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La maladie à coronavirus (Covid-19), décrite pour la première fois en décembre 2019, a été particulièrement sévère aux Etats-Unis, en particulier dans le District de Washington, DC et la région urbaine de Baltimore. Kaiser Permanente of the Mid-Atlantic States (KPMAS) est un système intégré de prestation de soins de santé pour plus de 770 000 membres vivant dans la région de la capitale fédérale. En octobre 2019, cinq mois avant l’arrivée du Covid-19 dans cette région, KPMAS a mis sur pied le programme virtuel de soins à domicile (VHCP). L’objectif de ce programme basé sur la télémédecine était de transférer une partie des cas de faible sévérité en dehors du milieu hospitalier, et d'éviter en particulier leur venue aux urgences.
A Novel Large Scale Integrated Telemonitoring Program for COVID-19 (liebertpub.com)
OBJECTIFS
L’objectif de ce programme, basé sur l’usage de la télémédecine, était de suivre à domicile des patients qui ne nécessitaient pas une hospitalisation. Par exemple, l'état d'un patient était stable sur le plan hémodynamique, mais nécessitait l'administration d'antibiotiques par voie intraveineuse pour une cellulite infectieuse. Il pouvait alors être référé au VHCP au lieu d’être adressé à l’hôpital. Les prestataires du VHCP (médecins, infirmiers) effectuaient des visites virtuelles quotidiennes (par téléphone ou vidéo) chez ces patients vivant à leur domicile afin de surveiller la progression de la maladie et faire les éventuels ajustements thérapeutiques nécessaires.
Lorsque la pandémie covid-19 a frappé le district de la capitale fédérale au début mars 2020, KPMAS a vu l’occasion de tirer partie du VHCP, nouvellement mis en place, pour suivre les soins délivrés aux patients atteints par la covid-19, en s’appuyant sur les travaux montrant une diminution de la fréquentation des services d’urgence et des hospitalisations lorsque la télémédecine était utilisée pour la surveillance à domicile des patients infectés par le coronavirus. KPMAS s'appuyait également sur l’opinion d’experts qui estimaient que la télémédecine pouvait aider à ralentir la transmission de la maladie par la distanciation sociale.
METHODES
Kaiser Permanente a pris en charge les patients testés positifs pour la covid-19 entre mars et octobre 2020. Le programme était un télésuivi au domicile. 13 508 patients affiliés à Kaiser Permanente ont été contaminés par covid-19 sur la période étudiée. Des médecins et des infirmiers et infirmières, ne faisant pas partie du VHCP initial (4 médecins, 1 infirmière et 1 gestionnaire) ont été recrutés et invités à participer à ce programme. 292 médecins, 70 infirmiers et infirmières, 17 infirmières praticiennes ont participé au programme de télésuivi des patients covid-19. Ils furent formés préalablement en classe virtuelle.
Une ligne téléphonique dédiée à la surveillance des patients covid-19 étaient fonctionnelle 24h/24 et 7j/7. Les patients recevaient des appels quotidiens par téléphone ou en Visio soit d’un médecin, soit d’un infirmier ou d’une infirmière. Une prescription de corticoïdes et d'oxygène pouvait être faite en fonction des données cliniques. Près de 5000 patients ont été suivis par des oxymètres connectés. L'indication d'une oxymétrie prenait en compte l’âge (> 75 ans) et les comorbidités (obésité >30kg/m2, maladie respiratoire chronique).
Lorsque les patients étaient cliniquement stables, ils étaient réadressés à leur médecin de soins primaires pour continuer le suivi.
RESULTATS
Les résultats descriptifs du programme virtuel de soins à domicile ont été recensés jusqu’en octobre 2020. Ces résultats ne représentent pas une analyse statistique planifiée. Quarante-deux pour cent des patients étaient des hommes, 43% étaient noirs et 30% étaient hispaniques. Les comorbidités les plus communes chez ces patients infectés étaient l’obésité (indice de masse corporelle >30 kg/m2 ; 35%), l’hypertension (32%) et le diabète sucré (19 %), insuffisance rénale chronique (4%), insuffisance respiratoire chronique (3%). 20,4% des 13 508 patients covid-19 avaient une forme plus sévère de la maladie et étaient enrôlés dans le programme VHCP. Huit pour cent des patients ont finalement dû être hospitalisés. Le taux de mortalité des patients du programme VHCP était de 1,33 % contre 2,7% chez les autres patients covid-19 qui n'étaient pas inclus dans ce programme de télésuivi.
DISCUSSION
Notre programme a été en mesure de fournir des soins virtuels a de 2000 patients positifs au covid-19, affiliés à Kaiser Permanente dans les régions de Washington DC et de Baltimore Metro. Nous l’avons réalisé avec l’aide de médecins et d'infirmiers et infirmières recrutés spécifiquement pour ce programme. Ils ont été préalablement formés aux recommandations d'experts compétents en données cliniques attribuables à la covid-19. L’expérience de ce programme peut être utile aux cliniciens qui souhaitent mettre en place des programmes similaires. L'étude est poursuivie pour évaluer si l'usage de l'oxymètre au domicile a réellement un impact sur le taux de mortalité.
COMMENTAIRES
A une époque où la France lance le télésoin infirmier pour le télésuivi au domicile des patients atteints de la covid-19, cette étude réalisée par l'assurance américaine Kaiser Permanente apporte des informations intéressantes sur l'efficacité d'une organisation innovante. Le programme VHCP de Kaiser était au départ ce que nous appelons en France l'HAD. L'institution américaine a utilisé cette organisation pour suivre au domicile par télémédecine les patients infectés par la covid-19 avec des comorbidités sévères (obésité, hypertension, diabète) au lieu de les hospitaliser d'emblée. L'étude suggère que ce mode de prise en charge a réduit le taux de mortalité. Une analyse complémentaire est en cours pour savoir si la télésurveillance par oxymètre pulsé a pu contribuer à cette réduction de la mortalité.
On attend en France les résultats du télésuivi par l'application Covidom. Cette plateforme a suivi en 2020 plusieurs dizaines de milliers de patients infectés par le coronavirus et des cas contacts. Financée par l'ARS Ile de France et l'AP-HP, cette application a surtout été utilisée chez les patients originaires de l'Ile de France. Il sera intéressant de savoir si elle a été aussi utilisée dans d'autres régions sanitaires françaises. C'est un outil particulièrement utile aux infirmiers et infirmières en charge du télésuivi des malades atteints de la covid-19.
5 mars 2021