Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
L'insuffisance cardiaque est la première cause d'hospitalisation par les urgences. On estime à plus de 350 000 le nombre de patients en insuffisance cardiaque qui sont hospitalisés chaque année dans les hôpitaux français. L'assurance maladie obligatoire (AMO) a évalué à près de 2 milliards d'euros le coût annuel des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. C'est également la pathologie qui conduit à le plus de réhospitalisations.
Prévenir ces hospitalisations est devenu un enjeu majeur de santé publique, à l'origine des programmes de télésurveillance au domicile pour dépister précocément les premiers signes de décompensation et ainsi traiter immédiatement afin de stopper cette aggravation et prévenir une hospitalisation en urgence. C'est une des indications du programme ETAPES mis en place en 2017, après la publication du cahier des charges le 15 décembre 2016 (voir sur ce site le billet intitulé "programme ETAPES" dans la rubrique "On en parle).
Dans les pays ultra-marins, les évacuations sanitaires (EVASAN) sont déclenchées dès l'apparition des premiers signes d'insuffisance cardiaque. Elles sont très coûteuses et pas toujours justifiées à posteriori. Avant de prendre la décision de faire une EVASAN, il serait utile de recueillir un avis médical spécialisé. La télémédecine offre aujourd'hui la possibilité de téléconsultations cardiologiques ou de téléexpertises entre les médecins traitants et les médecins spécialistes afin de décider ou non d'une EVASAN. De nombreuses îles de l'Outre-mer bénéficient aujourd'hui d'un réseau haut débit par internet ou par fibre optique, voire par bande passante satellitaire, rendant possible les pratiques de la télémédecine.
La télésurveillance à domicile des patients atteints de maladies chroniques, notamment d'insuffisance cardiaque chronique, consiste à transférer chaque jour sur une plateforme des indicateurs cliniques de la pathologie comme le poids, l'apparition d'oedèmes aux membres inférieurs, un essouflement à l'effort ou au repos qui progresse. Ces données peuvent être saisies par le patient lui-même ou recueillies par un système de télémonitoring doté d'algorithmes déclenchant des alertes vers le professionnel de santé en charge de la télésurveillance. C'est la méthode qui va être évaluée dans le programme ETAPES avec l'expérimentation financière de l'AMO.
L'échocardiographie fait partie intégrante de toute consultation cardiologique. Lors de l'expérience "Télégéria" développée entre l'hôpital Européen Georges Pompidou (HEGP) et l'Ehpad de l'hôpital Vaugirard, il avait été montré qu'une télé-echocardiographie synchrone était possible au cours d'une téléconsultation cardiologique réalisée à partir de l'HEGP, à condition de former préalablement un infirmier ou un aide-soignant de l'Ehpad Vaugirard à la manipulation de la sonde sur le thorax du patient. Le cardiologue guidait à distance, par la voix, celui qui manipulait la sonde. Cette possibilité de télé-echocardiographie synchrone évitait à des patients âgés et handicapés de l'Ehpad de Vaugirard de se déplacer à l'HEGP pour être examinés par un cardiologue.
Une étape technologique et clinique supplémentaire vient d'être franchie en Guadeloupe entre le CHU de Pointe à Pitre et l'hôpital local de l'île Marie-Galante située à 30km (1h de bâteau) de Pointe à Pitre.
Cette première mondiale est intéressante à rapporter.
L'évolution technologique avec le robot Mélody construit par la société Adéchotech de Vendôme (France) permet au médecin cardiologue de guider lui-même à distance la sonde exploratoire qui est sur le thorax du patient. C"est une avancée technologique considérable qui a été validée au plan clinique par le Dr Mona Hedreville, cardiologue au CHU de Pointe à Pitre au début du mois de décembre 2016.
Le robot Melody est installé à l'hôpital de Marie-Galante et est positionné sur le thorax du patient par un assistant technique. Le bras robotisé est porteur d'une sonde ultra-sonore que le médecin cardiologue du CHU commande à distance. L'image échocardiographique apparaît en temps réel (synchrone) sur l'ordinateur du cardiologue qui dispose lui-même d'une sonde qui commande celle qui se trouve sur le thorax du patient. Le cardiologue reproduit ainsi devant son ordinateur les gestes qu'il ferait lui-même sur le thorax du patient si la consultation avait lieu dans son cabinet, en face à face. Il s'agit donc d'une véritable échocardiographie réalisée à distance par le cardiologue.
Pour une spécialité comme la cardiologie, cette possibilité de réaliser une échocardiographie
à distance, dans les mêmes conditions que lorsque le patient est en face à face, ouvre de nouvelles indications de prises en charge par télémédecine. En effet, chez les patients en insuffisance
cardiaque chronique qui vivent dans les îles d'Outre-mer souvent éloignées de quelques heures de bâteaux ou d'avion des établissements de santé où se trouvent les médecins spécialistes, la surveillance
spécialisée cardiologique pourra se faire à distance sans obliger ces patients à se déplacer pour se rendre auprès du médecin spécialiste. La téléconsultation cardiologique peut
se réaliser complètement avec l'examen échocardiographique à distance. Les conséquences économiques peuvent être importantes car de nombreuses caisses d'assurance
maladie de l'Outre mer sont en déficit chronique à cause des EVASAN.
Le robot Melody peut être utilisé également dans d'autres situations où l'échographie est le premier stade de l'imagerie médicale avant de poser l'indication d'un scanner ou d'une IRM. L'usage de ce robot a été validé dans l'exploration d'une douleur abdominale aiguë ou dans le suivi à distance d'une grossesse. Il est également validé dans le premier stade d'exploration vasculaire d'une suspicion de phlébite des membres inférieurs. C'est donc une solution d'imagerie intéressante dans l'exercice de la médecine de soins primaires.
Mais comme dans toute pratique de télémédecine, le succès de telles innovations technologiques se trouve dans l'organisation professionnelle qui accompagne l'usage de ces nouveaux outils.
Ainsi, la télé-échographie généraliste nécessite l'organisation d'une permanence d'interprétation
échographique dans un établissement qui dispose de suffisamment de radiologues échographistes pour assurer cette permanence, notamment devant une douleur abdominale aiguë, afin de savoir si celle-ci relève d'une
colique néphétique, hépatique ou d'origine intestinale, etc., et pour mieux poser l'indication d'une hospitalisation en urgence. La permanence professionnelle d'interprétation échographique peut se faire entre plusieurs
établissements ou cabinets de radiologues grâce à la télémédecine. C'est une organisation professionnelle consensuelle à mettre en place.
La télé-echocardiographie et la télé-échographie obstétricale sont des pratiques plutôt programmées
et il suffit que les médecins spécialistes concernés intégrent dans leur activité professionnelle de consultations ces séquences de téléconsultations.
Cette possibilité d'imagerie médicale à distance, dans les régions ultra-marines, doit permettre de mieux gérer les EVASAN en avion sanitaire. Elle améliore indiscutablement l'accès aux soins dans ces régions isolées, ce qui est la première indication d'une organisation de télémédecine.
AdEchoTech
17.02.2017 14:52
Insinuez-vous, Mr. BOUTTEAU, que nos clients (plus de 20 centres) ont TOUS négligé l'impact médico-économique (Région Centre, Midi-Pyrénées, Bretagne, Guadeloupe, Canada...) ?
Bruno Boutteau
23.02.2017 07:56
Bonjour Messieurs, Je serai très intéressé par une publication médico-économique sur ce sujet qui reste à fort potentiel.
AdEchoTech
17.02.2017 14:52
N'oubliez pas par ailleurs que notre système de santé doit garantir l'égalité de l'accès aux soins pour les populations isolées. Nous restons disponibles pour en discuter : www.adechotech.fr
Bruno Boutteau
16.02.2017 15:48
Les prix que j'ai indiqués sont ceux de la société
Bruno Boutteau
16.02.2017 15:51
AdEchoTech a proposé en Alsace en 2015 et 2016. Cela avait été évalué comme excessif pour l'usage envisagé. L'étude medico-economique doit faire partie des critères de go/nogo.
Bruno Boutteau
13.02.2017 12:10
A 5000 euros TTC de location par mois ou plus de 120 000 euros TTC à l'achat, ce type d'innovation reste hors de portée de nombreux acteurs. Le bilan médico-économique de ce projet est très attendu.
AdEchoTech
14.02.2017 09:09
Monsieur Boutteau, informations erronées. Commercialisé depuis 2013, les études économiques ne manquent pas, et les résultats sont positifs pour MELODY.
Pierre Simon
14.02.2017 08:33
Vous avez raison de souligner que les patients des îles ne se déplacent pas pour réaliser une écho-cardiaque. La possibilité de la faire à distance participe à la prévention des EVASANs en urgence.
Nicolas
13.02.2017 23:01
Il n'y a pas que les conclusions economiques. la population agée des iles de Guadeloupe ne prennent pas le bateau ou l'avion pour faire une echo cardiaque et terminent en etat critiques aux urgences
Pierre Simon
13.02.2017 13:22
Je pense qu'à l'Outre mer, l'usage de cet outil peut permettre de prévenir des EVASANs dont les coûts sont élevés (2500 €/Evasan). Un modèle médico-économique intéressant pour les populations isolées.