Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
"La téléconsultation a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation. Les psychologues mentionnés à l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social peuvent également être présents auprès du patient." (art. 6316-1 du Code de la santé publique).
Pour respecter les grands principes éthiques et déontologiques, une téléconsultation ne peut se faire sans une information préalable des personnes concernées, de façon loyale, claire et appropriée, afin de recueillir leur consentement à cette nouvelle pratique médicale. La téléconsultation ne peut donc être que programmée dans la grande majorité des cas. Cela signifie qu’elle ne peut se substituer à une primo-consultation en face à face, sauf si l’intérêt du patient le justifie. Par exemple, dans une urgence comme l'AVC ischémique, le médecin neurologue vasculaire fera une téléconsultation avant de prendre la décision de faire le traitement par fibrinolyse. En général, une urgence médicale nécessite un examen clinique et ne relève pas d'une téléconsultation. Dans la phase aigue de l'AVC, l'urgentiste qui est près du patient contribue à l'examen clinique avec le neurologue.
La programmation d’une téléconsultation permet de prévoir l’accès au dossier médical informatisé du patient. Celui-ci est indispensable pour le médecin qui réalise un tel acte, notamment chez une personne atteinte de maladies chroniques, qui alterne des consultations en face à face et des téléconsultations.
Le consentement ne doit pas être recueilli à chaque acte de téléconsultation si celle-ci est pratiquée régulièrement, si elle fait partie du plan personnalisé de soin et si le patient a donné initialement son accord à cette nouvelle forme de prise en charge. Il doit néanmoins être informé qu’il peut revenir à une prise en charge habituelle en face à face s’il n’est pas satisfait. Dans une téléconsultation, le patient doit être acteur de sa santé et pouvoir juger de la qualité de cet acte médical à distance. Nous sommes dans l'ère du "e-patient" qui demande une médecine à la fois plus personnalisée et plus humaine dans une période où l'innovation technologique peut deshumaniser la relation médecin-patient
Il y a parfois une mauvaise compréhension de la pratique de téléconsultation. Lorsqu’un médecin réalise une consultation en face à face, il rencontre une personne qui se considère comme patiente ou malade. S’il s’agit d’un premier rendez-vous, il passe un temps plus important que lorsqu’il s’agit d’une consultation de suivi, notamment pour une maladie chronique. La première consultation comporte nécessairement un examen clinique, un interrogatoire prolongé sur les antécédents personnels et familiaux, les traitements reçus, les interventions chirurgicales réalisées, etc. C'est un acte intellectuel du médecin pour bien comprendre l’objet de la plainte ou de la demande et pour évaluer l’état de santé du patient. Une primo-téléconsultation peut-elle faire aussi-bien ? On peut en douter, car le climat de confiance qui s’installe entre un patient et son médecin lors d’une première rencontre se fonde sur la chaleur d’une relation humaine qu'une téléconsultation peut avoir du mal à reproduire. C'est de la responsabilité du médecin de faire en sorte que le dialogue mette en confiance la personne téléconsultée et surtout que la durée de la téléconsultation laisse du temps à la personne de s'adapter à cet échange et de s'identifier comme un acteur à part entière de la consultation. Cette personne peut être aidée par un infirmier ou une infirmière qui reste auprès d'elle pendant la téléconsultation. C'est même fortement conseillé lorsque la personne est âgée. Une téléconsultation de qualité dure autour de 30 mn. En résumé, la téléconsultation se caractérise par un dialogue direct par visioconférence avec une personne qui a accepté de consulter un médecin de cette manière. Elle doit être programmée.
La téléconsultation avec un médecin spécialiste n'est pas une téléexpertise lorsque le patient est présent. La téléexpertise est un échange entre deux médecins en l'absence du patient (voir le billet la télé-expertise dans la rubrique édito de semaine). Il peut y avoir des téléconsultations avec des médecins spécialistes où l'infimière ou le médecin traitant accompagne le patient dans sa consultation spécialisée. C'est ce qui se passe par exemple dans la plupart des téléconsultations en EHPAD (en dermatologie, en gériatrie, en cardiologie, etc.). Cependant, mettre à l'écran une personne dont les troubles cognitifs sont tels qu'elle n'a pu recevoir une information et donner un consentement éclairé pour la téléconsultation, n'est pas acceptable au plan de l'éthique et du droit des personnes. C'est en contradiction avec le respect de l'intégrité physique et psychique d'une personne et du droit de toute personne à consentir à un acte médical, comme cela est rappelé à l'article 16-3 du Code civil.
En milieu gériatrique, la question du diagnostic par télémédecine d'un trouble de la mémoire ou du comportement est souvent posée. Si une téléconsultation mémoire peut être réalisée lorsque la personne est en situation cognitive de recevoir l'information, de la comprendre et de donner un consentement, par contre, une téléconsultation directe pour des troubles du comportement d'une personne en état de troubles cognitifs sévères n'est pas acceptable au plan éthique et du droit des patients. Une téléexpertise est par contre possible. Elle peut être donnée par le médecin spécialiste sur l'envoi d'une photo ou d'un film que lui adresse le médecin traitant, à la condition que la personne de confiance ou la "personne à prévenir" de la famille ait donné préalablement son accord. Il faut non seulement expliquer à cette personne de confiance la finalité médicale de la photo ou du film, mais s'assurer également que l'hébergement de ces photos ou film sera bien sécurisé, car il s'agit de données de santé relevant du secret professionnel.
Cette mise au point nous paraît importante pour prévenir le risque d'une plainte qui pourrait survenir si les droits des patients, notamment en structures médico-sociales et EHPAD, ne sont pas respectés lorsqu'on pratique la télémédecine. La téléconsultation doit rester un modèle d'humanité entre le médecin et son patient.