Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
Ce billet traite d'un sujet sensible et parfois polémique : notre système de santé serait "à bout de souffle". C'est ce que déclare notre nouveau ministre de la Santé et de la Prévention, ancien médecin urgentiste (Interview exclusive. François Braun, ministre de la Santé : « On répond depuis trop longtemps aux besoins de santé les plus rentables » (ampproject.org).
En clair, les trois lois de santé des 20 dernières années ne seraient pas parvenues à refonder notre système de santé pour affronter les enjeux majeurs du 21ème siècle : les catastrophes sanitaires, l'allongement de l'espérance de vie avec ses conséquences comme la progression du nombre de personnes âgées, atteintes de handicaps physiques, mentaux ou de maladies chroniques du vieillissement.
Nous avons précédemment analysé ces trois dernières lois de santé. Le lecteur peut s'y référer :(https://www.telemedaction.org/452925167) (https://www.telemedaction.org/452953499) (https://www.telemedaction.org/452953550)
Alors que les trois lois de santé font toutes la promotion d'un exercice professionnel partagé et collectif, le ressenti des professionnels de santé serait que notre système de santé est "à bout de souffle", que rien n'aurait été fait au cours des 20 dernières années, tant à l'hôpital public qu'au niveau de la médecine de ville, et qu'il faut rapidement effectuer "un grand remplacement" du système de santé existant, que certains veulent appeler "un véritable chamboule tout".
Une grande conférence sur l'accès aux soins, promise par le président de la République, se tiendra après l'été 2022. Le nouveau ministre de la Santé la prépare en faisant un tour de France des professionnels de santé du terrain, en particulier ceux qui exercent dans les zones sous-dotés. La méthode qu'il entend suivre est celle d'une refondation de notre système de santé à partir des besoins de la population, et non plus à partir de l'offre de soins existante qui serait devenue inadaptée ou inefficace. (https://www.lejdd.fr/Politique/refondation-du-systeme-de-sante-le-ministre-francois-braun-presente-sa-methode-aux-acteurs-du-secteur-4124912)
Une méthode à "haut risque financier", puisqu'elle devra prendre en compte que la part de la richesse nationale consacrée à la santé est déjà de 12,4% du PIB en 2020 (contre 11,4% en 2018), et qu'elle est une des plus élevées parmi les pays de l'OCDE. Cette part de PIB ne pourrait augmenter en 2023 qu'avec la croissance économique, le plein emploi, la perspective d'un allongement du temps de travail, etc. Le financement par de nouveaux impôts a été exclu par le pouvoir politique en place (et par les Français).
Le ministre devra ainsi répondre aux nouveaux besoins du système de santé dans une enveloppe financière relativement fermée, une sorte de quadrature du cercle qui l'oblige à faire certains choix ou à demander aux professionnels et aux établissements de santé une plus grande efficience avec le budget actuel afin de dégager d'autres marges financières pour mieux répondre à la demande de la population. (https://www.vie-publique.fr/fiches/37910-depenses-de-sante-par-rapport-au-pib#:~:text=En%202020%2C%20la%20DCSi%20s,2018%20%E2%80%93%20Drees%2C%202021).
Comment expliquer l'inadaptation ou l'inefficacité apparente des trois grandes lois de santé alors que la part du PIB consacrée à la santé est parmi les plus élevées de l'OCDE ? Ces lois prônaient l'engagement collectif des professionnels de santé, à l'exemple du mouvement collectif qui a été plébiscité pendant la pandémie, pour des organisations plus efficientes. Comment expliquer l'ambiance actuelle qui prédit une catastrophe imminente de notre système de santé si celui-ci n'est pas immédiatement refondé ? Les opinions données dans ce billet n'engagent que l'auteur dont l'expérience professionnelle est hospitalière.
Tout d'abord, on peut se demander comment les différentes avancées législatives des 20 dernières années ont été accueillies par les acteurs du terrain.
Rappelons que les 6 ministres de la Santé qui se sont succédé depuis 2002 ont tous été critiqués par les acteurs du terrain, allant même jusqu'à porter plainte contre l'un d'entre eux, désormais mis en examen pour "non-assistance à personne en danger" pendant la pandémie (plus de mille plaintes venant des professionnels de santé). Les critiques des acteurs de santé sont souvent violentes, proviennent autant des représentants de la médecine de ville que de ceux de l'hôpital public. Elles inondent les réseaux sociaux. Mais sont-elles toujours fondées ?
Lorsqu'on interroge les Français, l'écrasante majorité (75%) a confiance dans le système de santé actuel, mais nos compatriotes soulignent le manque de personnel soignant et les difficultés d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire. (Sondage IFOP du 22 mai 2022, https://www.ifop.com/publication/le-regard-des-francais-sur-le-systeme-de-sante-francais/ )
La loi HPST a été décriée par certains comme une loi "soviet"(en particulier à l'APHP de Paris), car elle mettait un terme à l'organisation traditionnelle en silo des services hospitaliers, de plus en plus petits avec l'augmentation constante du nombre de spécialités médicales et chirurgicales. Avec un nombre de spécialités qui était d'une vingtaine dans les années 70 à plus de 50 au début des années 2000, l'hôpital public devenait progressivement un mille-feuille dont la gouvernance centrale était de plus en plus difficile et la gestion financière de plus en plus complexe.
Fallait-il, par exemple, multiplier les services de spécialités chirurgicales, chaque spécialité ayant ses propres lits et son propre personnel soignant ? Si au niveau du bloc opératoire, il était nécessaire de distinguer les différentes spécialités avec des salles septiques pour la chirurgie viscérale ou traumatologique et des salles aseptiques pour des interventions programmées de chirurgie orthopédique ou de chirurgie de greffe, il n'était pas nécessaire d'avoir des lits post-opératoires par spécialité, dont le taux de remplissage diminuait régulièrement avec la baisse de l'accidentologie ou l'évolution des techniques opératoires, ces dernières permettant de réaliser de plus en plus d'actes chirurgicaux en ambulatoire. Les lits de chirurgie vacants (en hospitalisation complète) devenaient au fil du temps des lits de médecine pour les services d'urgences sans que l'encadrement médical et soignant y soit assuré.
Le même constat était fait pour les services de médecine. Chaque spécialité demandait ses propres lits et un nombre suffisant de praticiens pour gérer la permanence dans la spécialité concernée, même lorsque le niveau d'activité ne justifiait pas de tels recrutements. Cependant, cet exercice spécialisé en silo ne bénéficiait pas à la permanence générale des soins de l'établissement public au niveau des services d'accueil et d'urgences (SAU), les médecins spécialistes s'estimant incompétents pour faire des permanences en médecine "générale" non-programmée. D'où l'augmentation régulière du nombre de médecins urgentistes dans les hôpitaux publics avec la création de services de médecine "polyvalente". Seule l'hospitalisation programmée relevait d'un accès direct à un service de spécialité, l'hospitalisation non-programmée relevant d'un accès à une médecine polyvalente gérée par les médecins urgentistes.(https://www.telemedaction.org/page:D0FC0859-630B-489F-B45C-4C381EFF13C2"text-align: justify; padding: 0px 0px 22px; margin-bottom: 0px; color: rgb(0, 0, 0); font-family: Georgia, serif; font-size: 16px; letter-spacing: 0px; line-height: 1.2; font-weight: normal; font-style: normal; text-decoration: none solid rgb(0, 0, 0); text-shadow: none; text-transform: none; direction: ltr;" class="textnormal">Avec la création de pôles d'activités, la loi HPST de 2009 tentait de mettre un terme à cette dérive organisationnelle de l'hôpital public, en créant les conditions d'un exercice professionnel partagé et collectif, comme cela existait déjà dans de nombreux hôpitaux européens. Le système de financement de l'activité hospitalière (T2A) mis en place à 100% en 2008, fut décrié par ceux qui refusaient que l'hôpital public soit géré comme une entreprise. Ce système était loin d'être parfait, mais il permettait de remettre de l'ordre dans les finances des établissements publics et de redistribuer vers les hôpitaux actifs certaines rentes de situation acquises par le modèle de financement précédent, le "budget global", lequel était fondé seulement sur le PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information) et ne correspondait pas toujours à l'activité réelle de l'hôpital.
Pour la mise en place des IPA, les représentants de la médecine de ville ont également fortement critiqué cette évolution, pourtant attendue, du métier d'infirmier, craignant un transfert de certaines de leur compétence médicale vers les infirmiers en pratique avancée, comme cela se fait depuis plusieurs années aux Etats-Unis, en Australie, dans les pays du nord de l'Europe (https://www.telemedaction.org/452164786) (https://www.telemedaction.org/452207884). Cette solution organisationnelle est aujourd'hui recommandée dans le rapport Igas de janvier 2022, qui la considère nécessaire pour améliorer l'accès aux soins primaires dans le système de santé français.((https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article842)
Les CPTS furent aussi violemment attaquées par certains syndicats de la médecine libérale, qui considéraient cette réforme comme "une usine à gaz liberticide et chronophage". (https://www.fmfpro.org/des-cpts-pour-quoi-faire.html).
Pour ses détracteurs, cette organisation territoriale, labellisée par l'ARS, entrainait la perte de la liberté de choix du médecin par le patient, la création d'une obligation de prise en charge de soins non-programmés, la participation à la permanence des soins ambulatoire (PDSA), l'utilisation d'outils numériques communs, "la dilution du concept de soin dans l'organisation du soin, du médecin dans les professionnels de santé, la transformation du médecin en manager, etc.". Une vision très éloignée de l'esprit de cette loi qui cherchait à promouvoir l'exercice partagé et collectif.
Les soutiens, encore minoritaires en 2019, considéraient la CPTS comme un nouvel outil organisationnel au niveau du territoire de santé, enrichi des assistants médicaux qui préparaient les patients à la consultation médicale, de la possibilité de faire appel à un coordonnateur gérant les budgets, les indicateurs, les relations avec les institutions, de l'usage d'un outil numérique de coordination, etc.
La loi OTSS est dans la continuité de la loi précédente de 2016, cristallisant les mêmes critiques ou incompréhensions des différents acteurs de santé libéraux ou hospitaliers. Seule la transformation numérique du système de santé semble avoir créé un certain consensus. Il faut saluer l'excellente monographie réalisée par le CNOM sur la révolution numérique en santé, publiée en janvier 2022, que tout médecin d'exercice libéral, qui s'estimerait insuffisamment informé sur cette transformation numérique, devrait lire. Ce numéro spécial a été distribué aux quelque 200 000 médecins français inscrits à l'Ordre. https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/bulletin/1gwzspz/medecins-e-sante.pdf)
Si certains estiment que ces trois lois de santé ne peuvent refonder à elles-seules notre système de santé, qu'en pensent les Français et les ex-ministres de la santé des 20 dernières années ?
Les Français ont toujours eu du bon sens. Il faut prendre en compte leur vécu de la santé et répondre à leurs aspirations, bien traduites dans le récent sondage IPSOS de mai 2022.(https://www.ifop.com/publication/le-regard-des-francais-sur-le-systeme-de-sante-francais/ ). Partir des attentes des Français, c'est la méthode que souhaite suivre le nouveau ministre de la Santé.
Tout d'abord, les Français ne disent pas que leur système de santé est "à bout de souffle". Au contraire, 75% des sondés manifestent leur totale confiance dans le système de santé actuel. Le "bout de souffle" est donc davantage un ressenti des professionnels de santé, en particulier hospitaliers, que des usagers du système de santé.
Les Français pensent que le personnel soignant est insuffisant en nombre alors que la demande de soins ne cesse de progresser avec l'allongement de l'espérance de vie et les maladies chroniques du vieillissement. Il y a un consensus sur ce constat dont la cause est multiple, dont celle d'un relèvement trop tardif du numérus clausus à l'entrée des Facultés de médecine.
L'interview des anciens ministres de la santé en responsabilité de 2002 à 2020, publié dans le journal Le Monde du 12 août 2022 mérite d'être commenté (https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/08/12/crise-de-l-hopital-et-si-c-etait-a-refaire-six-ex-ministres-de-la-sante-reviennent-sur-vingt-ans-de-reformes_6137831_3224.html). Tous ces ex-ministres considèrent que l'augmentation progressive du numérus clausus à partir de 2002 a été insuffisante (de 4000 en 2002 à 7500 en 2009), qu'il fallait passer plus vite au "numérus apertus" qui permettait de former 10000 à 12000 médecins/an.
Une vision a postériori qui interpelle, car ce numérus apertus était impossible à mettre en place au début du 21ème siècle, les pouvoirs publics et l'Assurance maladie de l'époque considérant qu'il y avait trop de médecins libéraux. Il leur était proposé le MICA (mécanisme d'incitation à la cessation d'activités), créé en 1988 et supprimé en 2003. Une affirmation qui interroge également quand on connaît la capacite limitée des facultés de médecine françaises au début du 21ème siècle à former 7500 étudiants/an, notamment dans les grandes villes sièges de ces facultés. Il fallait déjà déporter les premières années universitaires dans des villes moyennes qui acceptaient de créer des campus à proximité du domicile des étudiants.
La mise en place au début des années 2000 d'un numérus apertus ne pouvait donc se faire sans l'aide de ces villes moyennes et un réseau numérique suffisant et performant pour réaliser les cours à distance. Certaines régions, comme la Bretagne et les Pays de Loire, ont été à l'avant-garde de ces évolutions en mettant en place, dès le début des années 2000, un réseau numérique public de très haut débit (Megalis, Gigalis).
Ces ex-ministres de la Santé avouent ne pas avoir vu venir la baisse significative du temps de travail des jeunes médecins par rapport à leurs ainés du 20ème siècle, ce qui est, plus que le nombre insuffisant de médecins qui augmente régulièrement depuis 2019, une des causes principales de la pénurie brutale en personnel soignant médical observée depuis 10-15 ans.
Avec 10300 étudiants formés chaque année d'ici 2025 (contre 7500 avant la fin du numérus clausus) (https://www.cours-thales.fr/prepa-medecine/chiffres-numerus-apertus), il faudra attendre 2035 pour avoir le plein effet de ce "numérus apertus". (https://www.ifrap.org/emploi-et-politiques-sociales/la-fin-du-numerus-clausus-naura-pas-deffets-avant-2035)
Avec une densité médicale de 3/1000 habitants en 2020, la France a besoin de 50 000 médecins supplémentaires pour rejoindre les pays dont la densité est de 4/1000 hab., comme l'Allemagne, l'Italie, le Danemark, la Suède, l'Espagne, le Portugal etc. (https://www.indexmundi.com/map/?v=2226&r=eu&l=fr) Dans la plupart des pays membres de l'UE, le temps de travail hebdomadaire des médecins est supérieur à 48h. Il est en moyenne de 54h/semaine chez les médecins généralistes français. (https://www.ars.sante.fr/les-medecins-generalistes-liberaux-travaillent-au-moins-50-heures-par-semaine)
Il n' y a jamais eu de consensus dans le monde politique et celui des professionnels libéraux au cours des 20 dernières années pour réguler l'installation des jeunes médecins libéraux sur le territoire, comme cela se fait depuis longtemps pour les pharmaciens et les infirmières, ni pour obliger les médecins de ville à prendre des gardes. Les représentants de la médecine libérale étaient opposés à toute mesure coercitive, qu'ils qualifiaient de 'liberticide". Pourtant, l'Assurance maladie a toujours considéré que les médecins libéraux n'étaient que des salariés de la Solidarité nationale au service de l'intérêt général, mais cet argument n'était pas audible chez les parlementaires où siégeaient de nombreux médecins libéraux. Plusieurs pays européens (Grande Bretagne, Espagne, Suède, etc.) ont une installation des médecins régulée par l'Etat.
Le ressenti des Français sur leurs difficultés à accéder aux soins primaires et aux soins spécialisés est en partie la conséquence de la pénurie actuelle en professionnels de santé. La démographie médicale n'est pas la seule cause, car il existe des zones du territoire français où ce problème d'accès n'existe pas. Il faut lire l'excellent travail de la Drees publié en avril 2021 (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques).
Pour les auteurs de cette étude qualitative sur le vécu des patients vivant dans des zones où la densité en médecins généralistes est inférieure à la moyenne nationale, la variable géographique seule n'est pas le véritable obstacle d'accès aux soins. Par contre, cette variable devient prégnante et "fait figure de véritable obstacle aux soins lorsqu’elle est associée à d’autres déterminants : capacités de mobilité, étendue de l’espace vécu, souplesse/rigidité de l’emploi du temps professionnel, maîtrise des contraintes professionnelles, charges familiales, ressources sociales, etc. "(https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-04/DD77.pdf)
Quelles seraient les organisations professionnelles innovantes dont l'efficience a été prouvée et dont pourrait s'inspirer la conférence de la refondation du système de santé ?
On peut être surpris qu'aucun des 6 ex-ministres de la santé interviewés par le journal Le Monde n'ait parlé de l'apport du numérique en santé pour mieux coordonner les professionnels et améliorer l'accès aux soins, en particulier les pratiques de télésanté lancées en 2010 pour la télémédecine, puis en 2019 pour le télésoin. Il est démontré que le numérique en santé améliore l'efficience des soins grâce à une meilleure coordination entre les professionnels. Les ex-ministres de la santé auraient pu exprimer leurs regrets de ne pas avoir suffisamment agi sur ce levier apparu au 21ème siècle. Oubli ou manque de conviction, ou tout simplement méconnaissance du sujet par la journaliste du Monde qui a réalisé l'interview ?
Si le nouveau ministre de la Santé veut refonder le système de santé dans une enveloppe financière relativement fermée, il aura besoin de convaincre les professionnels de santé, lors de la grande conférence de refondation, de s'engager davantage dans le numérique en santé et dans les pratiques de télésanté, dont l'efficience sur les soins est aujourd'hui bien démontrée. (https://www.telemedaction.org/page:03297EF0-A731-4BED-ACA8-F789C0615B6B"452564889.html" style="padding: 0px; text-align: justify; color: rgb(0, 0, 0); font-family: Georgia, serif; font-size: 16px; letter-spacing: 0px; font-weight: normal; font-style: normal; text-decoration: underline solid rgb(0, 0, 0); text-shadow: none; text-transform: none; direction: ltr;" class="textnormal">https://www.telemedaction.org/452564889) (https://www.telemedaction.org/452531961)
Le ressenti des professionnels de santé français vis à vis de la télémédecine utilisée pendant la pandémie à la Covid-19 est semblable à celui des professionnels d'autres pays à travers le monde.
L'excellente étude du groupe InSIGHT (enquête auprès de 20 pays de la planète touchée par la pandémie), publiée en mai 2022, mérite d'être rappelée.(https://www.telemedaction.org/452664440) Les défis à surmonter pour que la télémédecine joue pleinement son rôle au décours de la pandémie sont consensuels : besoin de formation, besoin d'acquérir une culture organisationnelle, et surtout besoin d'interopérabilité entre les logiciels métiers et ceux utilisés pour la téléconsultation, etc. Ce même constat a été fait en Allemagne. (https://www.telemedaction.org/452084332)
Après la transformation numérique "à marche forcée" en trois ans (2019-22) de notre système de santé, pleinement réussie, la France rattrape son retard et dispose désormais de solutions numériques garanties par l'Etat. (https://www.telemedaction.org/451406448) Encore faut-il que la dynamique créée au cours du dernier quinquennat ne retombe pas au cours de ce nouveau quinquennat et que la nouvelle équipe ministérielle continue à soutenir la mise en oeuvre des acquis technologiques, en particulier de "Mon Espace Santé" (MES) qui peut aider les citoyens et les professionnels de santé à mieux coordonner les soins et à utiliser de manière raisonnable la télésanté (https://www.telemedaction.org/449536030).
Il faudra rappeler lors de la grande conférence de la refondation du système de santé que l'accès de chaque citoyen à MES et l'interopérabilité entre les différents logiciels métiers avec MES ne peuvent que favoriser la coordination entre les professionnels de santé, c'est à dire un exercice partagé et collectif.
Un développement maitrisé de la téléconsultation, du télésoin et de la téléexpertise peut rendre les parcours de soins et de santé plus efficients, en générant une baisse de certaines dépenses comme vient de le démontrer l'institut économique Molinari, à la condition que la France accepte la mise en place d'organisations innovantes qui ont fait leurs preuves dans de nombreux pays, en particulier la collaboration avec les IPA "praticiens" en soin primaire, à l'image de ce que sont les nurse practitioners dans les pays anglosaxons où le modèle a fait ses preuves. (https://www.telemedaction.org/451568650)
S'il fallait lutter contre la pratique exclusive de la téléconsultation, la mesure prise par l'Assurance maladie dans l'avenant 9 de la Convention médicale nationale, avec l'accord des ordres professionnels, touche l'ensemble des professionnels de santé, alors que l'exercice exclusif sur les plateformes nationales de téléconsultation ne concerne que quelques centaines de jeunes médecins. La limite des pratiques de télésanté à 20% de l'activité professionnelle globale, d'une part ne repose sur aucune donnée scientifique connue, d'autre part, nous semble contraire à l'éthique médicale (le bien agir du médecin) rappelée dans les articles R.4127-5, R.4127-6 et R.4127-8 du Code de la santé publique. Enfin, nous pensons que cette mesure ne peut que constituer un frein au développement d'une télésanté efficiente dont a besoin notre système de santé au 21ème siècle.(https://www.telemedaction.org/452442936)
On ne redéveloppera pas ici l'intérêt du numérique en santé et de la télésanté pour mieux prendre en charge les soins non-programmés. Le lecteur pourra se reporter à un récent billet traitant de la crise des urgences hospitalières. (https://www.telemedaction.org/452757672)
Un développement attendu de la télésurveillance médicale pour prévenir les complications et les hospitalisations de patients atteints de maladies chroniques.
C'est l'honneur de la France de financer dans le droit commun de la Sécurité sociale cette nouvelle organisation qui vise à prévenir les complications des patients atteints de maladies chroniques et à éviter les hospitalisations. La mise en oeuvre de ce financement, prévu dans la LFSS 2022, a été repoussée à 2023. Nous avons largement abordé ce thème dans de précédents billets (https://www.telemedaction.org/450445207) Il est urgent de mettre en place la télésurveillance médicale des patients atteints de maladies chroniques si on veut prévenir la submersion des hôpitaux. (https://www.telemedaction.org/439232997)
En résumé, la France dispose aujourd'hui de tous les atouts pour réaliser une véritable refondation de notre système de santé. Il faut obtenir une adhésion des citoyens et des professionnels de santé du terrain pour que cette refondation promise par le pouvoir politique réussisse. Les citoyens sont prêts à vivre de nouvelles organisations de soins fondées sur un exercice partagé et collectif, à la condition qu'ils soient guidés et entrainés par les professionnels pour bénéficier pleinement du numérique en santé. Les trois lois promulgués depuis 2009 préparaient les usagers et les professionnels à cette refondation.
18 août 2022