Que retenir du webinaire consacré au Contrôle de l'Hypertension Artérielle par les moyens de la Télésanté et du Numérique en Santé ?

Ce premier webinaire de l'année 2025 fut consacré au Contrôle de l'Hypertension Artérielle par les moyens de la Télésanté et du Numérique en Santé. Trois experts du sujet étaient invités à débattre : le Dr Frédéric Villeneuve, médecin généraliste, Président du syndicat Fédération des Médecins de France (FMF), section médecine générale, professionnel médical qui pratique régulièrement la télémédecine dans son exercice professionnel, le Pr Xavier Girerd, professeur de cardiologie à la Pitié-Salpêtrière, Past-Président de la Fondation pour la Recherche en Hypertension Artérielle (FRHTA) et le Pr Boris Hansel, professeur de diabétologie et de nutrition à l'Hôpital Bichat, responsable du Diplôme universitaire de Santé Numérique à l'Université Paris Est.

Le replay de ce webinaire : https://youtu.be/SDq90DGF-F4


Un état des lieux des pratiques de télésanté en médecine générale, en particulier chez les patients avec HTA (Dr Frédéric VILLENEUVE)




















































Les points importants soulignés par le Dr Frédéric Villeneuve dans sa communication (à compléter par le replay : https://youtu.be/SDq90DGF-F4)


--> Données épidémiologiques sur la maladie hypertensive. La pression artérielle moyenne de la population française est de 126/77 mm hg, 1 adulte sur 3 est hypertendu (> 135/85 en auto-mesure au domicile, > 140/90 au cabinet d'un médecin ou d'une infirmière, 17 millions de français sont hypertendus, 59% des hypertendus ont un appareil d'auto-mesure, 1 hypertendu sur 2 ne sait pas qu'il est hypertendu, 1 hypertendu sur 2 est traité par une traitement pharmacologique dont 60% en monothérapie,  seulement 11% des hypertendus sont suivis par un cardiologue, 10 consultations/an chez le médecin généraliste, 1,6 millions de Français initient un traitement antihypertenseur chaque année, 93% émettent des réserves lors de la prescription du traitement, 40% des hypertendus traités sont observants, 57% des patients hypertendus n'ont jamais reçus de conseils hygiéno-diététiques.

--> Données sur les pratiques de télémédecine en médecine générale. 90% des 43 millions de téléconsultations réalisées depuis 2018 jusqu'à fin 2022 ont été facturées par des médecins libéraux (généralistes et spécialistes), le taux de téléconsultation en médecine générale est de 6,9% et 2,4% pour l'ensemble des professionnels médicaux (8,8% pour les psychiatres, 12% pour les spécialistes de maladies infectieuses, 7,7% pour les spécialistes en allergologie), depuis février 2019 et jusqu'à fin 2022, 101 000 téléexpertises ont été réalisées, sur les 16 500 TE facturées à l'Assurance maladie, 15159 (91%) étaient sollicités par un médecin généraliste, dont 1211 T2,

--> Les professionnels médicaux qui n'avaient jamais pratiqué de téléconsultation à la fin de 2022 : 25601 omnipraticiens (46%), 42 474 spécialistes (78%).


Commentaires du Pr Xavier Girerd (à compléter par le replay : https://youtu.be/SDq90DGF-F4)


La télésanté et la santé numérique (appli comme suiviHTA) sont en train de transformer la prise en charge des patients hypertendus. L'organisation du suivi des hypertendus se transforme avec une prise en charge par des équipes de soins associant médecin généraliste, IPA formé, pharmacien, spécialistes de l'hypertension, du diabète, des maladies rénales, etc. Les moyens apportés par le numérique en santé permettent d'être plus réactifs sur le contrôle de la pression artérielle. De plus, le patient devient davantage acteur de sa propre surveillance. Il y a plus de mesures de TA réalisées par le patient lui-même. Il faut souligner l'intérêt des outils "cuff out" comme les montres connectées directement avec un smartphone (par bluetooth), lequel collecte toutes les données qui peuvent ensuite être adressées au praticien. Un sujet cependant : l'importance des données transmises qui peuvent être traitées par l'IA. La facilité que peuvent avoir les patients à transférer au professionnel de santé en charge du télésuivi leurs propres données peut poser des problèmes de responsabilité médicale. L'organisation du parcours de soins des patients hypertendus est essentielle et doit être pensée de façon à ne pas submerger le professionnel médical par toutes ces données. Le traitement de toutes ces données par l'IA est incontournable. Intérêt aussi de l'espace numérique en santé dont dispose désormais chaque citoyen (MES). Celui-ci  dispose d'une messagerie patient sécurisée, laquelle permet au professionnel médical de joindre le patient pour lui prodiguer un conseil thérapeutique.

Comme l'ont fait à une époque les cardiologues rythmologues qui étaient submergés par les données provenant de dispositifs cardiologiques implantées, il faut penser à des solutions organisationnelles innovantes.


Commentaires du Pr Boris Hansel (à compléter par le replay : https://youtu.be/SDq90DGF-F4)


Pour ce spécialiste de la diabétologie, de la nutrition et de la santé numérique, les diabétologues ont appris à gérer avec l'IA toutes les données fournies par les nombreux glucomètres de mesure automatique de la glycémie, notamment pour piloter le traitement par pompe à insuline. En ce qui concerne l'hypertension artérielle chez les patients diabétiques, l'importance des nouveaux outils "cuff out" est soulignée, lesquels peuvent mesurer 24h/24 la tension artérielle chez ces patients dont la perte du rythme nycthéméral de la pression artérielle est un facteur de risque cardiovasculaire majeur. A cela s'ajoute l'apnée du sommeil, fréquente chez le diabétique adulte atteint d'obésité, qui augmente encore ce risque cardiovasculaire. Enfin, rappelons que les patients diabétiques sont souvent en situation d'insuffisance rénale chronique qui est un autre facteur de risque cardiovasculaire. En clair, le parcours de soins du patient diabétique est complexe et fait appel à plusieurs compétences professionnelles coordonnées par le médecin traitant. Les outils de la santé numérique aident à mieux coordonner les soins.


Rappel des données de la littérature internationale sur la place de la santé numérique dans le contrôle de l'hypertension artérielle


Le Dr Pierre Simon rappelle les principales conclusions de l'excellente étude américaine qu'il a publiée sur son blog le 11 novembre 2024(https://telemedaction.org/422885857/t-l-sant-4). Cette revue concernait 28 études dont 27 étaient contrôlées et randomisées, permettant de réunir 8257 patients hypertendus. L'intervention par santé numérique (téléconsultation par téléphone, téléconseil, télésuivi, échange de messages) était comparée à une population hypertendue identique qui ne bénéficiait pas de cette intervention. Dans le groupe avec les outils de la santé numérique la réduction de la pression artérielle systolique (PAS) était de - 4,28 mm hg à 12 mois par rapport à la population témoin sans intervention, confirmant ainsi l'étude précédente TIME chez les patients diabétiques où la réduction de PAS était de -6,82 mm hg avec l'intervention de la télésanté (Vaughan, E.M., Hyman, D.J., Naik, A.D.et al.ATelehealth-supported,Integrated care with CHWs, andMEdication-access (TIME) Program for Diabetes Improves HbA1c: a Randomized Clinical Trial.J GEN INTERN MED36, 455–463 (2021). https://doi.org/10.1007/s11606-020-06017-4).

Cette étude américaine est apparue singulière à plus d'un titre.

Tout d'abord, le focus donné par les auteurs américains sur le contrôle de l'hypertension artérielle dans les populations américaines défavorisées au plan médico-économique apporte pour la première fois une information probante sur l'intérêt de l'usage des solutions de santé numérique dans ces populations. Les résultats à 6 mois et 12 mois sont semblables à ceux des études qui ont étudié l'impact de la santé numérique dans la population générale.

Ensuite, cette étude a l'originalité d'avoir approfondi les obstacles de nature culturelle ou médico-économique à lever par des solutions numériques souvent personnalisées au sein des populations noires et hispaniques, à bas coût pour corriger la fracture numérique, souvent de nature commerciale. Le rôle essentiel de l'accompagnement des patients par des agents communautaires ou par du personnel infirmier formé, voire par des agents du culte, pour obtenir des résultats tangibles à 6 mois et 12 mois, est une approche qui devrait inspirer nos sociétés européennes de plus en plus multiculturelles et multiethniques.

Enfin, les discriminations sur le plan socio-économique aux Etats-Unis ont un impact à la fois sur la fréquence de l'hypertension artérielle et sur son contrôle. Permettre aux populations défavorisées d'accéder aux solutions de la santé numérique est un objectif de santé publique national pour réduire les inégalités en santé. Nous avons probablement le même défi à relever en Europe avec la forte immigration de la dernière décennie.


6 février 2025

Le replay de ce webinaire : https://youtu.be/SDq90DGF-F4