Orienter une personne dans une filière de soins par un téléconseil médical devient une évidence

Depuis près de dix ans, avec l'apparition du Smartphone en 2007, le comportement des citoyens vis à vis de la santé, de la demande de soins en particulier, a complétement changé. Le citoyen veut aujourd'hui régler ses problèmes de santé comme il règle ses questions bancaires. Cela peut choquer, mais c'est la réalité et chaque médecin doit prendre en compte ce phénomène qui ne sera pas réversible.....

De quoi s'agit-il ?

Avant l'ère du numérique, toute personne qui ressentait un problème de santé devait prendre un rendez-vous avec son médecin traitant, ce qui pouvait demander plusieurs jours, ou appeler le Centre 15. L'ancienne génération avait la patience, la nouvelle génération "digitale" l'a perdue ! Il faut une réponse rapide d'un professionnel de santé. Aujourd'hui on appelle pour toutes raisons le Centre 15, au risque de surcharger les lignes d'accès et de géner les vrais appels d'urgence.

Quels sont les acteurs du téléconseil médical ?

La révolution numérique contribue à répondre à ce besoin nouveau de nature sanitaire. Le téléconseil médical délivré par téléphone, lors d’un appel au centre 15, illustre une évolution sociétale indiscutable, avec une progression du nombre d’appels au centre 15 d’environ 5 % par an depuis 10 ans. En 2013, ces centres ont reçu 31 millions d’appels. Le médecin de la régulation médicale donne plusieurs types de réponse à ces appels. Ceux-ci ont été précisés par la HAS en mars 2011. Parmi eux, le « conseil médical » en santé est décrit par la HAS comme « le complément d’une information générale en réponse à une demande de conseil, chaque fois que le médecin régulateur juge que l’appel ne nécessite pas en urgence une consultation médicale ». La HAS précise que c’est « un acte qui ne peut être réalisé que par le médecin régulateur », car "il constitue une prescription médicale". Enfin, le médecin régulateur doit « le consigner dans le dossier de régulation médicale du patient et doit préciser à l’appelant de renouveler son appel s’il constate une persistance, une reprise ou une aggravation des symptômes." 
Les complémentaires de santé et les assureurs développent depuis quelques années des plateformes de téléconseil médical personnalisé pour leurs adhérents. Le téléconseil médical personnalisé est une nouvelle pratique médicale à distance qui rencontre de plus en plus d’intérêt dans la population. Toutes les enquêtes d'opinion le montrent. Il permet de répondre à une demande immédiate de conseil afin d’opérer un premier filtre entre ce qui relève d’un simple conseil en santé, d’une consultation médicale avec un médecin, urgente ou différée, ou d’une éventuelle prise en charge en urgence par les services hospitaliers (lorsque cette urgence est reconnue par le médecin lors de son dialogue avec l’appelant). Il peut être considéré comme une pratique légale de télémédecine, équivalente au téléconseil médical donné par la régulation médicale du centre 15. Il représente aux dires d’experts de la régulation médicale près de 40 % des 31 millions d’appels annuels93. Le téléconseil médical personnalisé du centre 15 est implicitement une activité de télémédecine reconnue par le décret de télémédecine du 19 octobre 2010. Il doit néanmoins être plus explicitement décrit dans le décret de télémédecine.

Les intérêts du téléconseil médical

Les intérêts du téléconseil médical personnalisé sont certains. Il s’agit d’une pratique souhaitée par une majorité de la population française. Elle répond bien, dans le champ de la santé, à la demande « d’une société du présent immédiat", en particulier à celle des 62 % de Français qui pensent que le téléconseil médical personnalisé peut dans certains cas remplacer une consultation avec le médecin.
Outre la satisfaction apportée à ces personnes, le téléconseil médical a un impact favorable sur la consommation en biens de santé. l’équivalent du centre 15 au Royaume-Uni, a montré  que pour 5 millions d’appels annuels, une économie de 136 millions d’euros était réalisée, liée essentiellement à la baisse de la fréquentation des urgences et aux consultations médicales évitées.
On ne dispose pas en France d’étude similaire concernant les centres 15. La fréquentation des
urgences pour des soins de premier recours a augmenté en moyenne de 5 % par an entre 1997 et 2010, et serait plutôt stable depuis 2010 où 17,5 millions de passages ont été recensés. Cette
fréquentation coûte chaque année 1,5 milliards d’euros à l’Assurance maladie qui verse à l’hôpital 25 euros par passage sans hospitalisation, et une enveloppe forfaitaire pour les charges fixes calculée en fonction du nombre de passages. En réalité, la dépense hospitalière est nettement supérieure. La Cour des comptes a évalué en 2007 la dépense réelle par passage aux urgences entre 250 et 400 euros selon les régions, soit une dépense globale pour l’année 2010 de 5 à 6 milliards d’euros. On voit ainsi que le téléconseil médical personnalisé pourrait avoir un impact économique important sur la consommation en biens de santé, notamment sur les dépenses hospitalières.

Une récente étude de la DREES a montré que dans six cas sur dix, la venue dans un service d’urgences résultait de l’initiative même du patient ou du conseil d’un proche et que les patients arrivaient pour les deux tiers directement de leur domicile. De tels résultats suggèrent qu’il n’y a pas eu de filtre préalable pour 60 % des quelques 17,5 millions de passages aux urgences. Ces chiffres sont en faveur du développement de plateformes de téléconseil médical personnalisé par les mutuelles complémentaires et les compagnies d’assurances qui ont un intérêt financier à maîtriser les dépenses de santé de leurs adhérents, à condition que le téléconseil médical réalisé par ces structures privées, mises en place après la parution du décret de télémédecine, soit reconnue aujourd’hui par les pouvoirs publics comme une pratique médicale équivalente au conseil médical donné par la régulation médicale du Centre 15. 

Comment distinguer le téléconseil médical de la téléconsultation ?

Le téléconseil médical personnalisé est-il différent d’une téléconsultation ? Ce sujet fait débat. Il est important de distinguer ces deux pratiques pour les raisons suivantes. Le téléconseil médical personnalisé repose sur des informations données par l’appelant. Ces informations sont très parcellaires par rapport à celles recueillies lors d’un acte médical classique où le médecin dispose du dossier médical et d’un temps d’examen clinique.  Le téléconseil médical ne peut donc pas être assimilé à une consultation en face à face. La téléconsultation se différencie aussi du téléconseil médical parce qu’elle est un acte généralement programmé ayant bénéficié préalablement du consentement du patient, clairement informé des bénéfices et des risques de cette pratique (art. R.6316-2 du CSP). Son caractère programmé donne le temps au médecin d’avoir accès aux données médicales nécessaires à la réalisation de l’acte (art.R.6316-3, paragraphe 1, alinéa c, du CSP), c’est-à dire aux données cliniques, biologiques ou radiologiques du dossier du patient. Le téléconseil médical personnalisé n’est pas programmé, ce qui ne permet pas au médecin d’avoir une connaissance suffisante et objective de l’histoire médicale du demandeur. Ainsi, le téléconseil médical personnalisé par Internet ou par plateforme téléphonique ne peut remplir les conditions réglementaires de mise en œuvre d’un acte de téléconsultation.

Le téléconseil médical personnalisé a par contre un intérêt pour répondre aux demandes des usagers, afin d’opérer un filtre entre ce qui relève d’une consultation médicale immédiate ou d’une consultation différée avec le médecin traitant et ce qui relève éventuellement d’une réelle urgence non perçue par l’appelant. La France devrait s'inspirer du modèle suisse (Medgate, Medi24) particulièrement performant.

 

 

Commentaires

Simon

09.10.2016 10:24

Le C15 doit recentrer sa mission sur les urgences et laisser le TMP au secteur privé. Quand le DMP sera accessible à tous (?) il enrichira le TMP.

BESANÇON

08.10.2016 08:40

Le système suisse "medgate" est composé d'assureurs. Faut-il s'en inspirer ? Comment composer entre un Public (C15) et privé ( plate-forme dé téléconsultation) ? doit-on généraliser l'accès au DMP ?

Simon

09.10.2016 10:22

Merci de votre commentaire. Oui, je pense qu'il faut s'inspirer du modèle Suisse qui est une réussite depuis plus de 15 ans. L'accès au TMP doit être gratuit et pris en garantie par les assureurs.

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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