Mon Espace Santé deviendra-t-il le sanctuaire des bonnes pratiques de télésanté ?

Le 9 mars 2023 se tiendra à l'Académie nationale de Médecine une journée de consensus sur les bonnes pratiques de la télésanté. Cette journée intervient une année après que l'Académie a mis au programme de ses séances hebdomadaires du mardi après-midi une réflexion sur la télémédecine clinique à l'heure de Mon Espace Santé (MES) (https://telemedaction.org/423570493/451984839). Cette appli de santé est mise gratuitement à la disposition de chacun des 66 millions de citoyens français depuis le 1er janvier 2022. L'Académie avait émis des recommandations pour que la télémédecine soit davantage clinique, c'est à dire fondée sur un dialogue à distance entre le médecin et son patient de grande qualité humaine. MES est un dossier de santé "centré sur le patient" (https://telemedaction.org/422021881/le-patient-acteur-de-sa-sant) dans lequel ce dernier inscrit beaucoup d'informations personnelles sur son profil médical, informations qu'il donnait habituellement aux professionnels de santé lors d'une consultation médicale ou de soins en présentiel.

Si on considère que la médecine clinique est l'étude et le traitement des maladies en présence du patient, la télémédecine peut être également clinique grâce à la possibilité de consulter le profil médical d'un patient, lequel figure désormais dans MES. Le 21ème siècle a introduit le droit des patients à être acteurs de leur propre santé. Ce droit est clairement représenté à travers MES. Le patient devra autoriser le professionnel de santé à y accéder s'il souhaite bénéficier des pratiques de télésanté (https://telemedaction.org/437100423/451157384).

Cette journée de consensus du 9 mars 2023 a l'objectif de faire un état des lieux des pratiques de télémédecine un an après le lancement de MES.


MES, un moyen d'améliorer la prévention de certaines maladies ?

C'est la communication officielle de l'Assurance maladie qui a l'intention d'envoyer régulièrement dans MES des messages de prévention primaire pour agir sur certains facteurs de risque chez des personnes fragiles, tels que le froid en hiver, les chutes, le tabagisme, l'alcoolisme, la surcharge pondérale, la sédentarité, le mode d'alimentation, etc. Ces messages apparaissent dès l'activation de MES et certains, comme la vaccination contre la grippe, sont l'objet de SMS. MES est aujourd'hui en France le dossier de santé centré sur le patient. Il rejoint les dossiers qui ont été développés aux Etats-Unis, au Canada, au Danemark et aux Pays Bas, entre autres.  Il rejoint les indicateurs internationaux PROMs (Patient-Reported Outcome Measures) et PREMs (Patient-Reported Experience Measures) utilisés dès les années 90 en Suède et aux Pays Bas. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis les adoptèrent en 2010. La France (HAS) a commencé à les expérimenter entre 2011 et 2013. Ils font désormais partie des recommandations de la HAS dans son rapport rendu public le 1er juillet 2021 (https://telemedaction.org/422021881/452585514). Indiscutablement MES peut être un moyen de prévention (https://telemedaction.org/422016875/453471524) dont l'impact en santé publique devra cependant être évalué régulièrement.

Les études de la littérature qui utilisent le SMS comme moyen d'agir sur les facteurs de risque cardio-vasculaire sont encore rares. Une récente étude australienne contrôlée (publiée en 2021), conduite pendant 6 mois, apporte quelques réponses sur l'intérêt de l'usage du SMS en prévention primaire. L'impact des messages (4 par mois) reste faible à 6 mois chez les patients qui ont les risques les plus élevés de maladies cardio-vasculaires (hypercholestérolémie par augmentation du LDL, hypertension artérielle non traitée et surcharge pondérale avec IMC > 25kg/m2). En revanche, un impact sur les comportements alimentaires et l'activité physique est démontré chez l'ensemble de la cohorte étudiée (124 personnes à risque modéré ou élevé, comparées à 116 témoins). Les auteurs concluent que des études multicentriques de plus grande envergure sont nécessaires pour mieux connaître l'impact des SMS sur la prévention primaire. (Text messages for primary prevention of cardiovascular disease: The TextMe2 randomized clinical trial. Klimis H, Thiagalingam A, McIntyre D, Marschner S, Von Huben A, Chow CK.Am Heart J. 2021 Dec;242:33-44. doi: 10.1016/j.ahj.2021.08.009. Epub 2021 Aug 21.PMID: 34428440 Clinical Trial.)


MES deviendra-t-il le sanctuaire des pratiques de télésanté ?

C'est une vision nouvelle de l'usage de MES, non reprise à ce jour par les autorités sanitaires et l'Assurance maladie. Cette nouvelle approche sera débattue lors de la journée de consensus à l'Académie nationale de Médecine. De quoi s'agit-il ?


Une téléconsultation médicale qui s'appuie sur le DMP de MES

Les recommandations de la HAS et le cadre réglementaire de la télémédecine ont toujours rappelé que le médecin qui réalise une téléconsultation devait, d'une part avoir accès aux données de santé du patient nécessaires à la réalisation d'un acte de qualité, d'autre part effectuer à la fin de l'acte un compte-rendu qu'il dépose dans le dossier médical du patient. Il s'agit du dossier professionnel informatisé (DPI) lorsque la téléconsultation est effectuée par le médecin traitant qui connaît le patient. Cependant, le développement de téléconsultations non-programmées auprès d'autres médecins que le médecin traitant nécessite que le médecin qui effectue cette téléconsultation et qui ne connaît pas le patient ait accès à ses données personnelles de santé pour respecter les obligations déontologiques (réglementaires) et légales.

Le rôle de MES devient essentiel pour réaliser une téléconsultation ponctuelle de qualité. Un médecin exerçant dans le cadre d'une société de téléconsultations, agréée par les pouvoirs publics, ne devrait plus réaliser de téléconsultations sans avoir accès à l'espace santé de l'usager et à son DMP. L'autorisation que doit donner le patient au médecin pour qu'il accède à ce dossier de santé devrait devenir la condition pour qu'un médecin réalise une téléconsultation non-programmée chez un patient qu'il ne connaît pas. Ces téléconsultations non-programmées par un médecin non-traitant doivent avoir un compte-rendu déposé dans le DMP de MES, permettant ainsi au médecin traitant d'avoir ultérieurement connaissance de cet acte. C'est ainsi que le parcours de soins coordonné par le médecin traitant sera respecté.


Un télésoin programmé qui utilise le DMP de MES

Le télésoin programmé est aux pharmaciens et aux auxiliaires médicaux ce que la téléconsultation est aux professionnels médicaux. Il ne s'agit pas d'un acte mais d'une pratique de soin que le professionnel non-médical juge pertinente ou non pour son patient. Le pharmacien ou l'auxiliaire médical n'a pas accès au DPI du médecin pour connaître la ou les pathologies chroniques dont est atteint le patient qu'il prend en charge. Cette connaissance est souvent utile et le secret professionnel est partagé. MES, avec l'accord du patient, lui permettra de savoir quels traitements ont été prescrits par le médecin traitant, de lire si nécessaire les comptes-rendus d'hospitalisation, de connaître le profil médical du patient, etc., afin que le télésoin soit pertinent. Le professionnel de santé qui réalise des télésoins doit réaliser des comptes-rendus. L'accès à MES lui permettra de les déposer dans le DMP.


Une téléexpertise requise auprès d'un professionnel médical simplifiée par l'accès à MES

Lorsque qu'un professionnel de santé requiert un avis d'expert auprès d'un professionnel médical, il doit lui fournir les données de santé du patient qui permettent à l'expert de donner son avis et d'engager ainsi sa responsabilité pleine et entière (https://telemedaction.org/437100423/449190966).

MES réalise une synthèse du profil médical du patient dans laquelle figurent les données administratives, les principales maladies ou autres sujets de santé que le patient aura lui-même inscrit, les traitements, les hospitalisations, les handicaps, les allergies, les antécédents familiaux, les habitudes de vie, les vaccinations, différentes mesures (poids, taille, IMC, etc.). Cette synthèse du profil médical peut faciliter la réalisation de la téléexpertise et être adressée au professionnel médical requis, complétée de la demande précise du professionnel requérant. De plus, toujours avec l'accord du patient, la demande de téléexpertise effectuée par le professionnel requérant avec sa messagerie sécurisée professionnelle peut indiquer également la messagerie sécurisée du patient (fournie automatiquement lors de l'activation de MES), ce qui permet au professionnel médical requis de demander directement au patient des informations complémentaires s'il le juge nécessaire. Ainsi MES rend plus simple la demande de téléexpertise auprès du professionnel médical requis.


Une télésurveillance médicale grâce aux applis agréés qui sont déposées dans le store de MES

La télésurveillance médicale, financée dans le droit commun de la sécurité sociale à compter du 1er juillet 2023, est limitée pour l'instant à 5 pathologies chroniques qui représentent les situations les plus fréquentes d'hospitalisations évitables. Ce sont les 5 pathologies qui ont fait l'objet de l'expérimentation ETAPES (https://telemedaction.org/432098221/450445207).

Le choix a été fait par les pouvoirs publics d'utiliser des dispositifs médicaux numériques (DMN) pour assurer cette télésurveillance (https://telemedaction.org/437100423/d-cret-t-l-surveillance-m-dicale) et de confier son organisation aux directions médicales et professionnels de santé des établissements de santé afin de les impliquer dans l'objectif de réduire les hospitalisations évitables (https://telemedaction.org/422016875/451536877).

Cependant, plusieurs études récemment publiées montrent aussi l'importance de l'accompagnement thérapeutique assuré par des infirmiers/infirmières spécialisés dans la pathologie concernée (https://telemedaction.org/422016875/une-t-l-m-decine-plut-t-bottom-up-que-top-down), ainsi que l'engagement du patient dans son propre suivi. Des pathologies chroniques comme l'hypertension artérielle, l'obésité, la maladie de Parkinson, l'épilepsie, la rémission post-chimiothérapie, etc. peuvent bénéficier des applis figurant dans MES. Les professionnels non-médicaux, comme les IPA, auront besoin d'avoir accès à MES pour accompagner ces patients (https://telemedaction.org/432098221/450445207).


29 janvier 2023