Quels sont les cas d'usage de la téléexpertise pneumologique à la demande du médecin traitant ?

La pandémie de la Covid-19 a conduit à définir chez les patients contaminés, suivis en téléconsultation par vidéotransmission, les premiers signes cliniques d'une atteinte respiratoire due au coronavirus, tels qu'une polypnée au repos supérieure à 22/mn, une conversation avec le médecin difficile à conduire, le patient devant reprendre sa respiration pour finir une phrase, l'existence de signes de tirage sus claviculaire, tous ces signes pouvant être observés lors d'une téléconsultation en Visio, permettant ainsi au médecin téléconsultant de poser l'indication d'une hospitalisation en urgence. Il est donc possible d'évaluer l'état fonctionnel respiratoire lors d'une téléconsultation.

Dans ce billet, nous distinguons deux approches de la télé pneumologie. La première, rarement abordée dans la littérature médicale, est la téléexpertise pneumologique à la demande du médecin traitant, la deuxième est la vision des pneumologues sur l'usage de la télémédecine dans leur spécialité. Certaines indications, comme la télésurveillance d'une BPCO, font encore débat au sein des sociétés savantes de pneumologie nationales et internationales (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5397786/). Nous ne traitons dans ce billet que la téléexpertise pneumologique à la demande du médecin traitant.

C'est peut-être une particularité française puisque notre système de santé confie au médecin généraliste la spécialité de la coordination des parcours de soins. Depuis 2004, la France considère que le médecin traitant doit gérer les soins de premier recours. Cette spécialité du médecin traitant généraliste n'existe pas dans tous les pays. Si le médecin traitant assure la coordination des parcours de soins, il doit pouvoir joindre facilement un médecin spécialiste par téléexpertise asynchrone (http://www.telemedaction.org/446370112), voire synchrone en cas de situations cliniques sévères. La téléexpertise entre médecin traitant et médecin spécialiste, si elle devient simple à mettre en oeuvre, peut éviter l'adressage des patients aux urgences hospitalières ou les hospitalisations directes.

Il faut distinguer la sémiologie respiratoire vue en soin primaire (dyspnée aiguë, dyspnée chronique, toux chronique, douleur thoracique) qui justifie souvent une consultation spécialisée en présentiel, du suivi d'une maladie chronique respiratoire que le médecin généraliste traitant assure entre les consultations spécialisées en pneumologie.

La téléexpertise pneumologique asynchrone pour un problème respiratoire chronique en attendant la consultation spécialisée en présentiel.

Le besoin d'une téléexpertise se justifie souvent par les délais de rendez-vous en présentiel qui ne sont pas toujours compatibles avec la continuité des soins que doit assurer le médecin traitant. Le médecin traitant aura peut-être pris l'initiative de quelques examens biologiques et radiologiques qu'il pourra montrer au médecin pneumologue lors de cette téléexpertise asynchrone, ou il souhaitera recevoir préalablement l'avis spécialisé sur la conduite à suivre devant tel signe respiratoire préoccupant avant la consultation pneumologique en présentiel.

Prenons l'exemple d'une toux chronique, c'est à dire d'une toux qui persiste depuis 3 ou 8 semaines (selon les auteurs), toux qui n'a aucune tendance à l'amélioration spontanée, la toux post-infectieuse, qui peut durer 3 semaines et qui ne nécessite aucune investigation, ayant été écartée. Pour cette toux chronique, le médecin traitant souhaite avoir une téléexpertise asynchrone pour connaître la conduite à suivre avant l'éventuelle consultation spécialisée en présentiel.

Le médecin traitant aura réalisé une radiographie du thorax qui élimine une cause ORL. Une toux chronique avec radiographie du thorax normale conduit à rechercher systématiquement une cause tabagique, médicamenteuse ou infectieuse et à poursuivre la prise en charge selon la présence ou non de signes d'orientation diagnostique.

Lors de la réalisation de cette téléexpertise asynchrone (par messagerie sécurisée et avec le consentement du patient), le médecin traitant donne des précisions sur l'exposition éventuelle du patient à des aéro-contaminants (tabac, cannabis, pollution, etc.), s'il prend ou non un inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) ou un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine 2 (ARA2) pour traiter une hypertension artérielle, si cette toux chronique est productive ou non, notamment le matin. Selon les informations cliniques fournies, le pneumologue conseillera le médecin traitant sur la démarche à suivre.

Par exemple, si la cause tabagique est évoquée en premier, le médecin traitant devra chercher à obtenir un sevrage tabagique complet et définitif. Une prise en charge spécialisée peut être proposée au patient pour obtenir ce sevrage. Chez un sujet jeune, la toux chronique disparaît lorsque le sevrage est obtenu. Lorsque le tabagisme est plus ancien ou très important la toux ne s'améliore pas après le sevrage et doit conduire à un bilan pneumologique approfondi avec une exploration fonctionnelle à la recherche d'une BPCO et un scanner thoracique à la recherche de bronchiectasies lorsque la toux est productive. Ce bilan pourra être réalisé avant la consultation spécialisée en présentiel. 

Si le patient prend un IEC (et il peut être aussi tabagique....), la toux chronique et sèche est fréquente avec ce médicament antihypertenseur (20 à 30% de prévalence). L'IEC peut être remplacé par un ARA2 dont la prévalence de la toux n'est que de 4%.

En clair, ce dialogue par téléexpertise asynchrone entre le médecin spécialiste et le médecin traitant peut aider ce dernier dans sa démarche diagnostique et thérapeutique. Le pneumologue jugera de l'opportunité ou non de voir le patient en présentiel. Il lui donnera alors un rendez-vous.

La téléexpertise pneumologique synchrone pour un problème respiratoire aiguë.

La dyspnée aiguë est une situation clinique fréquente en soin primaire. Le patient est aujourd'hui généralement adressé par le médecin traitant aux urgences hospitalières. Pourrait-il exister une étape diagnostique intermédiaire par téléexpertise synchrone pneumologique pour mieux cibler l'indication d'un adressage aux urgences ou d'une hospitalisation, sans qu'il y ait de perte de chances pour le patient ?

On considère qu'une dyspnée est aiguë lorsque la symptomatologie date de moins de 2 semaines. Il est évident que si cette dyspnée aiguë s'accompagne de signes de défaillance respiratoire (cyanose, sueurs, polypnée>25/mn) et hémodynamique (tachycardie, hypotension, état de choc, etc.) l'hospitalisation en urgence par un SMUR ne se discute pas.

En l'absence de signes de défaillance respiratoire et hémodynamique, le médecin traitant peut obtenir une téléexpertise synchrone avec le pneumologue correspondant si la solution numérique et l'organisation professionnelle mise en place le permettent. Certaines solutions de téléconsultation peuvent être utilisées pour une téléexpertise synchrone si les fonctionnalités de la solution permettent une prise de rendez-vous dans la journée avec le pneumologue qui connait le patient ou un autre pneumologue dans le cadre d'une organisation en réseau. Cette téléexpertise synchrone a pour objectif de faire une première évaluation diagnostique rapide ce qui doit permettre de mieux orienter le patient.

Sur la base des antécédents, des traitements en cours, de l'anamnèse, de l'examen clinique réalisé par le médecin traitant, de la mesure de la SpO2 (saturation pulsée au bout du doigt), d'une spirographie  (le médecin traitant est équipé d'un Pulse Oxymeter et d'un Spiromètre) et d'une radiographie pulmonaire qu'aura fait réaliser le médecin traitant quelques heures avant la téléexpertise synchrone, il est possible à un pneumologue de classer la dyspnée aiguë. 

Soit la dyspnée aiguë témoigne de l'aggravation d'une pathologie déjà connue (BPCO, insuffisance respiratoire chronique (IRC) appareillée au domicile, poussée d'insuffisance cardiaque, aggravation d'une maladie neuromusculaire, etc.), soit le patient n'a aucun antécédent et le diagnostic de la dyspnée peut être rapide et facile (pneumonie, atélectasie, pleurésie, pneumothorax, crise d'asthme, OAP, etc.), soit le diagnostic a besoin de bio-marqueurs et d'une imagerie complémentaire (insuffisance coronaire, suspicion de maladie thromboembolique, dyspnée par trouble métabolique, etc.). Au terme de cette téléexpertise synchrone, le pneumologue conseillera au médecin traitant d'hospitaliser directement le patient en pneumologie ou en cardiologie, ou décidera de voir rapidement le patient en consultation présentielle si la cause peut être traitée en ambulatoire (par exemple, une première crise d'asthme).

La téléexpertise asynchrone ou synchrone dans le suivi à domicile de maladies respiratoires chroniques.

Cette téléexpertise permet au médecin traitant qui a en charge dans sa clientèle des patients avec BPCO, IRC appareillée à domicile, asthme chronique, syndrome d'apnée du sommeil appareillé, etc. d'échanger régulièrement avec le pneumologue qui a en charge le patient entre les consultations présentielles.

Les motifs de ces téléexpertises à la demande du médecin traitant peuvent être nombreux et avoir été décidés d'un commun accord avec le médecin spécialiste pour renforcer la surveillance au domicile des patients atteints d'une maladie respiratoire chronique. Le médecin traitant peut également s'appuyer sur les compétences d'un infirmier ou d'une infirmière en pratique avancée (IPA) spécialisé(e) dans le suivi à domicile des patients atteints de maladies chroniques (http://www.telemedaction.org/431595906)(http://www.telemedaction.org/439053806). Ces IPA pourront également enrichir leur pratique professionnelle du télésoin infirmier (http://www.telemedaction.org/444474535). Cette téléexpertise peut également venir compléter la télésurveillance médicale au domicile telle définie dans le programme expérimental ETAPES (http://www.telemedaction.org/432585384).

En résumé, les cas d'usage de la téléexpertise en pneumologie pour le médecin traitant peuvent bien sûr être multiples. Ce billet, comme les précédents, veut simplement montrer comment la pratique de la téléexpertise synchrone ou asynchrone entre médecins traitants et médecins spécialistes, lorsqu'elle sera devenue pleinement opérationnelle grâce à des solutions numériques performantes et des organisations professionnelles nouvelles, peut impacter de manière positive les parcours de soins des patients atteints de maladies chroniques.


23 août 2020

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

Partagez cette page