Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
Le téléAVC est avec la téléradiologie parmi les plus anciennes applications de la télémédecine en France. Le Think Tank Santé Numérique et télésanté est heureux d'avoir accueilli lors de ce webinaire les représentants des équipes des Hauts de France (Dr François Mounier-Vehier du Centre hospitalier de Lens) et du Franche-Comté (Pr Thierry Moulin du CHU de Besançon, pionnier en France de cette application de télémédecine depuis 2002).
Le replay sur You Tube : https://youtu.be/WyhFR0iURSI
Le TéléAVC dans les Hauts de France
L’histoire du télé AVC dans les Hauts de France, commence en 2010 sur les territoires du Hainault Cambraisis et du Artois Douaisis. Pour 2 millions d’habitants, soit la moitié du Nord-Pas-de-Calais, il existe seulement trois unités neurovasculaires, avec des équipes neurologiques en souffrance sous le poids de la permanence des soins et pour autant des délais de prise en charge souvent délétères.
La mutualisation des ressources médicales, neurologiques et radiologiques, a conduit à proposer une modalité de prise en charge utilisant la télémédecine (téléexpertise et téléconsultation) avec un système organisationnel original reposant sur un hub multisite et tournant.
La mise en place de cette organisation a permis sur ces territoires l’ouverture de deux unités neurovasculaires supplémentaires et de deux sites d’urgence en capacité d’accueillir les AVC 24 heures sur 24. La connexion de ce réseau au CHRU de Lille en 2014, permettant une téléexpertise (transfert des images d’IRM) a permis un accès pertinent à la thrombectomie.
Le bilan à 10 ans de la thrombolyse
En 10 ans ont été réalisées 12 044 procédures de télémédecine, 1507 thrombolyses pour un taux de thrombolyse de 12,5 %.
La réussite de cette organisation a été un moteur pour organiser sur l’ensemble des Hauts de France, selon des modèles variés de téléAVC, la prise en charge en phase aigüe des AVC.
Le taux de recours à la thrombolyse par millions d’habitants, a connu une progression significative grâce à ces organisations.
Bilan à 5 ans de la thrombectomie
Concernant la thrombectomie la cartographie des taux de recours par million d’habitants montrait en 2016, un effet centripète évident autour des CHU de Lille et d’Amiens.
Le recours au CHU, à savoir la connexion de tous les hôpitaux des Hauts de France au CHRU de Lille, au CHU d’Amiens ou au CHU de Reims, par un outil de télémédecine permettant la télé expertise avec transfert d’images accompagné d’une discussion téléphonique avec les équipes neurovasculaires des CHU, sans téléconsultation, a permis un progrès très significatif dans le recours à la thrombectomie.
Pour améliorer l’offre de soins sur le Nord et le Pas de Calais, deux antennes de thrombectomie sont en gestation sur les sites de Valenciennes et de Boulogne.
Les défis à surmonter
Cette restructuration nécessaire de l’offre de soin n’est pas sans impact sur l’organisation du télé AVC Hainault Artois. L’ouverture d’un centre de thrombectomie à Valenciennes avec, de fait, une garde sur place, bouscule notre modèle initiale de hub tournant que nous sommes obligés de repenser.
Le téléAVC en Franche-Comté (voir également https://telemedaction.org/think-tank/le-t-l-avc-tat-des-lieux)
Qu'est-ce que le téléAVC ?
Les aspects de télémédecine concernant la prise en charge des patients avec un accident vasculaire cérébral (AVC) sont dénommés « téléAVC », et font partie intégrante de l’organisation de la filière de prise en charge depuis la mise en place du Plan national « AVC 2010—2014 ». Il permet une équité de prise en charge à tous les stades de la maladie en permettant un accès facilité à une unité neurovasculaire (UNV).
Les pratiques combinées de télémédecine et la coopération pluriprofessionnelle
Le téléAVC permet le partage d’informations, de compétences et de responsabilités entre praticiens lors de tous les actes de télémédecine (téléconsultation, téléexpertise, téléassistance et télésurveillance). La mise en place des outils de télémédecine nécessite un cahier de charges précis et des procédures définissant le rôle de chaque intervenant (urgentistes, radiologue, neurologues, etc.). Les modèles du téléAVC s’adaptent aux besoins de chaque territoire et selon les ressources disponibles (plateaux d’imagerie, service d’accueil d’urgences, UNV, unité de neuroradiologie interventionnel, etc.) en dessinant des organisations hospitalières graduées.
Distinguer la phase aiguë de l'AVC de la phase chronique
Il est habituel de séparer les expériences de la phase aiguë, menées en préhospitalier ou en hospitalier (de l’appel au Centre 15, à l’envoi d’ambulance équipée de moyen vidéo, voire de scanner embarqué), de celles conduites dans la phase chronique. De même, les prises en charge peuvent être parcellaires (accès seulement à une thrombolyse), ou complètement intégrées organisant l’ensemble du parcours AVC(1).La majorité des expériences de téléAVC portent sur la prise en charge aiguë. Les études médico-économiques restent limitées(2).
Un suivi clinique des survivants d'AVC
Le suivi clinique des survivants d'AVC après leur sortie de l'hôpital a été initié en France en 2012 et le financement de son modèle a débuté en 2016. Un programme régional en Franche-Comté s'appuyant sur diverses méthodes d'évaluation, y compris la télésanté, a été lancé. Une étude observationnelle rétrospective a été menée du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2019(3). Les patients ont été inclus s'ils étaient adultes, hospitalisés pour un AVC ou un accident ischémique transitoire dans l'un des six hôpitaux publics de la région et sortis vivants. Il y avait 5 types de méthodes de suivi : consultation physique, hôpital de jour, consultation téléphonique dirigée par une infirmière, courrier postal ou analyse du dossier médical. Au total, 7166 patients ont été identifiés, le sexe masculin prédominait (52,9%) et l'âge moyen était de 72,2 ans. La couverture de surveillance est passée de 89,2 % à 92 % au cours des années. (les tableaux ci-dessous sur l'évolution de la thrombolyse, le suivi post-AVC et l'assistance du CHU de Besançon pour le téléAVC en Guyane et à Saint-Pierre et Miquelon)
La plupart des patients avaient eu un AVC ischémique (68,5 %) et se trouvaient à leur domicile au moment de la surveillance (71,6%). La principale méthode était la consultation dirigée par une infirmière (40,8 %) à partir d’une plateforme de télémédecine, suivie d'une consultation physique (16 %). Le suivi en hôpital de jour a augmenté (1,5 % à 14,4 %) tandis que la méthode du courrier postal a diminué (18,7 % à 8,1 %). Le délai moyen est passé de 240,3 à 148,6 jours. La durée de suivi de moins de quatre mois était de 46,2% en 2019 et de 75,3% pour les patients ayant reçu une thrombolyse. La mortalité a diminué de 10 % à 6,3 %. En 2019, 99,3% des patients étaient suivis à un an. Le programme s'est amélioré au fil du temps avec une augmentation du nombre de patients et une réduction des délais et du taux de mortalité.
Une organisation qui pallie le manque de ressources humaines
La télémédecine appliquée aux AVC contribue non seulement à l’effet de substitution du fait de ressources limitées, mais aussi à la diffusion des connaissances et des compétences pour une prise en charge optimale du bon patient, au bon moment, au bon endroit et avec des thérapeutiques adaptées. Le Télé-AVC est une réponse à une raréfaction des ressources médicales, une aide face à la technicité de prise en charge des patients AVC et participe ainsi à l’égalité à l’accès aux soins et à l’efficacité du système de soins.
1Télémédecine et Accident Vasculaire Cérébral: «Rôle de la Télémédecine dans les accidents vasculaires cérébraux» Bustos EMD, Ohannessian R, Bouamra B, Moulin T, , Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine (2020)
2Medico economic modelling of stroke care with telemedicine. An experience in Franche Comte. M.LeGoff
Pronost,B.Bouamra,S.Gantzer,T.Moulin. Eur Res Telemed (2017)6,107 115
3Results of a four year multi channel regional program for monitoring stroke survivors in Franche Comté, France. Ohannessian R,
Bouamra B, Chakroun K, Charbonnier G, Moulin T, Medeiros de Bustos E. Rev Neurol (Paris). 2022 Mar;178(3):226 233.
Les défis à surmonter
2 mars 2024