Que faut-il retenir des décrets relatifs à la télésurveillance médicale publiés au JORF du 30 décembre 2022 ?

Nous abordons avec la télésurveillance médicale la troisième pratique professionnelle de télémédecine à être financée dans le droit commun de la sécurité sociale après la téléconsultation et la téléexpertise.


Qu'est-ce que la télésurveillance médicale en 2023 ?

Il n'est pas inutile de rappeler l'évolution du concept de télésurveillance médicale depuis sa première définition dans le décret du 19 octobre 2010. La mise en application de cette pratique de télémédecine dans le droit commun de la Sécurité sociale aura duré plus de 12 années....

Dans le décret de 2010, la télésurveillance médicale avait pour objet de permettre à un professionnel médical d'interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d'un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. L'enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé.

Cette définition jugée trop médicale ne convenait pas aux syndicats des industries du numérique en santé (SYNTEC, SNITEM) qui estimaient dans deux Livres blancs publiés successivement en 2011 et 2013 que la télésurveillance au domicile des patients, en particulier ceux atteints de maladies chroniques, relevait de la volonté des pouvoirs publics de développer un marché de dispositifs médicaux numériques (DMN), marché qui serait créateur de richesses et d'emplois. La télésurveillance médicale comme pratique professionnelle de télémédecine leur semblait moins évidente que la téléconsultation et la téléexpertise.

Toutefois dans le Livre blanc publié en avril 2013, le SYNTEC et le SNITEM reconnaissaient la nécessité de coconstruire avec les professionnels de santé les applications de la télésurveillance médicale (https://www.silvereco.fr/wp-content/livre_blanc_telemedecine_avril2013.pdf), faisant alors le constat que seules les applications qui étaient pensées par les professionnels de santé pour améliorer le service médical attendu ou rendu avaient une chance d'être adoptées par l'ensemble des professionnels et des patients.

Se ralliant in fine à la vision médico-économique des industriels du numérique, le ministère de la Santé et de la Prévention présente aujourd'hui sur son site Web la télésurveillance médicale comme une organisation qui permet à un professionnel de santé d'interpréter à distance, grâce à l'utilisation d'un dispositif médical numérique, les données de santé du patient recueillies sur son lieu de vie et de prendre les décisions relatives à sa prise en charge.(https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/telesante-pour-l-acces-de-tous-a-des-soins-a-distance/article/la-telesurveillance#Qu-est-ce-que-la-telesurveillance), les autres formes de télésurveillance médicale, en particulier par e-PROMs (Patient Reported Outcome Measures), n'ayant pas été retenues initialement par le programme ETAPES lancé en 2018 (Expérimentations de Télémédecine pour l'Amélioration des Parcours en Santé).

Dans une volonté de conserver la souveraineté numérique dans le domaine de la santé, les pouvoirs publics français ont donné le tempo de la mise en place de la télésurveillance médicale en la faisant précéder d'une expérimentation financière pilotée par l'Assurance maladie (le programme ETAPES), d'une transformation numérique accélérée du système de santé entre 2019 et 2022 par la Délégation du numérique en santé, avec la mise en place d'une plateforme d'Etat hébergeant l'espace numérique en santé constitué du nouveau DMP et de divers services interopérables avec le DMP. Le programme ETAPES sera remplacé à compter du 1er juillet 2023 par un remboursement dans le droit commun de la sécurité sociale, voté dans la LFSS 2022.

C’est l’objet des décrets n°2022-1767 et 2022-1769 des 30 et 31 décembre 2022, relatifs à la prise en charge et au remboursement des activités de télésurveillance médicale, lesquels déterminent dans le code de la sécurité sociale les modalités d'évaluation, d'inscription au remboursement, de modification des conditions d'inscription, de radiation et de facturation des activités de télésurveillance médicale ainsi que les conditions de fixation des forfaits de prise en charge. Ces décrets étaient attendus par les fournisseurs de DMN.


Les points essentiels à retenir.

L'activité de télésurveillance médicale relève d'une prescription médicale dont la durée ne peut être supérieure à 5 ans.

Ces activités, pour être remboursées, doivent être inscrites sous forme de marque ou de nom commercial ou rattachées à une ligne générique dont les spécificités techniques minimales sont précisées dans un arrêté. Ces activités doivent être inscrites sur la liste prévue à l'art.L.162-52 du code de la sécurité sociale (CSS), liste établie par arrêté des ministres de la santé et de la sécurité sociale après avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS). L'ordonnance du prescripteur doit mentionner les éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription.

L'intérêt de l'activité de télésurveillance médicale est évalué au moment de son inscription sur la liste.

Une amélioration de l'état de santé du patient par rapport au suivi médical conventionnel (rapport bénéfices risques favorable), un gain significatif dans l'organisation des soins sans perte de chance pour le patient, un intérêt de santé publique. La conformité aux référentiels d'interopérabilité et de sécurité est exigée et vérifiée au moment de l'inscription.  Sont exclues de la liste les activités susceptibles d'entraîner des dépenses injustifiées pour l'assurance maladie, les activités prévoyant un recours à un DMN sans marquage CE, l'absence de certificat de conformité pour le DMN ou les accessoires de collecte des données, une publicité non conforme aux règles en vigueur.

Les Conseils nationaux professionnels (CNP) sont consultés sur les cas d'usage d'une activité de télésurveillance médicale.

Chaque activité de télésurveillance médicale est soumise à l'avis de la CNEDIMTS, laquelle communique à l'exploitant et aux CNP sont projet d'avis. Ces derniers disposent de dix jours après réception du projet pour faire part de leurs observations et éventuellement d'une demande d'audition par la commission qui sera effective dans un délai de 45 jours maximum. L'avis rendu par la CNEDIMTS est public. En cas de dossier incomplet, l'exploitant dispose de 10 jours pour le compléter. Après l'inscription sur la liste, toute modification des données scientifiques, techniques, médicales ou économiques doit être déclarée sans délai aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

Les conditions de radiation de la liste

La radiation de la liste peut être sollicitée par l'exploitant ou lorsque l'activité ne remplit plus les critères d'inscription, lorsqu'une nouvelle activité de télésurveillance présente un intérêt supérieur, lorsque l'activité n'a pas généré de remboursement pendant un an, lorsqu'un nouveau certificat de conformité n'a pas été sollicité, etc.

L'avis favorable rendu par la CNEDIMTS

Il décrit la place de l'activité de télésurveillance dans la stratégie de prise en charge des patients, il apprécie le bien-fondé de l'inscription au regard de l'intérêt attendu, il mentionne la classe et le chapitre de la pathologie concernée, il propose une durée d'inscription, le cas échéant propose des études complémentaires pour réévaluer l'intérêt de la télésurveillance lesquelles devront être présentées lors de la demande de renouvellement, il estime le nombre de patients relevant de l'activité selon les données épidémiologiques disponibles, enfin un référentiel peut être proposé aux opérateurs touchant notamment à la qualification des professionnels de santé réalisant l'activité.

L'activité de télésurveillance médicale doit être déclarée à l'agence régionale de santé (ARS)

Le deuxième décret du 31 décembre 2022 précise les éléments du dossier à fournir à l'ARS.

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6 janvier 2023