Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
C'est en 1999, que le terme "telestroke" fut utilisé pour la premère fois dans un éditorial de la revue Stroke (Levine SR, Gorman M. “Telestroke”: the application of telemedicine for stroke. Stroke. 1999;30:464–469).
Le telestroke, ou télé-AVC en français, est une des applications les plus fréquentes de la télémédecine. Son développement est constant dans tous les pays développés et en développement. Il s'appuie sur la téléexpertise neurologique des hôpitaux qui disposent d'unités neuro-vasculaires (Stroke Unit).
Cet article fait le point sur l'état actuel du développement du télé-AVC, plus de quinze ans après son lancement. Ecrit par un panel de spécialistes internationaux, pionniers de cette pratique, il fait des recommandations pour que les pratiques et organisations professionnelles du télé-AVC soient de qualité dans le but d'améliorer la performance de la prestation de soins. Le service médical rendu (SMR) aux victimes de cet accident vasculaire devrait être le même, quelque soit le pays où les soins sont réalisés.
Ce travail vient d'être publié sous forme électronique et sera sous forme papier dans le numéro de janvier 2017 de la revue Stroke. L' Américan Academy of Neurology considère que ce document est une référence pour les neurologues qui désirent se former à la pratique du télé-AVC.
Wechsler LR, Demaerschalk BM, Schwamm LH, Adeoye OM, Audebert HJ, Fanale CV, Hess DC, Majersik JJ, Nystrom KV, Reeves MJ, Rosamond WD, Switzer JA; American Heart Association Stroke Council; Council on Epidemiology and Prevention; and Council on Quality of Care and Outcomes Research. Telemedicine Quality and Outcomes in Stroke: A Scientific Statement for Healthcare Professionals From the American Heart Association/American Stroke Association. Stroke. 2016 Nov 3. pii: STR.0000000000000114. [Epub ahead of print].
Les indicateurs pour évaluer l'organisation opérationnelle du télé-AVC
Les auteurs recommandent de mesurer le temps de travail "réel" lors de la pratique du télé-AVC, notamment le temps "hors-visioconférence". Ils déclinent les indicateurs temporels suivants : l'enrégistrement du premier appel, la réponse au téléphone, le début et la fin de la téléconsultation neurologique, l'arrivée du patient aux urgences hospitalières, la réalisation du scanner cérébral, le moment du diagnostic, la décision de faire ou de ne pas faire la thrombolyse, etc. De plus, ils préconisent que la phase de video pour la téléconsultation soit automatiquement enrégistrée. Les temps médicaux passés au téléphone, puis en video, sont des indicateurs à prendre en compte dans l'évaluation de la qualité du process de télé-AVC. Doivent être également comptabilisés, pour l'évaluation du coût global, les temps de transfert des patients entre les hôpitaux.
Les indicateurs pour mesurer les résultats cliniques
1) Au moment du premier contact et de l'arrivée aux urgences de l'hôpîtal, il importe d'établir un diagnostic prédictif du résultat espéré en prenant en compte l'âge, le sexe, le délai du traitement, le score NIHSS (National Institutes of Health Stroke Scale).
2) Il importe aussi de prendre en compte la durée de l'hospitalisation, la survenue éventuelle de complications médicales, la mortalité, la survenue d'une hémorragie cérébrale après l'injection du thrombolytique.
3) La mesure du déficit résiduel à la sortie de l'hospitalisation, avec les indicateurs de score NIHSS.
4) L'évolution à long terme du déficit résiduel, notamment avec un bilan neurologique à 90 jours.
5) La dose du médicament thrombolytique administrée, que le dispositif technologique du télé-AVC doit pouvoir enrégister.
6) La distinction entre les patients qui ont pu être traités dans les 3 premières heures de ceux qui ont reçu le thrombolytique entre 3h et 4,5h après l'apparition des premiers signes neurologiques.
7) Un taux de mortalité évalué au 7ème jour, puis après 90 jours, la mortalité devant alors être évaluée en regard du handicap neurologique résiduel.
8) La complication hémorragique éventuelle du thrombolytique qui doit être évaluée selon son caractère symptomatique ou non.
Les indicateurs de qualité du dispositif technologique du télé-AVC
1) La qualité technique du dispositif de télé-AVC doit être régulièrement évaluée, notammentr la fréquence des pannes, la qualité de la visioconférence lors de la téléconsultation, etc.
2) Les incidents techniques doivent être enrégistrés et le système technologique du télé-AVC doit pouvoir l'assurer. Les évènements indésirables lors du télé-AVC doivent être traçés afin de pouvoir suivre leur évolution.
3) La bande passante dans le télé-AVC doit être suffisante pour que le professionnel de santé neurologue puisse réaliser une téléconsultation d'excellente qualité et surtout que le transfert de l'imagerie cérébrale soit d'une haute qualité pour prévenir les erreurs diagnostiques et thérapeutiques, dont les conséquences engagent le pronostic vital.
4) Toute violation de la sécurité du système de téléAVC en matière de confidentialité des données de santé doit être déclarée et les mesures de corrections mises en oeuvre.
Les indicateurs de qualité des pratiques professionnelles
1) La performance de l'organisation du télé-AVC doit être mesurée, notamment à travers d'indicateurs comme le pourcentage de thrombolyse réalisé dans les 3 premières heures qui suivent l'apparition des premiers signes neurologiques.
2) La qualité de la collecte des données de santé à caractère personnel est un indicateur fort de la performance.
3) Les indicateurs de qualité doivent être standardisés pour permettre une comparaison entre les différents centres qui pratiquent le télé-AVC
Recommandations concernant l'agrément des centres de télé-AVC et la formation des professionnels de santé et autres personnels.
1) Le poids des contraintes administratives étatiques doit être allégé pour favoriser le développement de la télémédecine, et notamment du télé-AVC.
2) Le financement des hôpitaux doit s'appuyer sur un processus d'accréditation qui prend en compte la performance et la qualité des pratiques professionnelles.
3) Les fournisseurs de dispositifs de télé-AVC doivent assurer la formation des personnels à l'usage de ces systèmes.
4) Le personnel clinique qui gére un centre de télé-AVC (UNV) doit comprendre au minimum un directeur médical, médecin spécialisé en neurologie vasculaire, et un gestionnaire des programmes. Chaque unité hospitalière satellite qui pratique le télé-AVC en lien avec un spécialiste de l'unité neurovasculaire doit avoir une équipe clinique dédiée comprenant un médecin et une infirmière.
5) La formation des professionnels de santé et des personnels cliniques des deux sites qui gèrent le télé-AVC (l'UNV et le site satellite des urgences) doit être assurée et donner lieu à des crédits de formation professionnelle.
6) Les médecins qui pratiquent le télé-AVC doivent être régulièrement évalués à partir des critères de résultats cliniques, au regard des crédits de formation qu'ils ont accumulés dans le domaine du télé-AVC.
7) La formation des gestionnaires d'établissement de santé et des autres personnels impliqués dans le télé-AVC est essentielle.
COMMENTAIRES
Ce panel de spécialistes internationaux, composé de beaucoup de pionniers du télé-AVC, propose des indicateurs d'organisation et de bonnes pratiques professionnelles du télé-AVC. Leur objectif est que, quelque soit le pays où le télé-AVC est pratiqué, un patient touché par cet accident neurologique grave ait les mêmes chances d'avoir une prise en charge de qualité, là où il se trouve. Il doit bénéficier des mêmes prestations de qualité et ainsi avoir les mêmes chances de réduire son handicap neurologique. Il est important que le service médical rendu aux patients soit le même dans tous les pays. Avec le télé-AVC, nous entrons ainsi dans "l'ère de la télémédecine sans frontières" qui rassurera la population à risque d'AVC qui voyage à travers le monde.