Les stratégies de l'OMS, de l'Union Européenne et de la France pour développer la Santé Numérique et la Télésanté d'ici 2027


Note préliminaire pour les lecteurs de ce billet. On ne peut ignorer en 2024 le développement du numérique en santé dans la plupart des pays de la planète. L'auteur de ce billet pense que les citoyens français doivent connaitre les programmes de l'OMS et de l'Union Européenne, programmes qui ont inspiré une grande part de la feuille de route française du numérique en santé (2023-2027). Les projets sont à la fois ambitieux, c'est à dire marqués par le fort désir de réussir, et audacieux, c'est à dire marqués par la volonté d'aller le plus loin possible dans l'innovation. L'objectif final est de faire entrer les citoyens de la planète dans l'ère du numérique en santé.

Il existe un continuum depuis le début des années 2000 qui fut marqué par l'émergence du concept de l'e-santé (la santé par internet). On ne reviendra pas au système de santé qui prévalait au 20ème siècle. L'IA médicale accompagne aujourd'hui la transformation numérique de tous les systèmes de santé à travers le monde. Dans une société française parfois déboussolée par ces changements importants des organisations et pratiques professionnelles, les citoyens peuvent interpréter cette période de transition comme un écroulement du système de soins qu'ils ont connu auparavant fondé uniquement sur le soin en présentiel. Ils ne perçoivent pas encore les bénéfices d'un nouveau système de soins hybride qui alterne des soins distanciels et des soins présentiels. (https://telemedaction.org/422016875/m-decine-hybride-du-21-me-si-cle)

Nous pensons qu'une information claire et accessible à toutes et à tous peut aider à mieux comprendre cette période de transition vers un nouveau système de santé. Le changement peut apparaître trop "disruptif" à certains qu'ils ont du mal à l'accepter, d'autant qu'on ne pourra véritablement pas évaluer les bénéfices avant plusieurs années. Pour les non-initiés au numérique en santé, la lecture de ce billet peut paraitre ardue. C'est la raison pour laquelle nous dédions aux seuls initiés les parties du billet écrites en petits caractères et en italique. Nous invitons le lecteur intéressé par ce sujet à relire les billets antérieurs qui annonçaient cette transformation numérique de notre système de santé.

(https://telemedaction.org/422885857/435763092)(https://telemedaction.org/422021881/422222302)(https://telemedaction.org/422021881/452317166)

(https://telemedaction.org/422021881/m-decine-hybride-au-21-me-si-cle)(https://telemedaction.org/422021881/le-patient-acteur-de-sa-sant)

 

LE RÔLE DE L'OMS SUR LA SANTÉ DES CITOYENS DU MONDE


Depuis 1948, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est l'institution spécialisée des Nations Unies (ONU) pour la santé. Dans sa Constitution initiale, elle définit la santé comme "un état complet de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ". L'OMS est vouée au bien-être de tous les citoyens de la planète et s'appuie toujours sur la science dans ses actions. Elle vise à donner à chacun une chance égale de vivre en sécurité et en bonne santé. Elle collabore avec 194 pays membres de l'ONU.


Le numérique en santé est apparu au début des années 2000 avec le terme "e-santé" (la santé électronique ou par internet) créé par l'ingénieur informaticien australien John Mittchel, concept qu'il présenta au congrès international de télémédecine de Londres en novembre 1999. Pour cet informaticien, la "e-santé" est l’usage combiné de l’internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance, devant remplacer la télémédecine traditionnelle".

Selon l'équipe australienne, l’e-santé peut être considérée comme une industrie de la santé relevant du e-commerce portée par des non-professionnels de santé, alors que la télémédecine est portée uniquement par les professionnels de santé médicaux (Allen A. Morphing telemedicine-telecare-Telehealth-e-health. Telemed Today, 2000: 1-43)(https://telemedaction.org/422783742/422886029).


A cette époque, l'OMS distingue la "télémédecine clinique" (une activité professionnelle qui met en œuvre des moyens de télécommunication numérique permettant à des médecins et d’autres membres du corps médical de réaliser à distance des actes médicaux pour des malades), et la "e-santé" ou "télémédecine informative" (un service de communication audiovisuelle interactif qui organise la diffusion du savoir médical et des protocoles de prise en charge des malades et des soins dans le but de soutenir et d’améliorer l’activité médicale). Ce dernier terme sera remplacé plus tard par celui de "santé numérique" (Digital Health), de conception plus large que la santé électronique (e-Health). Contrairement à la prévision des informaticiens australiens, la télémédecine (telemedicine ou telehealth pour les anglo-saxons), pratique à distance d'une activité médicale, persistera après 2000, en particulier à cause d'une incompatibilité éthique de l'exercice médical avec la e-santé, qui relève du e-commerce (https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2212764X14000338).

En élargissant les soins distanciels aux professions de santé non-médicales, la France choisit en 2019 le terme "télésanté" pour définir dans le code de la santé publique (articles L6316-1 et L6316-2 du CSP) la télémédecine (activité distancielle des professions médicales) et le télésoin (activité distancielle des professions de santé non-médicales) (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000020891315/#LEGISCTA000038887063).


En août 2023, l'OMS lance une initiative mondiale en faveur de la santé numérique avec le soutien de la présidence indienne du G20. Cette initiative s'intègre à la stratégie mondiale pour la santé numérique (2020-2025). Pour l'OMS, la santé numérique consiste en un champ de connaissances et de pratiques associées au développement et à l'utilisation des technologies numériques pour améliorer la santé.

L'organisation pense que la santé numérique (Digital Health) est une notion vaste qui englobe la santé électronique (E-Health), la santé mobile (Mobile-Health), la télésanté (Telehealth ou Telemedicine) et les données de santé (Health Data). "La santé numérique offre des solutions susceptibles de renforcer les systèmes de santé, comme la prestation de services de santé directement à domicile et dans les communautés mal desservies, l’aide à la cartographie des flambées de maladies et l’intégration d’outils numériques permettant d’accroître la réactivité et la productivité des soins de santé."

La santé numérique soulève également d’importantes questions de nature éthique. Peut-elle assurer une prestation de soins de qualité ? Comment peut-on éviter de laisser de côté les personnes qui n’ont pas accès aux appareils numériques ou ne les connaissent pas ? Comment peut-on garantir la sécurisation adéquate des données de santé sensibles afin que les utilisateurs des services de santé se sentent en sécurité ?


Une stratégie mondiale pour la santé numérique (2020-2025) dont les 4 principes directeurs sont de ;

1) prendre acte que l'intégration officielle de la santé numérique dans le système de santé national, ce qui nécessite une décision et un engagement de la part des pays,

2) tenir compte du fait que, pour être efficaces, les initiatives de santé numérique doivent s'appuyer sur une stratégie intégrée,

3) encourager l'usage approprié des technologies numériques pour la santé,

4) reconnaitre qu'il est urgent de s'attaquer aux principaux obstacles auxquels se heurtent les pays les moins avancés en mettant en place des technologies accessibles de la santé numérique.

L'OMS définit 4 objectifs stratégiques ;

1) promouvoir la collaboration à l'échelle mondiale et faire progresser le transfert des connaissances sur la santé numérique,

2) faire avancer la mise en œuvre des stratégies nationales de santé numérique,

3) renforcer la gouvernance de la santé numérique aux niveaux mondial, régional et national,

4) plaider en faveur de systèmes de santé centrés sur la personne où la santé numérique peut jouer un rôle catalyseur (https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/344250/9789240027558-fre.pdf).


LE RÔLE DE L'UNION EUROPÉENNE SUR LA SANTÉ DES CITOYENS EUROPÉENS.


Pour la Région européenne de l'OMS, les réponses aux questions de nature éthique s’avèrent déterminantes pour l’avenir de la santé en Europe. C’est la raison pour laquelle le Programme de travail européen considère la santé numérique comme une initiative phare avec la vaccination, la santé mentale ainsi que les connaissances comportementales et culturelles.

Entré en vigueur le 26 mars 2021, le programme « l'UE pour la santé » ou «EU4Health» vise à contribuer de manière significative à la relance post-COVID-19 via le renforcement de la résilience des systèmes de santé et la promotion de l'innovation dans ce secteur.

La pandémie a mis en évidence la fragilité des systèmes de santé nationaux. Le programme de l’UE pour la santé contribue à relever les défis à long terme en mettant en place des systèmes de santé plus solides, plus résilients et plus accessibles.

La santé est considérée comme un investissement. Avec un budget de 5,3 milliards d’euros pour la période 2021-2027, le programme de l’UE pour la santé constitue un soutien financier sans précédent de l’Europe dans le domaine de la santé. Il constitue un message clair indiquant que la santé publique est aussi une priorité pour l’UE, comme elle l'est au niveau des États, et un des principaux instruments ouvrant la voie à une Union européenne de la santé.

Pour le lecteur intéressé, nous donnons ci-dessous les objectifs retenus par le programme EU4Health. Ils sont l'illustration des leçons tirées de la pandémie Covid-19.


Ce programme vise à poursuivre quatre objectifs généraux représentant les ambitions du programme et dix objectifs spécifiques représentant les domaines d’intervention

(https://health.ec.europa.eu/document/download/26327adc-de3e-4e66-b93a-5ec1c8ef48ab_fr?filename=eu4health-2021-2027_2022-work-prog_en.pdf) :

  • Améliorer et promouvoir la santé,
    • Promotion de la santé et prévention des maladies, en particulier du cancer.
    • Initiatives et coopération internationales en matière de santé.
  • Protéger les personnes,
    • Prévenir les menaces transfrontières sur la santé, s’y préparer pour réagir.
    • Compléter la constitution de stocks nationaux de produits essentiels en cas de crise.
    • Établir une réserve de personnels médicaux, de soignants et d'auxiliaires de santé.
  • Faciliter l’accès aux médicaments, dispositifs médicaux et produits nécessaires en cas de crise,
    • Veiller à ce que ces produits soient accessibles, disponibles et abordables
  • Renforcer les systèmes de santé
    • Renforcer les données relatives à la santé, les outils et services numériques ainsi que la transformation numérique des soins de santé.
    • Améliorer l’accès aux soins de santé.
    • Élaborer et mettre en œuvre la législation de l’UE en matière de santé et favoriser la prise de décisions fondées sur des données probantes.
    • Favoriser l'action concertée des systèmes de santé nationaux.

Ce programme européen a fait l'objet d'une analyse approfondie par l'Institut Montaigne, dans laquelle les objectifs d'une future Union européenne de la Santé sont parfaitement explicités (https://www.institutmontaigne.org/expressions/europe-de-la-sante-quelle-place-pour-le-numerique).


L'IMPACT DES PROGRAMMES EUROPÉENS de l'OMS et de l'UE SUR LA SANTÉ DES FRANÇAIS.


La prise en compte de la mobilité des citoyens à travers l'Europe.

Sans remettre en cause la compétence des États membres en matière de santé, l'Union européenne souhaite s'investir dans des domaines qui ont un impact chez la mobilité des citoyens à travers les pays de l'UE, comme les soins transfrontaliers, la continuité des parcours de soins en cas de mobilité touristique au sein de l'Europe, l’amélioration de la santé publique pour l'ensemble des États membres, l’éducation en matière de santé, la prévention et la préparation aux nouvelles crises sanitaires.

Le EU Covid Digital Certificate, développé en une douzaine de semaines pendant la pandémie par le réseau eHealth Network, a illustré la réactivité de la gouvernance du numérique en santé au sein de l’Union européenne. Ce certificat dit “pass sanitaire” a été mis en place par l’Union européenne dès le début de la pandémie et s’est imposé depuis comme un standard technique international. Il connecte maintenant 64 pays (les 27 pays membres de l’Union et 37 pays non-membres).

Des organes comme l’Agence européenne du médicament (European Medicines Agency- EMA) ou encore le Centre de prévention et de contrôle des médicaments (European Centre for Disease Prevention and Control- ECDC) ont quant à eux appuyé les États dans les réponses aux défis posés par la pandémie.


La nouvelle Agence exécutive européenne pour la santé et le numérique (European Health and Digital Executive Agency- HaDEA) a été créée pour rassembler l’ensemble des financements relatifs à la santé. La Commission a aussi adopté en septembre 2021 le principe de création d‘une Agence européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (European Health Emergency Preparedness and Response Authority-HERA), l’équivalent du BARDA américain (Biomedical Advanced Research and Development Authority), afin de faciliter une réponse commune des États à de futures crises.


Un rôle essentiel de la présidence française de l'UE en 2022.

La présidence française de l'UE (PFUE), du 1er janvier au 30 juin 2022, a contribué au lancement du programme  européen et à sa prise en compte dans le programme national français, comme le rappelle l'excellent rapport de l'institut Montaigne (https://www.institutmontaigne.org/expressions/europe-de-la-sante-quelle-place-pour-le-numerique), lequel montre en particulier la forte implication française dans la mise en place d'un espace européen des données de santé (European Health Data Space ou EHDS).

Ce projet ambitieux a été partiellement lancé par le biais de l’initiative MaSanté@UE (MyHealth@EU) qui permet le partage des données de santé dans le cadre du parcours de soins via la connexion avec les contacts nationaux des pays membres pour l’e-santé (NCPeH "National Contact Point for eHealth"). Il permet actuellement, dans certains pays, le partage transfrontalier des synthèses médicales (Patient Summary) et des e-Prescriptions, selon des modalités de transcodage et de traduction certifiées.


La feuille de route française du numérique en santé (2023-2027).

Cette nouvelle feuille de route a été présentée le 17 mai 2023. Elle est portée par la Délégation ministérielle du numérique en Santé (DNS) en lien avec ses partenaires institutionnels (Assurance Maladie (CNAM), Agence du Numérique en Santé (ANS), ARS, HAS, DGOS, GIE SESAME Vitale, etc.) ainsi que l’ensemble des acteurs de l’écosystème.

Cette feuille de route décrit les chantiers prioritaires pour les cinq prochaines années, déclinés en 4 axes, 18 priorités et 65 objectifs avec des jalons temporels et une entité identifiée comme porteur principal et responsable de sa bonne mise en œuvre (https://esante.gouv.fr/sites/default/files/media_entity/documents/dns-feuille-de-route-2023-2027.pdf).

Le lecteur intéressé par cette feuille de route trouvera ci-dessous le détail de sa mise en œuvre d'ici 2027. Il faut reconnaître que la majorité des priorités et objectifs vise à finaliser les technologies du numérique en santé initiées par l’État depuis 2019 (en particulier l'interopérabilité des logiciels) et à garantir la sécurité de leur usage, notamment dans les établissements de santé particulièrement exposés aux cyberattaques.


Cependant quelques objectifs concernent directement l'exercice des professionnels de santé du terrain :

La volonté des pouvoirs publics de faire de MES l'application phare pour développer la prévention auprès des citoyens, avec l'aide de 50 applications qui seront référencées d'ici 2027 dans MES. Pour y parvenir, un gros travail d'information, de conviction et d'accompagnement doit être conduit par la CNAM pour atteindre cet objectif, avec l'appui incontournable des médecins traitants.

Pour qu'il n'y ait pas d'inégalités entre les citoyens acculturés au numérique en santé et ceux qui ne le sont pas (illectronisme), les pouvoirs publics demandent à des médiateurs numériques d'accompagner les personnes non encore acculturées. Selon les données de l'Insee, 70% des personnes âgées de 70 ans et plus auraient besoin d'une médiation numérique, soit environ 7 millions de citoyens. Il faudra que d'ici 2027 chacun des 10 000 médiateurs numériques formés accompagne régulièrement environ 700 personnes considérées en situation d'illectronisme. Ce défi est ambitieux.  Un programme d'accompagnement des établissements de santé à la transformation numérique (HOP'SUN) est également engagé.


Un espace numérique dédié aux professionnels de santé, au sein de la plateforme Santé.fr, doit être lancé par l’État dès le deuxième semestre 2024. C'est la réplication de l'espace numérique créé pour les citoyens en 2022. Cet espace sera assorti d'un bouquet de services comme l'ordonnance numérique et la possibilité donnée aux logiciels métiers de chaque professionnel d'accéder directement à MES pour connaître l'historique des patients, ainsi qu'aux lieux d'hébergement de l'imagerie médicale dans le cadre du programme européen MaSanté@UE. Cet espace numérique dédié aux professionnels devrait également faciliter la pratique de la télésanté de manière agile et en toute sécurité.


Associé à une formation pour acculturer au moins 10% des professionnels de santé (en activité) au numérique en santé, le programme se donne deux objectifs principaux d'ici la fin 2025 : le premier est de permettre aux professionnels médicaux de réaliser 35% de leur activité en téléconsultation, en priorité vers les patients vivant dans les zones de basse densité médicale, le deuxième est de créer des parcours de santé prioritaires dans lesquels 1 million de patients atteints d'une maladie chronique bénéficie d'au moins un acte de télésanté dans leur parcours.


La plateforme Service d'accès aux Soins (SAS) doit être opérationnelle dans tous les départements français d'ici la fin 2024. Elle devrait améliorer le parcours des soins non-programmés au niveau d'un territoire grâce à l’interconnexion avec les plateformes de rendez-vous médicaux.


Le premier axe vise le développement de la prévention avec 5 priorités :

1) utiliser Mon espace santé (MES) au quotidien pour gérer sa santé ; poursuivre l'alimentation de MES (DNS), l'envoi d'ordonnance par messagerie citoyenne (CNAM), version numérique du carnet de santé de l'enfant (CNAM), mieux articuler les portails MES et Amélie.fr (CNAM),

2) développer une prévention personnalisée ; notifications de prévention personnalisées dans MES (CNAM), permettre d'ici 2027 à 1 million de personnes de préparer un bilan de prévention dans MES (DNS), développer dans les logiciels métiers des professionnels de santé des outils de prévention et de bon usage d'alerte (DNS), lancer un groupe de travail sur la santé environnementale (DNS), 

3) rendre chacun acteur de sa santé et maître de ses données ; permettre aux personnes de consentir à des échanges de données avec les quelque 50 applications référencées dans MES d'ici 2027 (GIE CESAM Vitale), permettre aux citoyens de partager un accès temporaire aux données de MES avec un professionnel de leur choix (CNAM), permettre aux citoyens de contrôler l'accès à leurs données de MES (CNAM),  

4) accompagner tous les citoyens pour qu'ils s'approprient la santé numérique, en particulier les plus fragiles et les plus vulnérables ; accompagner les personnes dans la prise en main du numérique en santé en mettant en place d'ici 2027 des actions de sensibilisation dans la quasi-totalité des établissements sanitaires et médico-sociaux (DNS), former 10000 médiateurs au numérique en santé pour que le numérique n'accentue jamais les inégalités en santé (DNS), déléguer l'accès à MES à un aidant (DNS,CNAM),

5) faire bénéficier à tous des innovations en santé numérique : développer la co-construction des solutions numériques avec les futurs usagers dans les tiers lieux d'expérimentation (DNS), accélérer le développement et la mise sur le marché des innovations pour faire face aux grands défis que sont la santé mentale et la perte d'autonomie (DNS), publier dès 2024 une grille d'évaluation des dispositifs médicaux numériques (DMN) harmonisés avec nos homologues européens (DNS), faciliter et accélérer l'accès au marquage CE des DMN d'ici 2026 (DGE), faciliter et accélérer l'inclusion des personnes dans des essais cliniques (DNS), atteindre les 50 DMN d'ici 2027 qui auront candidaté à une prise en charge anticipée (PECAN) de nature dérogatoire (DNS).  


Le deuxième axe vise l'amélioration de la prise en charge des patients ainsi que l'amélioration du temps de travail des  professionnels de santé. 5 priorités pour parvenir à l'objectif :

6) permettre aux professionnels de santé d'accéder à l'historique des patients qu'ils prennent en charge : permettre aux professionnels de consulter MES directement dans leurs logiciels métiers (DNS), avoir accès d'ici 2025 à l'imagerie et au compte rendu d'un examen réalisé n'importe où sur le territoire (DNS), dans le cadre du programme européen MaSanté@UE, ouvrir l'accès des professionnels européens aux documents de santé des Français d'ici 2026 (ANS),   

7) améliorer l'intégration et l'ergonomie des services socles dans les outils que les professionnels de santé utilisent au quotidien : recueillir et résoudre les irritants numériques des professionnels dans l'usage de leur logiciel métier (DNS), lancer en 2024 un nouveau programme d'accompagnement du numérique intrahospitalier (HOP'SUN) (DGOS),  simplifier et digitaliser les parcours administratifs à l'hôpital pour 1200 établissements de santé utilisateurs de CDRi et 650 établissements utilisateurs de ROC (DGOS).

8) déployer le bouquet de services aux professionnels, l'ordonnance numérique et des moyens d'identification sécurisés pour les professionnels de santé : lancement au 2ème semestre 2024 du portail "Bouquet de services aux professionnels (BSP) pour faciliter les échanges entre leur logiciel métier et MES (CNAM), faire de Pro Santé Connect un service socle confirme et intégré dans les services de l'Assurance maladie avec l'objectif d'un million d'utilisateurs chaque jour à l’horizon 2027 (CNAM, ANS), adopter largement l'ordonnance numérique et son QR code pour gagner du temps et éviter les erreurs de ressaisie des prescriptions (CNAM), généralisation de l'authentification à 2 facteurs dans les établissements de santé d'ici 2027 pour permettre aux professionnels de se connecter à des applications sensibles (ANS, DNS).

9) simplifier l'outillage de la coordination locale des parcours de santé : optimiser l'offre territoriale de services numériques pour rendre plus lisible l'offre de santé au niveau du territoire grâce à une cartographie publiée dès 2024 par les ARS et les GRADEs (ANS, ARS/GRADEs), assurer la continuité et l'évolution des solutions de e-parcours grâce à la mise en place dès le second semestre 2024 de l'INS, de Pro Santé Connect et de MES dans toutes les solutions d'e-parcours avec un usage majoritaire sur le périmètre des professions enrôlées dans le RPPS+(DGOS, ARS/GRADEs), développer dès 2026 des solutions de messagerie sécurisée santé (MSS) instantanées pour les communications entre professionnels (ANS).

10) renforcer la formation et l'accompagnement au numérique des professionnels de santé du médico-social et du social : renforcer le formation initiale, d'ici 2027, de tous les élèves des formations médicales, paramédicales et sociales aux compétences de base du numérique en santé (RGPD, sécurité, etc.) (DNS, DGOS),  faciliter l'accès à la formation continue en santé numérique de chaque professionnel en activité en intégrant cette formation au catalogue de tous les opérateurs de compétence et organismes de formation continue des acteurs de santé afin de former au moins 10% des professionnels en activité d'ici 2027 (DNS).


Le troisième axe vise l'amélioration de l'accès à la santé pour les personnes et les professionnels qui les orientent. 4 priorités pour y parvenir :

11) renforcer l'information des patients et des professionnels sur l'offre de santé dans les territoires : diffuser et rediffuser via Santé.fr des informations fiables sur la santé en lien avec les questions des personnes avec l'objectif de dépasser le cap des 30 millions de visiteurs de site Santé.fr d'ici 2027 (DNS, ANS), rendre l'offre de soins plus lisible en enrichissant dès 2024 le site Santé.fr avec l'ensemble de l'offre de santé et y ouvrir des services dédiés aux professionnels notamment en indiquant notamment où prendre rendez-vous auprès des acteurs de soins (DNS, ANS), faciliter l'accès au médecin traitant pour les personnes qui en sont dépourvues et retrouver plus facilement cette information pour les démarches numériques en intégrant en particulier dans le répertoire opérationnel des ressources (ROR) l'information sur les professionnels qui accueillent de nouveaux patients comme médecin traitant et les rendre visibles sur Santé.fr (DGOS, DNS, CNAM).

12) développer l'usage de la télésanté dans un cadre régulé et éthique : développer la télésanté dans les zones sous-denses en visant un taux d'appropriation de 35% de téléconsultations par les médecins libéraux d'ici 2025 (DGOD, CNAM, DNS), soutenir et évaluer la télésanté au service des parcours de santé prioritaires avec l'objectif d'1 million de patients atteints d'une pathologie chronique bénéficiant d'au moins un acte de télésanté dans leur parcours de santé en 2025 (DGOS, HAS, DNS), réguler les outils de télésanté pour les rendre davantage interopérables, sécurisées et éthiques grâce à un référentiel d'exigences applicables aux solutions de téléconsultation et un référencement de 15 services de télésurveillance en vue de leur remboursement ( ANS, HAS, CNAM, DNS).

13) promouvoir et articuler entre elles les plateformes numériques de régulation médicale et de prise en charge urgente : généraliser en 2024 les Services d'Accès aux Soins (SAS) à tous les départements et systématiser l'accès des régulateurs aux agendas des professionnels de territoire (DGOS, ANS, DNS), moderniser les outils numériques et les infrastructures téléphoniques au service des SAMU grâce au financement de l'interopérabilité des LRM (15-15, 15-18) et déploiement du bandeau national dans 75% des SAMU d'ici 2027 (DGOS, ANS, DNS), lancement en 2026 d'un groupe de travail de la conférence nationale de santé (CNS) sur les enjeux numériques du transport sanitaire (DNS).

14) diffuser largement l'appli carte Vitale et l'identité nationale de santé (INS) : développer massivement l'application carte Vitale pour sécuriser la connexions des personnes aux services numériques et permettre la bonne prise en charge de leurs frais de santé avec une ouverture à la France entière fin 2025 et l'objectif d'avoir 20 millions d'utilisateurs en 2027 (GIE SESAME Vitale, CNAM, DSS, DNS), renforcer l'identitovigilance autour de l'Identité Nationale de Santé (INS) afin d'atteindre courant 2024 90% d'INS qualifiées dans la file active des établissements grâce à une meilleure synchronisation des bases SNGI et RFI (DNS).


Le quatrième axe vise à déployer un cadre propice pour le développement des usages et de l'innovation numériques en santé. 4 priorités ont été retenues :

15) renforcer massivement la cyber dans les établissements, notre souveraineté sur l'hébergement des données et notre résilience face aux futures crises sanitaires : le programme cyber accélération et résilience des établissements (CARE) depuis le deuxième semestre 2023 (DNS, DGOS, ARS/GRADEs), une gouvernance fonctionnelle de la cybersécurité en santé avec des critères numériques et cyber dans la certification HAS des établissements de santé (HAS,DNS,DGOS), poursuivre la sensibilisation de tous sur la cybersécurité et l'hygiène numérique avec la mise en place d'ici 2027 au niveau des établissements un exercice annuel ou biannuel de crise cyber (DNS, ARS/GRADEs), au plus tard en 2027 les établissements de santé devront consacré 2% de leur budget au numérique dont 10% sur la cybersécurité avec mise en place d'un forfait numérique pérenne dans la tarification (DNS,DGOS), renforcement de la souveraineté des données de santé (DNS,ANS), construction en 2024 d'un schéma directeur des systèmes d'information des crises sanitaires (DNS).

16) systématiser la coconstruction de référentiels d'exigences, secteur par secteur, en sécurisant la conformité des solutions utilisées par les acteurs de santé : pour chaque marché clé d'entreprises du numérique en santé, co-conctruction avec les acteurs d'un référentiel packagé rassemblant toutes les exigences (interopérabilité, sécurité, éthique) avec publication des textes fin 2023 (DNS), accompagner les entreprises du numérique en santé (ENS) dans leur conformité avec les outils utilisés avec constitution d'ici la fin 2024 d'un répertoire unique des ENS et de leurs solutions dans le but de simplifier les démarches auprès des pouvoirs publics et mieux les accompagner (ANS, GIE SESAME Vitale), inciter au respect effectif des référentiels et sanctionner ceux qui se mettent durablement en marge avec mise en application en 2025 (ANS, CNAM, DNS), poursuivre le Ségur numérique avec la phase 2 en poursuivant et élargissement des financements dédiés à accélérer l'adoption par les ENS des services socles et des référentiels sectoriels (DNS, ANS), construire un observatoire de la maturité de la santé numérique pour augmenter la transparence avec l'objectif d'embarquer 100% des établissements d'ici 2026 (ANS, DGOS, DNS).

17) attirer des talents du numérique vers la santé : cartographier les différents métiers du numérique en santé et les besoins en établissements avec une publication fin 2024 (DNS, DGOS), permettre aux établissements de recruter à partir de référentiels de rémunération compétitifs et partagés avec l'alignement dès 2023 de la grille des ingénieurs hospitaliers sur l'équivalent de la fonction publique d’État afin de renforcer l'attractivité sur les postes numériques (DGOS, DNS), lancer en 2026 des actions de promotion des emplois du numérique en santé avec les employeurs (DNS).

18) développer la recherche en santé numérique et en particulier l'utilisation secondaire des données de santé : publier en 2024 une stratégie nationale sur l'ouverture et la réutilisation des données de santé (DREES, DNS), développer un réseau d'entrepôts des données de santé coordonnés par la plateforme des données de santé avec l'objectif de financer 50 entrepôts de données hospitaliers fédérés au niveau régional et/ou connectés au niveau national d'ici 2027 (DGOS, DREES, DNS), réussir le lancement du réseau européen des entrepôts DonnéesDeSanté@UE et l'avoir réussi en 2025 autour de cinq cas d'usage (EHDS, PDS), faire émerger des technologies de rupture dans le numérique en santé en finançant d'ici 2026 plus de 300 projets R&D (DNS, DGRi, DGE).


EN CONCLUSION,


Les professionnels de santé ont parfois l'impression, souvent à juste titre, d'être en dehors de la transformation numérique du système de santé. Cette transformation serait conduite essentiellement par des ingénieurs et des industriels du numérique en santé sans qu'il y ait eut véritablement cette coconstruction avec les professionnels et les patients, souvent invoquée mais rarement réalisée. C'est la mission de certaines organisations professionnelles de s'impliquer davantage dans cette transformation numérique des pratiques professionnelles, comme devraient le faire toutes les sociétés médicales savantes, tous les conseils nationaux professionnels (CNP) ou les autres organismes tels la HAS, l'ANAP, etc.

Mieux informer les professionnels du terrain sur les transformations en cours, les nouvelles organisations à mettre en place et leur impact sur le terrain, c'est l'objectif que se donne le Think Tank Santé Numérique et Télésanté (https://telemedaction.org/think-tank/)(https://telemedaction.org/think-tank/acc-l-rer-les-usages-de-la-sant-num-rique-et-de-la-t-l-sant). Le Think Tank souhaite faire régulièrement des préconisations en s'inspirant des remontées des professionnels du terrain afin d'éclairer les pouvoirs publics dans la conduite de leur programme.

La révolte ou le découragement prend souvent racine dans une insuffisante information ou implication des professionnels concernés par ces changements du système de santé. Nous espérons que ce billet de "rentrée" 2024 permettra aux professionnels de santé de mieux comprendre les actions engagées par l'OMS, l'Europe et la France pour offrir aux citoyens du 21ème siècle un nouveau système de santé fondé sur le numérique et l'IA. Sera-t-il aussi performant, voire meilleur, que le système qui prévalait au 20ème siècle ? Il faudra attendre quelques années pour évaluer l'impact de tous ces programmes. L'OMS et l'UE sont optimistes, pourquoi la France ne le serait-elle pas ?


19 août 2024