur lesquelles devaient s'appuyer les formations DPC n'ont été publiées par la HAS qu'en mai-juin 2019 (https://www.has-sante.fr/jcms/c_2971632/fr/teleconsultation-et-teleexpertise-guide-de-bonnes-pratiques). Huit mois avant le début de la pandémie, peu d'ODPC proposaient une formation à la télémédecine.
C'est donc la survenue de la pandémie avec ses confinements qui a conduit les professionnels médicaux à développer des pratiques à distance, en s'affranchissant totalement des recommandations de la HAS de juin 2019 et de celles du RGPD de mai 2018. Pendant l'état d'urgence sanitaire, les professionnels de santé étaient invités à maintenir un lien avec leur patientèle par téléconsultation pour les professionnels médicaux et par télésoin pour les pharmaciens et les auxiliaires médicaux. Tout moyen technologique était bon pour maintenir ce lien (téléphone, WhatsApp, Skype, messagerie publique, etc.), sans que la sécurité des échanges de données personnelles soit garantie. Le recensement des outils de téléconsultation, demandé par le ministère de la santé à la fin mars 2020, révéla que sur les 144 outils recensés, seulement 3% répondaient aux critères de sécurité des données (https://telemedaction.org/432098221/445424795).
Les médecins libéraux étaient incapables de faire des choix appropriés dans cet offre d'outils sans un accompagnement des autorités sanitaires. Or ces dernières étaient dans l'impossibilité de le faire devant le constat d'absence d'interopérabilité de ces outils avec les logiciels métiers des professionnels. Les trois plateformes de rendez-vous médicaux ont organisé la plupart des téléconsultations à la demande des médecins traitants.
La plupart des médias français et étrangers rapportèrent le "décollage de la télémédecine" à la pandémie, laquelle toucha la quasi-totalité des pays de la planète. A la sortie de la pandémie, beaucoup de pays, tirant les leçons des pratiques professionnelles observées pendant cette période, préconisaient la formation des professionnels de santé sur la base de guidelines élaborés soit par des groupes d'enseignants universitaires, comme aux Etats-Unis (https://telemedaction.org/432098221/450415051), soit par des sociétés savantes européennes ou internationales, comme en rhumatologie et cardiologie (https://telemedaction.org/432098221/452606424) (https://telemedaction.org/445927157/452618765), soit par les gouvernements eux-mêmes, comme dans certains pays de l'Asie du Sud-Est (https://telemedaction.org/439245281/tlm-en-asie-du-sud-est) ou de l'Amérique latine (https://telemedaction.org/439245281/tlm-en-am-rique-latine).
En France, tant le CNOM en octobre 2021 (https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/rapport/10ax7i9/cnom_mesusage_de_la_telemedecine.pdf) que la HAS en décembre 2022 (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3394347/fr/flash-securite-patient-teleconsultation-a-distance-redoubler-de-vigilance), dénoncèrent des mésusages de la télémédecine, en particulier de la téléconsultation, observés pendant la pandémie. Il s'en suivit un avenant 9 à la Convention médicale nationale, entré en vigueur le 1er avril 2022, qui limitait la pratique de la téléconsultation et la téléexpertise à 20% d'une activité médicale annuelle (https://telemedaction.org/437100423/450710673) et une Charte des bonnes pratiques de la téléconsultation publiée en avril 2022 par l'AM (https://telemedaction.org/432098221/452395661) (https://telemedaction.org/432098221/452419586).
Enfin, au décours de la pandémie, les pouvoirs publics, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour l'années 2023 proposèrent aux sociétés de téléconsultation d'être agréées par les ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2024, pour que leur activité de téléconsultation ponctuelle, une forme de téléconsultation prisée par la population jeune (https://telemedaction.org/422021881/t-l-consultation-et-smr) (https://telemedaction.org/422016875/453185455), puisse rejoindre le parcours de soin coordonné par le médecin traitant et être pris en charge par l'AM. Pour être agréées, les sociétés de téléconsultations sont tenues, entre autres, de s'engager à respecter les bonnes pratiques érigées par la HAS (https://telemedaction.org/437100423/r-f-rentiel-has-pour-les-soci-t-s-de-t-l-consultation).
Télésoin et téléexpertise requise pour les pharmaciens et les auxiliaires médicaux
Le télésoin, créé dans la loi OTSS (organisation territoriale du système de santé) du 24 juillet 2019, n'avait pas encore de décret d'application lorsque la pandémie est survenue. Dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les pharmaciens et plusieurs professions d'auxiliaire médical furent autorisés, à titre dérogatoire, à réaliser des activités de télésoin, en particulier pendant les confinements (https://telemedaction.org/432098221/446173613). En l'absence de lettre clé spécifique à l'activité de télésoin pour un remboursement par l'AMO, il est impossible de dire si cette nouvelle pratique s'est réellement développée pendant la pandémie.
Le décret relatif à la télésanté du 3 juin 2021 donna le cadre réglementaire de l'exercice du télésoin et de la téléexpertise requise par un professionnel non-médical auprès d'un professionnel médical. Il créa l'obligation de pertinence d'un acte de télésanté réalisé par un professionnel de santé (https://telemedaction.org/437100423/449653873) (https://telemedaction.org/437100423/449707641)(https://telemedaction.org/437100423/449726934).
Ce sont in fine les négociations conventionnelles avec l'AM qui précisent le périmètre de l'activité de télésoin et de la téléexpertise requise, également limitée à 20% d'une activité professionnelle annuelle. Toutefois, en l'absence de lettre clé de remboursement pour l'activité de télésoin, il est difficile d'évaluer la réalité de cette activité en 2022 et 2023.
L'ACTION PRIORITAIRE "NUMERIQUE EN SANTE" (n°11) DANS LE PROGRAMME TRIENNAL (2023-2025)
Pour l'ANDPC, chaque professionnel de santé doit, par période de 3 ans, suivre un parcours de DPC combinant de la formation et/ou de l’évaluation de pratiques professionnelles et/ou de la gestion des risques. Un minimum de deux actions de deux types différents est requis pour remplir son obligation de DPC.
L'action prioritaire "Numérique en Santé", écrite par la Délégation ministérielle du Numérique en santé (DNS), est une action DPC d'une durée de 28h qui se décline en 5 grands domaines : 1) les données de santé (6h), 2) la cybersécurité en santé (5h), 3) la communication en santé (5h), 4) les outils numériques en santé (6h), 5) La télésanté (6h), ce dernier domaine pouvant s'enrichir de certains thèmes décrits dans les 4 autres domaines, comme Mon Espace Santé, l'Intelligence artificielle, les outils numériques, etc.
Seul le DPC sur les pratiques de télésanté est abordé ici.
Quatre objectifs sont déclinés dans la fiche de cadrage : 1) connaître les différents actes de télémédecine et activités de télésoin, 2) connaître les rôles et responsabilités des acteurs (professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et pharmaciens, 3) appréhender les modalités de construction d'un projet médical de télésanté comprenant le choix d'outils adaptés et sécurisés, 4) favoriser l'intégration de la télémédecine et du télésoin dans la pratique du soignant : cas d'application, démarche de questionnement et bonnes pratiques d'usage.
Une formation nécessaire au décours de la pandémie.
Comme nous l'avons vu auparavant, la grande majorité des professionnels de santé, médicaux et non-médicaux, n'avait pas été formée aux pratiques de télémédecine au moment de la pandémie, notamment aux recommandations de bonnes pratiques de la HAS. Environ 70% de médecins ont pratiqué au cours de la pandémie des téléconsultations "d'urgence" (https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-12/ER1249.pdf), lesquelles ne respectaient pas les recommandations de la HAS et du RGPD, comme l'ont révélé les premières EPP réalisées en 2023 (expérience de l'auteur du billet) La plupart des outils utilisés n'étaient pas sécurisés pour les données personnelles de santé (https://telemedaction.org/432098221/445424795). De même, l'activité de télésoin a été conduite sans formation préalable pour la totalité des pharmaciens et des auxiliaires médicaux autorisés pendant la pandémie.
La formation des professionnels qui souhaitent poursuivre les pratiques de télésanté, au décours de la pandémie, devient donc une priorité dans l'action triennale de l'ANDPC, compte tenu du contexte actuel de transformation numérique du système de santé. Il faut en particulier enseigner aux professionnels, non seulement le cadre technologique, mais également les cadres éthiques, juridiques, sociologiques des pratiques de télésanté, ainsi que leur pertinence sur la base des recommandations de la HAS.
Cette formation peut être illustrée par des cas d'usage (https://telemedaction.org/445927157/) ((https://telemedaction.org/422783742/448760658) ou des vignettes cliniques. Une telle formation aux pratiques de la télésanté peut se faire en présentiel, mais aussi en webinaire ou en e-learning pour atteindre le plus grand nombre de professionnels. Peut-on regrouper tous les professionnels de santé, quel que soit leur métier, dans la même formation ? Par expérience, l'auteur de ce billet ne le pense pas, car les pratiques et les cas d'usages varient selon les métiers. Il vaut mieux réaliser cette formation par catégorie professionnelle.
La place de l'EPP dans le DPC de télésanté du programme triennal.
L'EPP a sa toute sa place pour corriger les mauvaises pratiques acquises pendant la pandémie. La formation préalable doit porter sur les référentiels élaborés par la HAS que la plupart des professionnels de santé connaissent mal.
Après avoir validé cette formation, le professionnel de santé pourra introduire dans sa pratique professionnelle l'usage de la télésanté telle qu'elle est recommandée par la HAS. Quelques semaines ou quelques mois après la fin de la formation, une EPP par audit clinique peut être réalisée en comparant les pratiques acquises, grâce à la connaissance des référentiels HAS, aux pratiques attendues. Les critères d'évaluation sont ceux qui figurent dans les référentiels.
La méthode de mesure peut reposer sur un déclaratif du professionnel qui répond à un questionnaire, voire par des QCM qui permettent de vérifier le raisonnement du professionnel sur la pertinence des pratiques de télésanté, la prise en compte des données éthiques, sociologiques, juridiques. Une évaluation est faite sur la base de dix dossiers de patients où le professionnel a déposé le compte-rendu des actes de télésanté (une obligation), dans lequel il retrouve les raisons de la pertinence des pratiques de télésanté qu'il a réalisées. Cela rend alors possible d'évaluer les écarts éventuels entre les pratiques attendues et les pratiques réelles. Une progression vers de bonnes pratiques de soins distanciels peut être ainsi engagée.
11 novembre 2023