La réforme du métier de médecin coordonnateur d'EHPAD aura un impact positif sur le développement de la téléconsultation et de la téléexpertise en EHPAD

Ce décret était dans les tuyaux du Ministère de la santé depuis quelques mois. Il vient de paraître au JORF du 6 juillet 2019. Il peut désormais lever beaucoup de freins au développement de la télémédecine en EHPAD.

Jusqu'à présent, la demande d'une téléconsultation et d'une téléexpertise pour les résidents d'Ehpad relevait des médecins traitants de ces résidents, dans le respect de l'avenant 6 de la Convention médicale de 2016. Or, de nombreux médecins traitants généralistes sont encore indécis ou estiment ne pas avoir le temps nécessaire pour utiliser les pratiques de télémédecine.

La réforme du métier de médecin coordonnateur d'Ehpad donne désormais à ce dernier la possibilité de participer à la prise en charge des résidents de l'établissement avec les médecins traitants qui seront informés des initiatives qu'il prendra pour assurer la continuité des soins de leur patientèle. Le décret est entré en vigueur le 7 juillet 2019.

Nous n'aborderons dans ce billet que l'impact positif que cette réforme peut avoir sur le développement des usages de la téléconsultation et de la téléexpertise spécialisées en Ehpad.

Que dit le décret n°2019-714 du 5 juillet 2019 ?

Il "porte réforme du métier de médecin coordonnateur en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes"

En remplacement des alinéas 8 à 13 de l'article D.312-158, "le médecin coordonne la réalisation de l'évaluation gériatrique et, dans ce cadre, peut effectuer des propositions diagnostiques et thérapeutiques, médicamenteuses ou non médicamenteuses" (alinéa 6).

L'alinéa 7 est important puisque le médecin coordonnateur assure désormais une vigilance sur les traitements prescrits par les médecins traitants : « Il contribue auprès des professionnels de santé exerçant dans l’établissement à la bonne adaptation et aux impératifs gériatriques des prescriptions de médicaments et des produits et prestations inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Il prend en compte les recommandations de bonnes pratiques existantes en lien, le cas échéant, avec le pharmacien chargé de la gérance de la pharmacie à usage intérieur ou le pharmacien mentionné à l’article L. 5126-6 du code de la santé publique ».

L'alinéa 8 précise qu'il "contribue à la mise en œuvre d’une politique de formation et participe aux actions d’information des professionnels de santé exerçant dans l’établissement. Il peut également participer à l’encadrement des internes en médecine et des étudiants en médecine, notamment dans le cadre de leur service sanitaire".

L'alinéa 13 remplace le précédent alinéa 15. Il renforce les initiatives du médecin coordonnateur pour que la coordination des soins aux résidents soit le meilleur possible :

13° Il réalise des prescriptions médicales pour les résidents de l’établissement au sein duquel il exerce ses fonctions de coordonnateur en cas de situation d’urgence ou de risques vitaux ainsi que lors de la survenue de risques exceptionnels ou collectifs nécessitant une organisation adaptée des soins, incluant la prescription de vaccins et d’antiviraux dans le cadre du suivi des épidémies de grippe saisonnière en établissement.

Il peut intervenir pour tout acte, incluant l’acte de prescription médicamenteuse, lorsque le médecin traitant ou désigné par le patient ou son remplaçant n’est pas en mesure d’assurer une consultation par intervention dans l’établissement, conseil téléphonique ou téléprescription.

Les médecins traitants des résidents concernés sont dans tous les cas informés des prescriptions réalisées.» 

Auparavant, le médecin coordonnateur d'Ehpad ne pouvait prescrire qu'en situation d'urgence et il en informait le médecin traitant. Avec ce nouvel arrêté, il peut intervenir dans la prescription médicamenteuse en dehors des situations d'urgence et entreprendre tout acte lorsque le médecin traitant n'est pas en mesure d'assurer une consultation présentielle, un conseil téléphonique ou une téléprescription. Le médecin coordonnateur peut désormais demander une téléconsultation ou une téléexpertise spécialisée.

Pourquoi ce décret va favoriser le développement de la télémédecine en Ehpad et transformer la prise en charge des résidents ?

La principale demande des responsables d'Ehpad est de pouvoir bénéficier de la télémédecine pour accéder aux médecins spécialistes tels que les cardiologues, les endocrinologues, les neurologues, les néphrologues, les ophtalmologues, les chirurgiens-dentistes, etc...

La téléconsultation (TLC) spécialisée en Ehpad

On peut désormais en dresser un schéma organisationnel relativement simple à mettre en place :

Quelle est la nature de l'acte ? C'est un acte synchrone programmé par videotransmission, en présence du patient qui est assisté d’un professionnel de santé non médical de l’Ehpad. L'accès au dossier médical du patient (DP ou DMP) au cours de la TLC est assuré.

Quels sont les professionnels impliqués ? Le médecin requérant est le médecin coordonnateur de l'Ehpad qui en a informé le médecin traitant. Le médecin requis est le médecin spécialiste (gériatre, radiologue, psychiatre, neurologue, dermatologue, endocrinologue, médecin spécialiste des plaies chroniques, etc.).

Quelles sont les principales étapes organisationnelles ? 

1- La demande de TLC spécialisée programmée est effectuée par l’Ehpad à la demande du médecin coordonnateur

2-  L'organisation technique de la TLC est assurée par un coordonnateur de télémédecine (TLM). Il peut s'agir du coordonnateur de TLM du Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) si l'Ehpad est public ou du coordonnateur de TLM du CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé) su l'Ehpad est privée. La TLC programmée doit être organisée au niveau du territoire de santé ou de la région.

3- La TLC est réalisée par le médecin spécialiste requis selon un protocole qu’il aura validé dans la convention de TLM signée avec l'Ehpad, protocole qui respecte les conditions de mise en oeuvre du décret de TLM du 13 septembre 2018 (qui remplace celui du 19 octobre 2010)

4 Il y a éventuellement l'exécution d’examens complémentaires à la demande du médecin requis, par exemple un ECG, une photo, un bilan biologique,etc.

5 Le médecin requis restitue au médecin de l’Ehpad les conclusions de la TLC qui sont intégrées au dossier du patient ou au DMP si celui-ci a été ouvert par le patient.

La téléexpertise spécialisée (TLE) en Ehpad

Tous les résidents d'Ehpad sont en affection de longue durée (ALD). Agés en moyenne de 85 ans, ils cumulent au moins 8 maladies chroniques. Ils sont donc éligibles à la TLE telle que définie dans l'avenant 6 de la Convention médicale de 2016.

 On peut en dresser le schéma organisationnel.

 Quelle est la nature de l'acte ? 

C'est un acte synchrone (par écrit ou téléphone) ou asynchrone (par écrit ou transfert d’image). Les éléments du dossier médical patient nécessaires à l'expertise spécialisée sont transmis avec la requête.

Quels sont les professionnels impliqués ?

Le médecin requérant est le médecin coordonnateur de l’Ehpad (TLE synchrone ou asynchrone) pour un patient en ALD résident de l’Ehpad.

Le médecin requis est le médecin spécialiste hospitalier ou libéral (TLE asynchrone), voir le médecin urgentiste du service d’urgences hospitalières (TLE synchrone).

Quelles sont les principales étapes organisationnelles ?

1 La demande d’une TLE est effectuée par le médecin coordonnateur requérant

2 Pour alerter le médecin spécialiste requis de la demande, les éléments médicaux de la requête sont adressés par MSSanté (Messagerie Sécurisée de Santé).

3 La TLE est réalisée par le médecin spécialiste requis selon un protocole qu’il aura validé dans la convention de TLM qu'il aura validé préalablement avec la direction de l'Ehpad et le médecin coordonnateur.

4 Il peut y avoir l'exécution d’examens complémentaires à la demande du médecin spécialiste requis, notamment en cas de TLE synchrone par téléphone avec un médecin urgentiste.

5 Le médecin spécialiste requis restitue au médecin requérant un compte-rendu de TLE, que celle-ci soit synchrone par téléphone ou asynchrone par MSSanté. Ce compte-rendu est intégré dans le dossier du patient ou le DMP si celui-ci a été ouvert.

Les obligations réglementaires

Le consentement du patient à la pratique de ces actes doit être obtenu, ou à défaut le consentement de la personne de confiance ou de la famille.

C'est le médecin requis qui est responsable des conclusions de la TLC ou de la TLE. Il ne peut donc donner ses conclusions qu'après avoir pris connaissance des éléments du dossier médical nécessaires à cette TLC ou TLE qui lui ont été communiqués. Pour un patient cumulant plusieurs maladies chroniques, la TLE ne peut être que de 2ème niveau et rémunérée 20 euros. La TLC spécialisée peut aussi relever d'un tarif attribué aux consultations longues et complexes.

Le médecin traitant doit toujours être informé des actes de télémédecine demandés par le médecin coordonnateur de l'Ehpad.

Pour que le modèle économique soit viable, il est urgent que la CNAM définisse une tarification pour le temps infirmier d'assistance à la TLC, comme s'est engagé à le faire le directeur de la CNAM en juin 2018.

En conclusion, nul doute que cette réforme du métier de médecin coordonnateur va favoriser les demandes d'avis spécialisés par télémédecine pour les résidents d'Ehpad, en leur évitant certains délais d'attentes et le déplacement au cabinet du médecin spécialiste lorsque le handicap est important. 

12 juillet 2019

 

Commentaires

Pierre Simon

24.04.2020 15:26

Merci Sylvie de cette précision. Celles qui ne sont pas en ALD n'ont aucune maladie chronique ? Il est vrai qu'il y a 11 millions d'ALD pour 15 millions de pts avec M.chroniques

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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