.Les conséquences imprévues des pratiques de télésanté : une revue des études réalisées en Australie (3)


Ce troisième billet à la revue de 94 études australiennes sur la télésanté, étude réalisée par une équipe de chercheurs australiens (The Unintended Consequences of Telehealthin Australia: Critical Interpretive Synthesis.Osman S, Churruca K, Ellis LA, Luo D, Braithwaite J.J Med Internet Res. 2024 Aug 27;26:e57848. doi: 10.2196/57848.PMID: 39190446.), nécessite la lecture préalable des deux précédents billets : (https://telemedaction.org/422885857/telemedecine-77)(https://telemedaction.org/422885857/t-l-m-decine-78).


LES CONSÉQUENCES IMPRÉVUES DES PRATIQUES DE TÉLÉSANTÉ SUR LE SYSTÈME DE SANTÉ (suite)


Ce domaine représente la majorité des conséquences imprévues de la télésanté relevées dans cette revue. Sur les 94 études incluses, 93 (99 %) ont rapporté des conséquences imprévues qui touchaient au domaine du système de santé australien. Nous les décrivons dans des sous-sections.


Accessibilité aux soins.

Aucune conséquence imprévue n'a été signalée dans le cadre de ce domaine, car tous les résultats extraits des 94 études confirmaient la réduction du coût et du temps d'accès aux soins. A ce titre, ils furent considérés comme des avantages prévus de façon positive.


Sécurité des soins.


Conséquences imprévues négatives.

Dans 30 des 93 études, la télésanté eut un impact sur la sécurité des soins, et dans plus de la moitié de ces études (n = 18) il fut constaté au moins 9 conséquences négatives.

Dans 10 des 18 études, la télésanté compromettait la sécurité des patients en raison d'une erreur d'identification, d'erreurs de médication, d'une erreur de diagnostic ou d'un traitement retardé.

De ces 10 études, 6 ont précisé les facteurs à l'origine des erreurs de diagnostic et des retards dans les traitements, tels que l'absence d'indicateurs non visuels et non verbaux en téléconsultation, la mauvaise préparation des patients à une téléconsultation et l'absence d'examen physique.

Dans 8 des 18 études, l'absence d'examen physique a conduit à une dépendance excessive des professionnels vis à vis des symptômes signalés par les patients. Dans ces situations, leur responsabilité médico-légale pouvait être engagée.

Trois des 18 études évoquent l'augmentation des responsabilités médico-légales en raison de l'exigence d'enregistrements des actes de téléconsultation, à la demande de l'État, ce qui pouvait créer un inconfort sur la responsabilité professionnelle engagée en cas d'incidents cliniques. De plus, ces 3 études soulignaient un manque d'offres locales pour faire face aux événements indésirables, ainsi que les difficultés à obtenir le consentement éclairé des patients à cause de difficultés de communication.

Des difficultés à évaluer, à identifier et à gérer les risques de la télésanté sont signalées dans 8 des 18 études. Elles concernent des patients jugés "vulnérables", comme les victimes de violence familiale ou les patients à risque de suicide.


Conséquences imprévues positives.

Seize des 30 études ont noté 5 conséquences positives de la télésanté dans le champ de la sécurité des soins.

Dans 5 des 16 études, la télésanté améliorait la sécurité du personnel en réduisant les risques professionnels associés aux visites à domicile, aux déplacements professionnels, à l'exposition à une maladie contagieuse et au port d'équipement de travail.

Treize des 16 études ont souligné le potentiel de la télésanté à améliorer la sécurité des patients en réduisant les accidents de transport lors d'un déplacement à une consultation présentielle et en minimisant l'exposition aux infections nosocomiales dans les établissements, ce qui était particulièrement bénéfique chez les patients dont le système immunitaire était défaillant.

Selon 4 des 16 études, la télésanté a fourni un espace sûr pour un soutien psychologique aux patients vulnérables.

Une seule étude suggère que la télésanté peut réduire les responsabilités médico-légales en diminuant les accidents de la voie publique lors du transport des patients, en minimisant le risque d'erreur de diagnostic grâce à une expertise supplémentaire (deuxième avis).


Pertinence des soins.

Sur les 93 études, 77 ont documenté plusieurs conséquences imprévues positives et négatives sur la pertinence des soins, notamment pour les soins "centrés sur le patient", ainsi que la pertinence de l'environnement pour respecter la vie privée des patients et la confidentialité des échanges.

Conséquences imprévues positives.

75 des 77 études ont rapporté des conséquences positives de la télésanté, liées en particulier aux soins centrés sur la personne.

Dans 60 des 75 études, plusieurs avantages de la télésanté étaient soulignés, tels que la minimisation de l'isolement social des patients âgés leur permettant de recevoir des soins de proximité dans un environnement familier et confortable. Tous ces facteurs aident les patients à se sentir détendus et les encouragent à s'ouvrir plus facilement au dialogue en téléconsultation.

Dans 5 des 75 études, la télésanté était considérée comme pouvant mieux responsabiliser les patients en renforçant ainsi leur autonomie, contrairement aux résultats d'une étude dans laquelle les patients étaient décrits comme ayant une attitude plus passive que lors des consultations présentielles.

Dans 11 des 75 études, les cliniciens ont exposé leurs points de vue sur la façon dont la télésanté permettait de voir les patients dans leur espace privé, afin de leur donner des soins plus personnalisés.

Vingt des 75 études soulignaient que la télésanté facilitait l'implication des membres de la famille et des aidants, leur permettait ainsi de jouer un rôle actif dans la prestation des soins. Cependant, cette implication accrue des patients et de leur entourage a été perçue différemment par les cliniciens et les accompagnants. Certains accompagnants des patients se sont plaints de l'augmentation de leur travail et de leur responsabilité. A l'inverse, certains cliniciens ont exprimé la crainte de perdre le contrôle des patients en raison de leur dépendance à l'égard des accompagnants pour effectuer des tâches qu'ils auraient autrement effectuées eux-mêmes lors des consultations présentielles. Pour les cliniciens, c''était une limite de la prestation de soins en télésanté. De plus, ils se sont plaints du non-respect des instructions données aux parents lors de téléconsultations d'enfants, ce qui aurait affecté selon eux la qualité des soins prodigués aux enfants.

Conséquences imprévues négatives.

Douze des 75 études ont souligné des conséquences négatives de la télésanté sur la pertinence des soins.

Dans 7 des 12 études, les cliniciens ont fait part de leurs préoccupations quant à l'inadéquation culturelle, cognitive et sociale à la téléconsultation chez certains patients issus de communautés autochtones, les patients atteints de troubles mentaux ou cognitifs, les patients atteints de troubles auditifs, les patients souffrant d'une maladie aiguë et ceux vivant dans des zones rurales et éloignées où une partie essentielle de la téléconsultation était consacrée à connaître leur situation sociale.

Dans 8 des 12 études, les téléconsultations concernaient des patients non anglophones ou des patients qui nécessitaient la présence d'interprètes. Dans une de ces 12 études, les cliniciens ont fait part de leur préoccupation quant au fait que les patients en téléconsultation recevaient beaucoup d'informations relatives à leur santé.

Quatre des 75 études ont explicité des avis négatifs sur la pertinence de la téléconsultation dans certains environnements, notamment des zones commerciales. Dans 2 études, les patients ont déclaré que la téléconsultation réduisait leur sentiment de sécurité parce qu'ils étaient entourés de beaucoup de personnes.

Une autre étude faisait état d'une confusion dans la planification des téléconsultations à cause d'un calendrier inapproprié, ce qui a été confirmé par les résultats d'une autre étude dans laquelle les patients ont partagé leur frustration lorsque les cliniciens donnaient la priorité aux consultations présentielles et ajustaient les téléconsultations en alternance avec le présentiel, ce qui entraînait chez les patients une confusion dans la planification du suivi médical.


La vie privée et la confidentialité des échanges.


Conséquences imprévues négatives.

Les conséquences négatives de la télésanté sur la vie privée des patients et la confidentialité des échanges ont été documentées dans 19 de 77 études.

Huit des 19 études ont fait état des préoccupations des cliniciens concernant la vie privée et la confidentialité des échanges avec leurs patients lors des téléconsultations, en raison du manque d'espaces privés pour discuter de questions sensibles, en particulier chez les patients considérés vulnérables.

Dans 5 des 19 études, la téléconsultation a été considérée comme pouvant brouiller les frontières entre la vie privée et la vie professionnelle, la vie privée des patients et celle des cliniciens étant mêlées.

Dans 5 des 19 études, les patients étaient préoccupés par leur vie privée et la confidentialité des échanges lors des téléconsultations en raison d'une méfiance à l'égard de la technologie, de la crainte d'atteintes à la cybersécurité et de la possibilité que d'autres personnes puissent entendre leurs échanges avec le médecin.

Selon 2 des 19 études, des erreurs telles que des cliniciens appelant la mauvaise personne ou des patients se joignant par erreur aux téléconsultations d'autres patients ont été signalées comme mettant en péril la vie privée lors des téléconsultations.

De plus, 2 des 19 études ont documenté les points de vue des cliniciens sur le caractère inapproprié d'un examen physique "virtuel" en téléconsultation parce que les patients devaient se déshabiller devant la caméra.


Conséquences imprévues positives.

Six des 19 études ont rapporté des conséquences positives de la téléconsultation sur la vie privée et la confidentialité des patients. Quatre des 6 études ont rapporté que la télésanté permettait aux patients de se faire soigner de manière anonyme, contrairement aux soins en présentiel où les patients pouvaient être vus ou interrogés par des personnes de la communauté qui les reconnaissent. Cette caractéristique de la téléconsultation était particulièrement appréciée dans les petites communautés, notamment les communautés autochtones, lorsque le motif de la téléconsultation était sensible, car les patients avaient la possibilité de se faire soigner à l'extérieur de leur communauté.

Dans 2 des 6 études, les patients ont indiqué que la téléconsultation leur permettait de parler librement dans l'intimité de leur domicile, comparativement aux hôpitaux et autres milieux cliniques où il y avait un risque que d'autres personnes entendent leurs conversations. De plus, en téléconsultation, ils avaient la possibilité d'activer et de désactiver la vidéo.


L'efficacité des soins.

Sur les 93 études, 49 ont rapporté les conséquences inattendues de la télésanté sur l'efficacité des soins en termes de pratiques et de résultats cliniques, ainsi que d'expériences des patients.


Conséquences imprévues négatives pour les cliniciens

Dans 28 des 49 études, la conséquence imprévue négative la plus citée était l'incapacité des cliniciens à prendre des décisions cliniques lors d'une téléconsultation, ce qui pouvait avoir un impact sur les résultats cliniques. Les facteurs contribuant à ces difficultés à prendre une décision clinique ont été présentés dans un certain nombre d'études (26/49), tels qu'un manque d'indicateurs non verbaux, ainsi que des problèmes de communication, l'impossibilité d'examiner les patients en présentiel, et un manque de compréhension locale et contextuelle de la situation sociale des patients, en particulier lorsqu'il s'agit de prodiguer des soins par télésanté à des patients vivant en zones rurales.

Dans 17 des 49 études, la télésanté a forcé les cliniciens à changer leurs pratiques et processus cliniques pour s'adapter aux soins distanciels.

Dans plusieurs études (10/17), cette nécessaire adaptation était considérée comme secondaire aux limites inhérentes à la téléconsultation, telles que l'incapacité d'examiner les patients en présentiel, le manque d'indicateurs non verbaux qui affectent l'échange avec le patient, l'incapacité du professionnel de santé à guider et à fournir un soutien physique aux patients ou à encourager sa participation.

Dans 2 des 17 études, les cliniciens ont adapté leurs pratiques pour assurer la confidentialité des échanges avec les patients lors des téléconsultations afin d'atténuer leur risque de responsabilité médico-légale.


Conséquences imprévues positives pour les cliniciens

Quoi qu'il en soit, dans quelques études (4/49), la télésanté a été considérée comme entraînant une conséquence positive susceptible d'améliorer l'efficacité clinique en réduisant les hospitalisations évitables et le recours aux pharmacies.


Conséquences imprévues négatives pour les patients

Des conséquences imprévues jugées négatives par les patients concernaient leur expérience de la téléconsultation.

Dans 17 des 49 études, les patients ont fait part de leurs préoccupations et d'un manque de confiance dans les soins distanciels qu'ils ont reçus et se sont demandés s'ils étaient aussi complets et précis que les soins présentiels. Leurs principales préoccupations concernaient le fait que les cliniciens auraient pu manquer quelque chose lors de la téléconsultation en raison de l'absence d'examen physique en présentiel et d'interaction directe avec le professionnel. De même, les problèmes de communication lors de téléconsultations non programmées étaient jugées négativement par les patients.


La continuité des soins

Sur les 93 études, 75 ont documenté les conséquences imprévues de la télésanté associées aux 4 catégories de continuité des soins  que sont la continuité informationnelle, la continuité interpersonnelle, la continuité longitudinale et la continuité dans la gestion. des soins.


Les conséquences imprévues négatives et positives sur la continuité informationnelle.

Dans 7 des 75 études, la continuité de l'information a été entravée lors de l'utilisation de la télésanté, par exemple lors du partage de documents, de résultats d'examens et d'ordonnances avec des patients ou avec d'autres cliniciens pour aider à la prise de décision clinique.

Dans une étude, les cliniciens ont signalé un meilleur accès aux ressources et un meilleur partage de celles-ci.

Dans 2 des 75 études, la télésanté améliorait le partage informel des connaissances entre les professionnels permettant d'améliorer la prestation de soins.


Conséquences imprévues positives sur la gestion des soins.

Dans 18 des 75 études, la télésanté a été considérée comme facilitant la gestion des soins multidisciplinaires parce qu'elle améliorait la coordination des soins et la communication entre les équipes, favorisant une meilleure tenue des dossiers et une meilleure documentation, ainsi que l'amélioration de la planification des soins, ce qui a été particulièrement bénéfique dans la prise en charge des affections chroniques et complexes.


Conséquences imprévues positives sur la continuité longitudinale des soins.

Six des 75 études suggèrent que la télésanté soutenait la continuité longitudinale des soins en simplifiant le processus d'aiguillage, en permettant aux cliniciens de prendre des décisions éclairées en période de congés, en améliorant l'expérience de suivi des patients. Enfin, la division des responsabilités cliniques, la délégation des rôles et les changements dans la dynamique du pouvoir ont été notés comme des conséquences imprévues positives de la télésanté lorsque plusieurs cliniciens et soignants étaient impliqués dans la gestion des soins


Conséquences imprévues positives et négatives sur la continuité interpersonnelle des soins.

Soixante-cinq des 75 études ont rapporté des conséquences imprévues de la télésanté liées à la continuité des soins interpersonnels en termes d'échanges interpersonnels et de mise en œuvre des thérapeutiques.

De façon plus précise, dans 56 des 65 études, la téléconsultation a été considérée comme un obstacle à une communication efficace et à l'engagement des patients, en grande partie à cause du manque d'indicateurs non verbaux et, dans une moindre mesure, en raison de l'augmentation des distractions pendant la téléconsultation par rapport à la consultation présentielle, en particulier chez les enfants ou les jeunes patients.

Cependant ces résultats contrastent avec ceux rapportés dans 12 de 65 études, lesquelles ont documenté une amélioration de la communication et de l'engagement des patients, principalement en raison du fait que les patients sont à l'aise chez eux et plus enclins à parler de questions de santé délicates, ont moins de distractions, notamment en raison de l'intérêt accru des enfants pour la technologie. Deux des 12 études ont suggéré que les patients s'ouvraient plus facilement et étaient moins inhibés par la téléconsultation, qu'ils n'étaient pas affectés par la présence des cliniciens et par l'absence d'indicateurs non verbaux, lesquels auraient pu signaler aux patients d'arrêter de parler.

Dans 41 des 65 études, il est fait état de conséquences imprévues de la télésanté liées à la continuité interpersonnelle des soins, les interactions de télésanté ont été notées comme étant impersonnelles ce qui a nui à l'établissement de relations et affecté la relation thérapeutique entre le patient et le professionnel de santé.

Cependant, 10 des 65 études signalent l'inverse en rapportant une meilleure relation thérapeutique en téléconsultation en raison de l'amélioration de la communication et de l'engagement des patients ainsi que dans l'augmentation de la fréquence des contacts entre les patients et leurs professionnels sur de longues périodes.


L'efficacité et la durabilité des soins.

Sur les 93 études, 63 ont signalé des conséquences imprévues de la télésanté sur l'efficacité et à la durabilité des soins de santé en termes d'impact sur le personnel de santé et l'utilisation des ressources humaines.


Conséquences imprévues positives sur le personnel de santé.

Dans 11 des 63 études, les professionnels de la santé ont déclaré des conséquences positives, à savoir que la télésanté les soutenait dans leurs tâches quotidiennes en leur donnant accès à un deuxième avis ou à une expertise spécialisée, minimisant ainsi leur sentiment d'isolement, ce qui pouvait améliorer le maintien des ressources humaines en zone rurale.

De plus, d'autres avantages imprévus de la télésanté pour les cliniciens ont été documentés, tels que l'amélioration de la littératie numérique et de la confiance dans la technologie, l'amélioration de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et une flexibilité accrue en termes de temps et de lieu des consultations.

Une seule étude estimait que cette flexibilité accrue rendue possible par la télésanté provoquait chez les cliniciens une paralysie décisionnelle.


Conséquences imprévues négatives sur le personnel de santé.

Sur la base des résultats de 11 des 63 études, la télésanté entrainerait une fatigue cognitive chez les professionnels de santé en raison de la demande accrue d'énergie pour maintenir l'interactivité avec les patients, une concentration plus élevée étant requise en raison de l'absence d'indicateurs non verbaux. Le travail administratif résultant des téléconsultations était plus important, ainsi que l'anticipation constante de ce qui pouvait advenir ensuite chez le patient, et la nécessaire adaptation à ces nouvelles pratiques.

Dans 1 des 63 études, la télésanté aurait entrainé une fatigue ergonomique en raison des longues heures passées en position assise.

Dans 7 des 63 études, la télésanté était considérée comme moins gratifiante et moins satisfaisante pour les cliniciens que la consultation en présentiel, en raison de l'absence de contact interpersonnel et de lien thérapeutique. Enfin, ces 7 études ont noté une conséquence négative de la télésanté, car elle affecterait les rôles et l'identité professionnelles des cliniciens.


Conséquences imprévues négatives sur les ressources humaines.

Douze des 63 études ont documenté des conséquences imprévues négatives de la télésanté sur la durabilité de la ressource humaine et sur le développement professionnel.

Deux des 23 études ont fait état d'une préoccupation sur la déqualification des cliniciens métropolitains qui fournissent des soins aux régions rurales par le biais de la télésanté, en raison d'un manque d'expérience pour acquérir les compétences des cliniciens ruraux. Dans 3 des 23 études, la télésanté pouvait menacer la viabilité et la durabilité de la pratique rurale en raison de la perte de patients ruraux au profit de professionnels métropolitains.

Dans 2 des 23 études, la télésanté fut considérée par les professionnels comme un remplacement technologique, ce qui pouvait entraîner des pénuries de ressources médicales et exacerber les problèmes d'accessibilité aux soins de santé sur le long terme.


Conséquences imprévues positives sur les ressources humaines

Dix-huit des 63 études pensent que la télésanté serait efficace dans l'accompagnement des étudiants, pour favoriser l'accès des cliniciens à la formation et à l'acculturation numérique, pour soutenir le renforcement des compétences, notamment pour le développement professionnel continu des professionnels de santé exerçant en zone rurale.

Cependant, 2 des 23 études ont présenté des résultats contradictoires parce que plusieurs cliniciens ont exprimé des difficultés à enseigner les jeunes médecins et les étudiants avec les solutions de télésanté.

Cinquante et une des 63 études ont documenté 12 conséquences imprévues positives liées à l'impact de la télésanté sur l'utilisation des ressources humaines.

Vingt-neuf des 63 études montrent que la télésanté a amélioré la productivité et la rapidité des soins et a ainsi permis une meilleure utilisation des ressources matérielles.

Dans 20 des 29 études, la télésanté a permis aux cliniciens de gagner du temps, en particulier du temps de déplacement, notamment vers les établissements cliniques ou les domiciles des patients, en faveur d'activités sociales et non cliniques, leur permettant ainsi de prendre en charge davantage de patients. Parmi les autres avantages de la télésanté dans l'utilisation du temps, citons la possibilité pour les professionnels d'effectuer plusieurs tâches à la fois, l'amélioration des prises de rendez-vous et de la fidélité des patients à leurs rendez-vous, l'accélération du processus d'orientation et la rationalisation du triage des patients.


Conséquences imprévues positives sur le coût de la santé

Selon 6 des 51 études, la télésanté peut potentiellement réduire les dépenses du système de santé, en raison de la réduction des taux d'annulation de rendez-vous de consultation, de l'économie de temps de déplacement des cliniciens, de l'évitement d'un transport inutile des patients et de la diminution des coûts de transport pour les patients. Enfin, dans 3 des 51 études, la télésanté aurait permis d'utiliser efficacement les ressources humaines essentielles à la prestation des soins, car elle a libéré de l'espace dans les hôpitaux, réduit la demande de services de transport et réduit les détériorations d'instruments.


Conséquences imprévues négatives sur l'efficacité des soins

Trente-quatre des 51 études ont relevé des conséquences négatives involontaires de la télésanté liées à une diminution de l'efficacité de la prestation des soins.

Vingt et une des 34 études, pensent que cette dégradation de l'efficacité des soins était principalement due à l'augmentation du temps consacré par les cliniciens aux charges administratives.

Seize des 34 études ont signalé d'autres sources d'inefficacité due à la télésanté, telles que la duplication des efforts des patients et des cliniciens, un triage médiocre, des flux de travail altérés et perturbés, des patients mal préparés à une téléconsultation faisant perdre du temps au clinicien.

Selon 3 des 34 études, les inefficacités dans la prestation des soins distanciels par télésanté ont augmenté les coûts de la prestation de soins, ce qui rend la télésanté inefficace et financièrement non viable pour les professionnels de santé.

Enfin, 6 des 34 études ont noté l'impact négatif de la télésanté sur l'efficacité des soins parce qu'elle a ajouté de nouveaux processus et flux de travail à ceux qui existaient déjà.


COMMENTAIRES. Ce remarquable travail australien est pour l'instant unique dans la littérature scientifique internationale. Dans ce troisième billet, les auteurs australiens abordent les plus importantes conséquences imprévues de la télésanté sur le système de santé australien. Utilisant la méthodologie de l'AHPN (Australian Health Performance Network) (https://telemedaction.org/422885857/telemedecine-77?t=1726387164107) ils montrent des résultats différents et parfois contradictoires selon les études. Pourquoi de tels résultats contradictoires sur l'impact de la télésanté en Australie ? On ne peut pour l'instant qu'émettre des hypothèses : des organisations professionnelles dont la performance serait variable, une acculturation des professionnels de santé australiens à la télésanté qui serait différente selon l'existence préalable ou non d'une formation de type DPC, des communautés de patients dans lesquelles les besoins seraient différents ou devraient être plus personnalisées selon leur lieu de vie (zone rurale, zone métropolitaine), leur environnement social, leur autonomie à se prendre en charge, etc. De nouvelles recherches cliniques sont nécessaires pour mieux comprendre ces différences d'impact de la télésanté sur un système de santé.

Le prochain et dernier billet rapportera la discussion et les conclusions de cette remarquable revue australienne sur les conséquences imprévues de la télésanté.


14 septembre 2024