Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
La période de confinement due à la Covid-19 a révélé que de nombreux médecins ont dû utiliser leur téléphone pour réaliser des téléconsultations (TLC), car le réseau numérique 4G n'était pas présent sur le tout territoire français pour réaliser des TLC par videotransmission. Les pouvoirs publics français ont autorisé les TLC par téléphone jusqu'à la fin de la période d'urgence sanitaire. (http://www.telemedaction.org/446583038).
Ce fut également le cas aux Etats-Unis où les autorités ont du lever les contraintes réglementaires de la HIPAA (Health Insurance Portability and Accountrability Act). Cette loi votée en 1996 par le Congrès américain, demandait au département de la Santé et des Services sociaux des Etats-Unis (HHS) de publier les règles facilitant et régulant l'échange de données entre les acteurs de santé. La HHS a par la suite édité 5 règles sur la vie privée (Privacy Rule), sur la régulation des transactions (Transactions and Code Sets Rule), sur la sécurité des données (Security Rule), sur l'identifiant unique (Unique Identifiers Rule) et sur le pouvoir de contrôle et de sanction du HHS (Enforcement Rule).
Toutes ces règles de la HHS ont été levées de manière temporaire pendant la période de la Covid-19 et du confinement, permettant aux médecins américains d'utiliser pour la téléconsultation une variété d'outils de communication vidéo "grand public", dont beaucoup sont gratuits ou peu coûteux, notamment Apple FaceTime, le chat vidéo Facebook Messenger, la vidéo Google Hangouts et Skype.
Brook Calton, MD, MHS,a,∗ Nauzley Abedini, MD, MSc,a and Michael Fratkin, MDTelemedicine in the Time of CoronavirusJ Pain Symptom Manage. 2020 Jul; 60(1): e12–e14.Published online 2020 Mar 31. doi: 10.1016/j.jpainsymman.2020.03.019
La 5G doit permettre le développement des bonnes pratiques de télémédecine et de télésoin dans l'après-Covid-19.
Si on veut améliorer l'accès aux soins par télémédecine et télésoin, notamment dans les zones en sous-densité médicale appelées "déserts médicaux", il faut un développement rapide de la 5G. Elle doit couvrir le plus rapidement possible la totalité du territoire national pour mettre un terme aux "déserts numériques" qui empêchent près de 10 millions de français d'accéder aux soins à distance. Son développement ne devrait pas être dépendant de conditions de ressources. Le principe éthique de justice doit être respecté : tout citoyen a droit à une égalité d'accès aux solutions technologiques qui permettent d'améliorer l'accès aux soins.
Selon l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), les premiers forfaits 5G arriveront à la fin 2020 et concerneront deux villes par opérateur. Le potentiel de la vraie 5G ne serait disponible en fait qu'à partir de 2025. (https://www.arcep.fr/cartes-et-donnees/nos-publications-chiffrees/experimentations-5g-en-france/tableau-de-bord-des-experimentations-5g-en-france.html) La crise sanitaire a freiné les opérations d'achat des licences 5G par les 4 opérateurs français. Elles viennent d'être attribuées aux opérateurs pour près de 2,5 milliards d'euros.
Malheureusement, si les échéances restent en l'état, la jouissance de la 5G en France, pour développer les bonnes pratiques de télémédecine et de télésoin, n'interviendra qu'à partir de 2025. Au 31 décembre 2019, dix pays de l'Union européenne disposaient de réseaux commerciaux de la 5G, les plus réactifs ayant été la Finlande et l'Autriche. Les marchés les plus compétitifs aujourd'hui sont le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Etats-Unis et la Chine. La Commission européenne demande qu'en 2020, au moins deux villes de chaque état membre disposent du réseau 5G.
Grâce à la 5G, la Chine occidentale a pu faire face aux enjeux sanitaires de la Covid-19.
La Chine occidentale n'a pas autant de ressources économiques ou d'infrastructures de soins de santé que les parties orientales du pays. Les ressources médicales de haute qualité sont concentrées dans les grandes et moyennes villes et de nombreux hôpitaux de comté et de district font face à une pénurie de personnel qualifié et à une technologie inadéquate pour le diagnostic et le traitement.
Un réseau de télémédecine multimodal a été mis en place dans la province du Sichuan, dans l'ouest de la Chine, dès le début de la pandémie à la Covid-19. Le réseau a mis en synergie un service 5G nouvellement établi, une application pour smartphone et le système de télémédecine existant.(http://www.telemedaction.org/432939406) Le réseau de télémédecine du Sichuan a été activé immédiatement après la première phase épidémique de janvier 2020.
Grâce à la 5G, l'université du Sichuan a pu former en Visio tous les professionnels de santé des hôpitaux locaux de cette région rurale pour qu'ils prennent en charge dans leur hôpital les patients atteints de la Covid-19. Cette formation a permis ensuite de développer des TLC de spécialistes pour accompagner les professionnels de santé locaux sur les cas graves de la Covid-19 chez les personnes âgées atteintes de maladies chroniques, mais également pour suivre les femmes enceintes et les enfants.
Du 26 janvier au 12 mars 2020, 424 TLC ont été menées pour des patients atteints de formes sévères, dont l'âge médian était de 64 ans (intervalle : 35 jours à 87 ans). Les motifs
de TLC étaient l'ajustement de la thérapie antivirale (75%), la gestion des complications (68%), l'ajustement de la thérapie respiratoire (55%) ou la confirmation du diagnostic (15%). Les radiologues
de l’Université du Sichuan ont utilisé le réseau 5G Dual Gigabit pour effectuer à distance une tomodensitométrie pulmonaire chez les patients atteints de la Covid-19 à l'hôpital populaire de Ganzi
dans le comté de Ganzi, province du Sichuan. C'est la première fois qu'une tomodensitométrie pulmonaire était réalisée à distance lors de la pandémie COVID-19 (voir l'image du billet). Cette
performance technique n'a pu être réalisée que grâce à la 5G.
Zhen Hong # 1, Nian Li # 2, Dajiang Li 2, Junhua Li 3, Bing Li 3, Weixi Xiong 1, Lu Lu 1, Weimin Li 4, Dong Zhou 1 Telemedicine During the COVID-19 Pandemic: Experiences From Western China. J Med Internet Res 2020 May 8;22(5):e19577.doi: 10.2196/19577.
Il faut accélérer le déploiement de la 5G en France
La France est en pleine transformation numérique de son système de santé. A l'évidence, le développement de la télésanté doit en faire partie pour prévenir la submersion des hôpitaux en situation d'urgence sanitaire, le développement rapide des maladies chroniques faisant partie des risques de submersion de notre système de santé. Nul ne sait quand la situation épidémique actuelle sera maitrisée ou terminée.
Le programme de l'ARCEP de 2019, qui prévoyait un développent de la 5G sur 5 ans, ne nous semble plus adapté à la situation sanitaire actuelle et à venir. Le plan de relance va consacrer une part de quelques milliards d'euros à l'accélération de cette transformation numérique du système de santé. Il nous semble que la 5G doit en faire partie si on veut que les pratiques de télémédecine et de télésoin se développent désormais et puissent rendre notre système de santé plus performant.
9 octobre 2020