Construisons ensemble la médecine du XXIème siècle
Nous l'avons déjà écrit dans plusieurs billets depuis 2022 ; la pandémie Covid-19 a été l'occasion, dans de nombreux pays et pour de nombreuses professions de santé, de découvrir la place des soins distanciels, en complément des soins présentiels, dans les parcours de santé des patients qu'ils ont en charge (https://telemedaction.org/422021881/m-decine-hybride-au-21-me-si-cle)(https://telemedaction.org/422021881/ia-et-soins-distanciels).
Chez les professionnels non-médicaux (pharmaciens, auxiliaires médicaux, dont les orthophonistes), les autorités sanitaires françaises ont donné un cadre légal et réglementaire à ces pratiques distancielles en définissant le télésoin dans la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS) du 24 juillet 2019 (https://telemedaction.org/422783742/449938081)(https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo JORFARTI000038821338#:~:text=%2DLe%20t%C3%A9l%C3%A9soin%20est%20une%20forme,comp%C3%A9tences%20pr%C3%A9vues%20au%20pr%C3%A9sent%20code)
et en précisant ses conditions de mise en œuvre dans le décret relatif à la télésanté du 3 juin 2021 (https://telemedaction.org/4371004).
Depuis la signature de l'avenant 17 à la convention nationale des orthophonistes avec l'Assurance maladie (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/texte_jo/JORFTEXT000043391408), les professionnels libéraux français ont la possibilité d'exercer le télésoin et d'être rémunérés. Un état des lieux de cette pratique en France et dans le monde a donné lieu à un mémoire réalisé en France par Mathilde Grognet, orthophoniste, et soutenu le 10 novembre 2020 à l'Université de Picardie (https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03272229/file/Grognet%20Mathilde %20M%C3%A9moire%20du%20certificat%20de%20capacit%C3%A9%20d%27orthophonie%20%28UPJV%29.pdf). Un autre mémoire, réalisé par Charlène Kim, également orthophoniste, et soutenu le 10 juin 2022 à l'Université de Bordeaux, fait un nouvel état des lieux de cette pratique distancielle de l'orthophonie. Elle fait le constat de l'absence de publication française en 2022 dans la littérature nationale et internationale (https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03759656v1/file/ORTH_2022_KIM.pdf).
Nous rapportons ici l'expérience des orthophonistes britanniques dans la prise en charge à distance des patients atteints d'aphasie post-AVC. Cet article a été publié en avril 2025 dans le International journal of language and communication disorders.
Experiences and perspectives of UK speech and language therapists on telehealth assessment with people living with post-stroke aphasia. Amanda Comer, Sarah Northcott, Nicholas Behn, Abi Roper, Niamh Devane, Katerina Hilari. Int J Lang Commun Disord 2025 Mar-Apr;60(2):e70018. doi: 10.1111/1460-6984.70018
INTRODUCTION
L'aphasie est un trouble du langage qui peut affecter la compréhension, la parole, la lecture et l'écriture. Elle touche environ un tiers des survivants d'un AVC. Pendant la pandémie mondiale de la COVID-19, la prestation traditionnelle des soins de santé en présentiel a été modifiée. Les soins aux victimes d'AVC au Royaume-Uni ont été fortement impactés par cette pandémie, avec une diminution des admissions à l'hôpital en phase aiguë d'AVC et des parcours de réadaptation fonctionnelle réduits ou interrompus dans certaines régions du Royaume-Uni. Dans une enquête menée par le Royal College of Speech and Language Therapists (RCSLT) pendant le premier confinement (mars-juin 2020), 81 % des adultes souffrant d'un trouble du langage ont déclaré avoir reçu moins de séances d'orthophonie et 62 % des patients touchés d'aphasie n'avoir reçu aucune intervention d'orthophonie. Enfin, une réduction importante du nombre de patients en neuroréadaptation dans les services d'orthophonie fut constatée.
Après la fin du confinement lié à la COVID-19 au Royaume-Uni, plus de la moitié des personnes aphasiques (PVA) ont signalé une détérioration de leur santé mentale, de leur vie sociale, de leurs relations amicales et de leur vie familiale. Les défis liés au maintien d'une vie sociale chez les patients atteints d'aphasie sont bien décrits, ces patients étant plus susceptibles de connaître une mauvaise qualité de vie et une réduction de leurs niveaux d'activité.
La pandémie de la COVID-19 a accéléré la mise en œuvre de la télésanté au Royaume-Uni afin de donner un meilleur accès aux services de santé, y compris aux soins secondaires à des accidents vasculaires cérébraux (AVC), tout en réduisant les consultations en présentiel.
Dans cet article, la télésanté est définie comme une visioconférence synchrone où le professionnel de santé et le patient interagissent en temps réel. La télésanté est considérée comme un moyen acceptable et faisable de fournir des services d'orthophonie aux personnes atteintes d'aphasie post-AVC, en complément du modèle de soins traditionnel.
Les avantages de la télésanté comprennent un meilleur accès aux soins dans les zones rurales, une réduction des déplacements et des soins plus centrés sur le patient (c'est-à-dire une implication accrue de la famille et des soins à domicile). La télésanté est de plus un service équitable vis à vis des rendez-vous en présentiel, une réduction des coûts pour les prestataires de services de santé et les utilisateurs, et des temps d'attente réduits. Les organisations nationales d'orthophonie et le RCSLT se sont investies dans la télésanté en élaborant des guidelines qui permettent une pratique de la télésanté en toute sécurité.
Les obstacles à la mise en œuvre de la télésanté sont une culture numérique variable chez les professionnels, la disponibilité des technologies numériques chez les personnes considérées comme vulnérables ou ayant un faible statut socio-économique, le financement dans la durée et les préférences des utilisateurs. Les personnes souffrant d'aphasie post-AVC sont susceptibles de rencontrer ces obstacles, la charge de morbidité liée à l'AVC étant plus élevée chez les patients vivant dans des zones à faible statut socio-économique.
Le RCSLT a constaté que l'adoption précoce de la télésanté dans le post-AVC (43,6 % en visioconférence) était l'un des changements professionnels les plus significatifs apportés pendant la pandémie de COVID-19.
Plus de la moitié des orthophonistes ont déclaré que cette pandémie offrait des opportunités de pratiques innovantes à distance (61 %), et 54,4 % estiment avoir développé de nouvelles compétences professionnelles. De plus, 50 % des orthophonistes britanniques souhaitent suivre davantage de patients aphasiques en ligne, soulignant la flexibilité et la créativité de cette prestation pour les orthophonistes. La télésanté reste une priorité pour le National Health Service (NHS) dans le cadre de son plan stratégique à long terme. Toutefois la mise en œuvre de ce plan manque encore de cohérence en Angleterre et au Royaume-Uni.
Peu de recherches ont rapporté dans la littérature l'expérience des orthophonistes en télésanté, ainsi que leurs points de vue sur les stratégies de soins les plus efficaces chez les personnes atteintes d'aphasie post-AVC. Compte tenu du besoin croissant de fournir des évaluations rentables et rapides aux personnes atteintes d'aphasie dans les systèmes de santé post-COVID-19, il est important d'appréhender ces questions.
Les objectifs spécifiques de cette étude sont d’examiner les deux points suivants : 1) quels sont les obstacles et quels sont les facteurs facilitant pour les orthophonistes lorsqu’ils utilisent la télésanté chez les personnes atteintes d’aphasie post-AVC ? 2) Quel est le point de vue des orthophonistes lorsque le patient juge positive cette pratique distancielle ?
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MÉTHODES.
Conception.
Une approche thématique qualitative, avec une méthodologie de groupes de discussion, a été utilisée pour recueillir l'avis des orthophonistes sur leurs expériences d'évaluation d'une aphasie par télésanté. Cette approche permet de recueillir des données riches et diversifiées, et de découvrir de nouvelles perspectives sur ce processus grâce aux interactions entre les participants par la visioconférence.
Éthique.
L'approbation éthique de cette étude a été donnée par le Comité de recherche de la City, St George's University of London School of Health Sciences (référence éthique : ETH2122-1499). Toutes les personnes ayant participé à cette étude ont donné leur consentement éclairé et volontaire. Les noms et les informations ont été modifiés afin de préserver l'anonymat.
Recrutement des participants à l'étude.
Les participants ont été recrutés par des annonces sur Twitter, par les réseaux professionnels de l'équipe de recherche et les réseaux d'excellence clinique en orthophonie (c.-à-d. le réseau d'excellence clinique Computers in Therapy affilié au RCSLT, des collègues connus pour travailler avec des personnes atteintes d'aphasie). Les personnes intéressées ont été invitées à contacter le premier auteur pour participer, sélectionnées selon les critères d'inclusion par courriel ou par téléphone. Ces personnes ont reçu la fiche d'information du participant par courriel. Les participants ont eu au moins une semaine pour réfléchir à leur participation avant de remplir le formulaires de consentement signés électroniquement. La complétude des données a permis de créer quatre à huit groupes, lorsque ces données étaient homogènes autour d'un sujet précis. L'étude visait à atteindre un échantillon de 24 participants, avec l'intention d'atteindre par groupe six participants. Les critères d'inclusion étaient les suivants : orthophonistes agréés par le Health & Care Professions Council (HCPC), travaillant au Royaume-Uni, travaillant avec des personnes atteintes d'aphasie, ayant une expérience de l'évaluation de l'aphasie post-AVC par télésanté, et parlant anglais avec des compétences linguistiques suffisantes pour participer au groupe de discussion. Les critères d'exclusion étaient les suivants : orthophonistes sans expérience de la télésanté auprès de patients atteints d'aphasie, personnes ayant dépassé l'âge de la retraite au Royaume-Uni (66 ans) et étudiants en cours de formation en orthophonie.
Collecte des données
Les groupes de discussion ont été coanimés par le premier auteur et un chercheur (le deuxième auteur, chercheur expérimenté dans la conduite de groupes de discussion). Les deux animatrices étaient des femmes et des orthophonistes agréées par le HCPC, avec respectivement 9 et 21 ans d'expérience. Elles avaient toutes les deux une expérience de la télésanté et de l'évaluation en présentiel avec des personnes atteintes d'aphasie. Afin d'obtenir une neutralité et une transparence, la connaissance de relations antérieures à l'étude et de leur impact potentiel sur l'animation des groupes de discussion a été examinée avant le début de l'étude dans chaque groupe. Cela s'appliquait également aux expériences cliniques et aux opinions des animatrices. La crédibilité des résultats a été confirmée par la tenue d'un journal par le premier auteur et par des discussions avec l'équipe de recherche lors de la collecte et de l'analyse des données collectées.
Les groupes se sont déroulés en ligne via la plateforme de visioconférence Zoom, avec une animation dans des espaces privés et calmes pour chaque groupe. Chaque séquence de discussion a duré en moyenne 53,38 minutes et a été enregistrée en audio et vidéo via Zoom. Des notes ont aussi été prises par les deux animatrices et discutées lors des séances de débriefing.
Les groupes de discussion étaient semi-structurés, posant des questions ouvertes et de fond pour encourager une réflexion plus approfondie. Les animatrices ont encouragé tous les participants à exprimer un large éventail de points de vue et d'opinions, y compris des opinions divergentes, et ont assuré à chaque groupe qu'il n'y avait pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Un guide thématique a été utilisé pour garantir que les données recueillies soient bien centrées sur les objectifs de l'étude.
Analyse des données
Les informations sur les participants à l'étude ont été recueillies à l'aide d'une enquête en ligne, réalisée auprès de chaque groupe. Tous les enregistrements des groupes de discussion ont été retranscrits mot pour mot à l'aide d'un logiciel de transcription, puis vérifiés par le premier auteur pour en certifier l'exactitude. L'anonymat a été préservé tout au long de l'étude grâce à l'attribution de codes aux participants, connus uniquement du premier auteur.
Les données ont été analysées dans un cadre structuré. Cette méthode est utilisée dans la recherche qualitative en santé et possède une structure claire et une approche systématique pour promouvoir la transparence du développement thématique. Une approche inductive a été utilisée pour dériver des thèmes à partir des données. La première auteure s'est d'abord familiarisée avec les données en lisant les transcriptions à plusieurs reprises et en identifiant les sujets récurrents ou de fond. Un index thématique a ensuite été développé, puis affiné par des discussions avec l'équipe de recherche.
Les données ont été indexées en attribuant des codes à chaque transcription. Cette opération a été réalisée par la première auteure et revue par la seconde auteure après que deux groupes de discussion aient été codés pour explorer les thèmes. Issus du processus analytique, ces thèmes ont été examinés et discutés avec l'ensemble de l'équipe de recherche. Les données codées ont été synthétisées et résumées dans des matrices thématiques, chaque thème principal étant une matrice distincte. L'interprétation des données a été réalisée avec le but de cartographier les liens de toutes ces données entre elles, d'explorer les justifications et les implications des faits constatés. La première auteure a réalisé la cartographie et l'interprétation thématique, avec une revue et des discussions avec l'équipe de recherche. Ensuite, les données ont été gérées sous Microsoft Excel. Cette méthode d'analyse a permis la triangulation des données grâce à une analyse multi-personnes, la triangulation des enquêteurs étant utilisée au sein de l'équipe de recherche afin de minimiser les biais.
RÉSULTATS
Caractéristiques des participants.
Au total, 14 orthophonistes ont participé à six groupes de discussion (deux groupes de trois participants et quatre groupes de deux participants) entre août et décembre 2022. Tous les participants se sont identifiés comme des femmes et la plupart ont déclaré être d'origine ethnique blanche (93 %) et 7 % mixte. La moitié des participantes travaillait dans les services publics, 43 % travaillaient dans un établissement privé Elles étaient soit indépendantes, soit travaillaient pour le NHS (57%). La plupart des participantes à l'étude (86 %) ont déclaré travailler à Londres et dans le sud-est de l'Angleterre, certaines résidaient dans le nord-ouest de l'Angleterre et au Pays de Galles.
Principaux résultats.
Sept thèmes principaux ont permis de cerner les expériences rencontrées par les participantes qui ont pratiqué la télésanté. Les thèmes identifiés étaient : l'évaluation des pratiques, la technologie utilisée, les facteurs spécifiques aux patients, les facteurs spécifiques à la famille, aux aidants et à l'environnement, les facteurs spécifiques aux orthophonistes, les avantages de la pratique par télésanté, et enfin ce que serait le monde idéal de l'usage de la télésanté. Les verbatims des orthophonistes qui ont participé à l'étude sont inscrits en italique.
Évaluation des pratiques.
Les points de vue divergeaient quant à savoir si la télésanté se prêtait davantage à une évaluation formelle ou informelle. L''évaluation formelle était considérée comme adaptée aux plateformes de télésanté, mais certaines participantes préféraient les évaluations informelles, plus rapides à mettre en place et plus faciles d'accès à certaines personnes atteintes d'aphasie.
Les évaluations qui reposaient sur la production de langage étaient considérées comme moins difficiles à présenter, car elles nécessitaient moins de ressources et d'adaptations. Les éléments d'évaluation visuelle étaient identifiés comme simples à partager sur écran (p. ex., stimuli pour la description orale d'images), mais la visualisation des éléments dans l'environnement de la personne pouvait s'avérer complexe.
L'adaptation des évaluations sur la manière dont les personnes atteintes d'aphasie pouvaient y répondre ont été décrites. Par exemple, les échelles d'évaluation ont été jugées faciles à adapter et à noter. Des inquiétudes ont toutefois été exprimées quant à la légalité de la numérisation pour s'adapter aux évaluations, ainsi qu'à la fiabilité des réponses des personnes atteintes d'aphasie : « On dépend de la présence d'une autre personne ou de l'accord de tous sur un système de numérotation et on nous indique lequel. Mais tout cela semble moins fiable si c'est celui que l'on utilise ».
Les supports de l'examen à distance ont été envoyés à l'avance ou présentés au moment de l'évaluation en temps réel, selon les besoins et les compétences des personnes atteintes d'aphasie. La notation des évaluations a été décrite comme similaire à celle des évaluations en présentiel. Certaines participantes ont indiqué que l'évaluation par télésanté était plus facile, car les personnes atteintes d'aphasie n'étaient pas distraites par les réponses écrites de l'orthophoniste. Elles ont trouvé « la documentation légèrement plus ordonnée et structurée ».
La technologie numérique.
Treize participants ont indiqué que le confinement lié à la COVID-19 au Royaume-Uni avait motivé leur premier recours à la télésanté, à l'exception d'une participante qui a déclaré avoir eu « quelques séances en ligne » avant la pandémie.
Après la pandémie, la plupart des participants ont déclaré avoir eu moins souvent recours à la télésanté. Les orthophonistes préfèrent réaliser la télésanté sur ordinateur portable, avec un accès simple et rapide à la plateforme de visioconférence : « Nous recommandons toujours les iPad car leur utilisation est intuitive, mais Zoom sur iPad est vraiment difficile, et il est tellement plus facile de se connecter à Zoom sur un ordinateur portable ».
La plateforme de visioconférence utilisée pour l'évaluation des patients aphasiques par télésanté présentait cependant certaines difficultés d'usage, notamment l'impossibilité de contrôler l'appareil côté patient, de résoudre les difficultés techniques ou de visualiser toutes les réponses. La configuration de la plateforme Zoom pour les séances de rééducation par télésanté était considérée comme complexe par les patients. Le positionnement de la caméra était également perçu comme un défi dans la plupart des groupes.
Facteurs spécifiques aux patients aphasiques
Un trouble cognitif était perçu comme un obstacle important à l'évaluation des patients par télésanté : « La cognition a un impact sur la capacité d'une personne à s'engager dans la rééducation ».
La charge cognitive de l'évaluation de l'aphasie en télésanté, en particulier pour les fonctions exécutives telles que le contrôle de l'attention et la résolution de problèmes, était considérée comme importante. Elle nécessitait une gestion active de la part de l'orthophoniste en proposant des séances de rééducation plus courtes, un accompagnement étape par étape adapté à l'aphasie. Les déficiences visuelles, auditives et physiques sont considérées comme ayant un impact important sur l'évaluation du patient par télésanté (par exemple, la capacité à positionner l'appareil/la caméra).
L'aphasie sévère a également été considérée comme un obstacle à l'évaluation orthophonique par télésanté, car la plateforme de télésanté permet surtout une communication verbale, laquelle peut empêcher les personnes en aphasie sévère de communiquer efficacement (par exemple, en dessinant ou en écrivant). Une participante a expliqué comment la gravité de l'aphasie était prise en compte dans les critères d'utilisation de la télésanté : « Les personnes devaient comprendre au moins deux instructions clés… c'est tellement frustrant pour quelqu'un qui souffre d'aphasie réceptive très sévère d'essayer » .
La compétence en matière d'utilisation des technologies numériques a été perçue comme un facteur facilitant le recours à l'évaluation par télésanté. Les personnes vivant de manière plus autonome et les plus jeunes possédaient un bon niveau de compétence en technologie numérique. Pour les personnes âgées, la possibilité d'utiliser souvent la télésanté fut considérée comme un moyen d'améliorer la confiance dans l'outil et par voie de conséquence l'efficacité de la rééducation orthophonique
Cependant, la plupart des participantes à l'étude ont indiqué que les personnes âgées avaient besoin d'aide pour accéder efficacement à l'évaluation orthophonique de leur aphasie par télésanté. Tenir compte des compétences des personnes âgées dans l'usage des outils numériques était essentiel : « Il est essentiel de connaître d'abord les compétences d'une personne, car il ne faut pas la bombarder d'instructions, l'offenser ou la traiter avec condescendance ».
La plupart des participantes ont signalé la nécessité de redoubler d'efforts pour établir une relation de confiance par télésanté avec les personnes atteintes d'aphasie. Les retards de connexion affectent la dynamique des échanges et « perturbent le naturel de la conversation ». Un autre point de vue a été exprimé par une participante travaillant uniquement comme orthophoniste à distance : « On construit simplement cette relation, comme on le ferait en présentiel, sans grande différence… c'est assez naturel ».
La nécessité de mettre les personnes à l'aise lors de l'évaluation orthophonique par télésanté favorise la participation. Les stratégies décrites pour établir une relation de confiance comprennent une première rencontre en présentiel afin de prendre le temps de discuter avec les patients avant de commencer l’accompagnement par télésanté. Il est important de travailler avec le même professionnel. L’observation des réponses émotionnelles et des signaux subtils a été soulignée comme étant plus difficile en télésanté, pouvant affecter le soutien que les participantes estiment pouvoir offrir : "Je pense que c'est probablement la même chose qu'en présentiel, mais avec quelques obstacles supplémentaires : il faut savoir reconnaître l'impact des difficultés rencontrées lors des évaluations en télésanté ou savoir quand adapter son style d'échange. Ça peut être un peu plus difficile à travers un écran."
Les participantes ont signalé que l'introduction des séances d'orthophonie par télésanté pouvait être source d'anxiété chez certaines personnes atteintes d'aphasie, les difficultés techniques s'ajoutant à cette situation. La réticence des personnes atteintes d'aphasie à s'engager dans la télésanté et leur frustration face à leur évaluation à distance ont été soulignées. Les participantes ont suggéré que le réconfort et des pauses régulières étaient des stratégies utiles pour favoriser l'engagement des patients.
Les participantes ont souligné que des inégalités étaient apparues lors de l'introduction de la télésanté. Le manque d'accès à Internet, de technologie numérique et les obstacles financiers ont beaucoup affecté la participation de certains patients. L'accès à des services vidéo a constitué une amélioration en matière d'équité, un sous-groupe le considérant comme préférable à l'évaluation par téléphone. L'isolement social et l'inaccessibilité aux réseaux de soutien pendant le confinement ont également été évoqués : « Que nous apprend l'impossibilité d'utiliser Zoom lors de l'isolement social dû à la pandémie ? » "Il y a des risques à voir des gens simplement en ligne, et à passer à côté du fait qu'ils peuvent se trouver dans un environnement difficile, qu'ils peuvent être confrontés à des risques pour la protection de leur intimité ou d'autres choses qu'ils vous révèlent dans ces situations et qui vous permettent de travailler de manière beaucoup plus holistique".
Facteurs spécifiques à la famille, aux aidants et à leur environnement
Le soutien familial des personnes atteintes d'aphasie a été identifié comme un facteur important pour l'évaluation de l'aphasie par télésanté : « Nous comptions beaucoup sur les membres de la famille ou les personnes présentes ».
Les avantages du soutien familial sont bien identifiés : l'aide à la configuration de l'appareil et de la plateforme, l'aide à la direction du regard du patient, la facilitation à communiquer sous divers modes d'expression.
Les membres de la famille sont considérés comme disponibles pour l'évaluation orthophonique par télésanté et peuvent jouer aussi un rôle d'observateur : « Le fait de pouvoir se réunir avec les personnes de l'entourage du patient a été vraiment un avantage, permettant de partager l'évaluation de l'aphasie en temps réel ».
Les difficultés rencontrées dans le soutien familial concernent la maîtrise des technologies pour accompagner les patients, la gestion du temps nécessaire à cet accompagnement, le refus d'aide de certains membres de la famille et le refus de soutenir les patients eux-mêmes. Un sous-ensemble de participantes a décrit des difficultés d'accès aux maisons de retraite, notamment lorsque différents membres du personnel interviennent pour la réservation et la participation aux séances.
Les participantes ont jugé importante la maitrise de l'environnement lors de l'évaluation orthophonique de l'aphasie par télésanté. Parmi les stratégies envisagées figurent le temps passé avec les membres de la famille pour les aider à comprendre leur rôle et la nécessité de demander qui est présent dans la salle virtuelle au début de chaque séance. Cependant, le manque d'intimité, le bruit et la difficulté à savoir si les personnes atteintes d'aphasie étaient sollicitées par d'autres personnes présentes dans la salle pendant l'évaluation constituaient de réelles difficultés. Les participantes ont aussi indiqué qu'il était difficile de comprendre l'impact de ces facteurs lors de l'évaluation des patients : C'est comme une couche supplémentaire qu'on ne peut tout simplement pas contrôler… C'est tellement plus difficile à faire en ligne… Parfois, je trouve ces petites… euh, des façons douces de contrôler l'environnement. On ne peut tout simplement pas zoomer de la même manière.
Facteurs spécifiques aux orthophonistes
Le recours à l'évaluation de l'aphasie par télésanté est facilité par le partage d'idées et de conseils pratiques au sein des équipes, l'élaboration de guides pédagogique et de dépannage technique, la collaboration avec les étudiants et la mise en relation avec des professionnels experts. La collaboration avec des assistants ou des bénévoles pour aider les personnes atteintes d'aphasie à configurer leur outil d'évaluation par télésanté est également un facteur déterminant. Les participants à l'étude ont déclaré être les moteurs de l'utilisation de la télésanté au sein d'équipes multidisciplinaires : "Mon équipe a été d'une aide et d'un soutien précieux pour aider les gens à s'intégrer efficacement. Nous ferons donc tout notre possible pour aller chez vous et faire une séance de simulation avec vous… c'est excellent pour la suite de votre parcours".
L'obstacle à l'utilisation de la télésanté est lié à la gouvernance de l'information par certains services au début du confinement lié à la COVID-19 au Royaume-Uni. Cependant, des limitations subsistaient concernant les options de plateforme, l'absence de connexions individuelles et les restrictions de sécurité telles que le verrouillage de confidentialité à l'entrée des patients dans les salles virtuelles. Le manque d'accès aux appareils nécessaires à la réalisation des pratiques de télésanté est largement cité comme un obstacle, avec des retards initiaux dans la mise à disposition des technologies numériques.
L'absence de disponibilité de salles de Visio en établissement de santé est identifiée comme un obstacle à la poursuite de l'utilisation de la télésanté dans l'accompagnement des patients en aphasie, tandis que d'autres participants signalent un accès plus facile aux salles d'établissements privés. La connexion Internet a également été citée comme un facteur à la fois facilitateur et un obstacle. Un groupe a indiqué que la connexion Internet insuffisante dans son lieu de travail affectait sa capacité à poursuivre l'évaluation par télésanté. Disposer d'une connexion Internet stable est identifié comme un facteur clé à la réalisation de l'évaluation d'un patient aphasique par télésanté.
L'impact du recours à la télésanté sur les orthophonistes est aussi décrit : épuisement, inquiétude pour les personnes aphasiques pendant la pandémie et sentiment d'isolement. L'inégalité des services offerts aux personnes aphasiques pendant la pandémie a affecté plusieurs participants à l'étude, l'une d'elles déclarant que « ce n'était pas juste ». Les stratégies pour gérer les contraintes de la télésanté comprenaient des pauses régulières en séance, un repos des yeux et avoir des occasions de se déconnecter au cours de la journée. "Vous étiez habitué à des évaluations assez consécutives… disons, en fait, je vais juste réserver toutes les 15 minutes, une demi-heure, et m'assurer de faire une pause quand vous en avez besoin… "
Les compétences des orthophonistes peuvent aussi affecter la réalisation des évaluations en télésanté, avec une variabilité en termes de confiance, de résilience et de compétences. Les participants ont indiqué utiliser régulièrement l'évaluation de leurs patients par télésanté : « C'est presque devenu une seconde nature maintenant ». Être récemment diplômé en tant qu'orthophoniste et utiliser l'évaluation par télésanté pendant le confinement a été perçu comme un défi par une participante. Une autre participante a indiqué préférer faire l'évaluation des patients aphasiques en présentiel, se décrivant comme un « thérapeute en ligne réticent ».
Prévoir du temps de préparation avant l'évaluation par télésanté était largement perçu comme essentiel, notamment pour une compréhension approfondie de la plateforme de télésanté. Les participants ont indiqué qu'une séance de pré-évaluation en présentiel était un élément important pour faciliter l'évaluation des patients par télésanté, visant à réduire l'impact de la technologie sur la performance et à offrir l'occasion de former les personnes atteintes d'aphasie ou leurs aidants : « Nous avons appelé cela une vérification technique… Nous les avons donc familiarisés avec le déroulement des séances et appris à les connaître ». D'autres éléments facilitant l'évaluation comprenaient la résolution de certains problèmes (par exemple, comment aborder les conversations difficiles ou comment les personnes atteintes d'aphasie utilisent l'outil technologique) et la maitrise des distractions du clinicien.
Avantages de l'évaluation de l'aphasie par télésanté
Une flexibilité du travail orthophonique. L'offre de services hybrides, à la fois télésanté et présentiel, l'accès facilité aux patients et le télétravail sont considérés décrits comme des avantages : « L'intimité, l'espace, une connexion internet correcte et un ordinateur portable que je connaissais bien ». Parmi les autres avantages pratiques, on peut citer la possibilité de trouver des rendez-vous à des heures inaccessibles en présentiel (par exemple, tôt le matin, sans déplacement nécessaire), l'absence de planification préalable pour se rendre au domicile des patients aphasiques et l'efficacité des évaluations centralisées en ligne.
Une productivité du travail meilleure qu'en présentiel, principalement grâce à la réduction du temps de trajet pour se rendre au domicile des patients : « D'une certaine manière, je pense que cela peut nous rendre plus productifs et plus centrés sur le patient ». Ce gain de temps a permis de mieux préparer les séances par télésanté, d'augmenter le nombre de rendez-vous dans la journée (voire des séances plus courtes), de voir les patients plus régulièrement et de réduire les délais d'attente : « Prendre 20 minutes aujourd'hui et 20 minutes demain… c'est vraiment plus productif en équipe de procéder de cette façon ». Les personnes aphasiques susceptibles de bénéficier de la télésanté étaient mieux identifiées à partir des dossiers des patients
Le gain de temps du suivi par télésanté est également constaté par les patients, car ils n'ont pas besoin de se déplacer : « Potentiellement, elles peuvent voir leurs meilleurs atouts ». Les rendez-vous pouvaient aussi être proposés à des moments plus adaptés, en particulier lorsque les patients n'étaient pas à leur domicile, au travail ou en vacances. Parmi les autres avantages perçus par les orthophonistes de l'étude, on peut citer le fait que les patients se sentent à l'aise à leur domicile, sans le stress lié aux déplacements pour une évaluation en présentiel, et qu'elles adoptent rapidement un comportement d'autogestion.
La possibilité de proposer un service d'orthophonie par télésanté pendant les restrictions liées au confinement au Royaume-Uni a été largement citée comme un avantage. Les éventuels obstacles à l'évaluation par télésanté ont été surmontés, en partie grâce à la mise à disposition de ressources par les pouvoirs publiques qui ont permis l'accès aux personnes cliniquement vulnérables. La possibilité de continuer à proposer des stages de télésanté aux étudiants a également été identifiée comme un aspect positif.
Quel serait le monde idéal des soins par télésanté chez les patients aphasiques ?
Les orthophonistes participant à l'étude ont identifié une variété de ressources pour améliorent l'évaluation des patients aphasiques par télésanté : notamment davantage de technologie pour les services, un espace pour partager des informations et des ressources avec d'autres professionnels, une formation formelle pour l'utilisation de l'évaluation par télésanté, du temps pour effectuer l'évaluation au rythme des PVA afin que les patients aient des sessions de configuration technologique personnalisées. "J'aimerais bénéficier de l'expérience acquise dans le développement de ces services, de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas… plutôt que de les utiliser simplement comme un outil, simplement parce qu'ils sont disponibles, et d'en tirer le meilleur parti cliniquement."
Des guides papier et vidéo ont été proposés aux professionnels pour les aider à utiliser les plateformes et à réaliser l’évaluation de leurs patients par télésanté, afin d'améliorer leurs compétences. Les professionnels ont accès à un large éventail d'évaluations conçues pour la télésanté, soit formelles comme des évaluations de lecture et de l'aphasie dans d'autres langues, soit informelles. Un sous-ensemble de participantes à l'étude a proposé une plateforme où les évaluations sont stockées et accessibles tant aux orthophonistes intéressés par la télésanté qu'aux personnes atteintes d'aphasie, ces dernières pouvant observer les réponses d'autres personnes également aphasiques en temps réel ou les consulter ultérieurement : « Disposer d'une plateforme en ligne ou d'une plateforme capable de produire les stimuli et les images d'évaluation… où le patient accède à l'application et complète l'évaluation ».
L'importance d'offrir des choix aux patients et de les rencontrer également en présentiel a été soulignée par tous les participants. L'un d'eux a expliqué qu'il percevait la télésanté comme une prestation inférieure à celle des soins orthophoniques en présentiel. Offrir le choix aux personnes aphasiques a été jugé crucial par les participantes à l'étude.
La mise en place d'un parcours de soins hybride a été jugée bénéfique par toutes les participantes, et cela autant pour les orthophonistes que pour les personnes atteintes d'aphasie: « Je pense que cela fonctionne très bien chez beaucoup de personnes ». Les descriptions des approches hybrides variaient toutefois selon les participants, certains ayant recours d'emblée à l'évaluation par télésanté, d'autres préférant rencontrer préalablement en présentiel les personnes aphasiques. "Il y a beaucoup d'évaluations différentes que je peux très bien faire en ligne. Mais j'aime bien ensuite faire une évaluation en présentiel pour terminer… Je peux le faire de manière hybride. J'ai donc l'impression de bénéficier du meilleur des deux mondes."
La télésanté a été intégrée aux pratiques orthophoniques actuelles en post-pandémie, un sous-ensemble de participantes déclarant une répartition équitable de la charge de travail entre l'évaluation par télésanté et la prestation habituelle en présentiel. Des investissements dans les ressources pour la télésanté ont été identifiés par un sous-ensemble de participantes : « Il est impératif que les établissements du NHS reconnaissent que s'ils souhaitent ce modèle hybride, rentable à bien des égards, ils doivent investir dans les ressources et les systèmes ».
DISCUSSION
Cette étude explore les expériences et les points de vue des orthophonistes qui utilisent la télésanté pour les soins aux personnes atteintes d'aphasie post-AVC.
Les facteurs qui facilitent l'évaluation des patients par télésanté comprennent l'accès à des ordinateurs portables ou des tablettes, une connexion internet performante, la formation des personnes atteintes d'aphasie à l'utilisation des plateformes de télésanté, des évaluations de l'aphasie personnalisées, l'accès à un accompagnant si nécessaire et un temps nécessaire à la préparation de l'évaluation par télésanté.
Les obstacles et les défis sont l'insuffisante compétence des personnes atteintes d'aphasie et des orthophonistes à utiliser les technologies numériques et les plateformes de télésanté, les troubles cognitifs, la sévérité de l'aphasie, le contrôle réduit de l'environnement et la gestion des situations émotionnelles liées à l'évaluation. L' expérience est positive lorsque les patients bénéficient du modèle de soins hybride, qui offre aux personnes atteintes d'aphasie un choix éclairé entre le distanciel et le présentiel, une relation thérapeutique solide et une gestion adaptée de l'évaluation orthophonique personnalisée.
L'une des principales conclusions de l'étude est l'importance de la préparation et de la formation pour réussir l'évaluation orthophonique par télésanté, tant chez les professionnels que chez les personnes atteintes d'aphasie. Offrir une formation pratique aux personnes atteintes d'aphasie afin de les familiariser dans l'utilisation de la plateforme numérique (par exemple, en s'exerçant aux fonctionnalités clés requises pour l'évaluation en télésanté) peut améliorer la compétence et minimiser les obstacles à l'accès à la télésanté, tout cela étant précisé dans les guidelines sur les bonnes pratiques de télésanté.
La préparation des orthophonistes à la mise en place de leurs services d'évaluation des patients aphasiques par télésanté comprend le développement de ressources pratiques chez les patients et les professionnels, le développement clinique de l'utilisation de la télésanté et l'adaptation aux évaluations orthophoniques. Les limitations de ressources, telles qu'une connexion Internet instable et l'insuffisance de personnel accompagnant, semblent avoir un impact négatif sur la préparation effectuée par les orthophonistes. L'adaptation des évaluations orthophoniques pour pratiquer la télésanté semble essentielle, des efforts devant être faits pour maintenir une présentation de l'évaluation sous une forme normative. Cependant des difficultés apparaissent sur le manque de fiabilité de ces résultats. Les évaluations de communication verbale, comme celles recommandées par le Boston Naming Test, ont été globalement jugées plus faciles à adapter. Cependant, certaines données suggèrent que la notation des tâches en télésanté n'était pas équivalente à celle obtenue en présentiel. L'établissement d'une période de d'entrainement et l'enregistrement des séances pour une révision ultérieure peuvent favoriser une notation plus précise.
Le niveau d'invalidité post-AVC peut avoir un impact sur la gestion des évaluations orthophoniques par télésanté.
Les obstacles. Les troubles cognitifs, physiques, sensoriels et la gravité des troubles du langage sont identifiés comme des obstacles. Cependant, ces obstacles ne sont pas propres à la télésanté mais aussi au présentiel. Le recours à des assistants pour les personnes atteintes d'AVC lors de l'évaluation a été identifié comme un facteur facilitateur important pour surmonter les obstacles.
L'apport de l'environnement. Il est important d'identifier les membres de la famille ou les aidants, les assistants en réadaptation et les travailleurs de soutien, lesquels peuvent bénéficier d'une formation personnalisé en télésanté. Des obstacles et des facilitateurs similaires (tels que l'accès aux ressources et la confiance des professionnels) ont été signalés dans une étude explorant l'opinion des orthophonistes sur l'évaluation par télésanté des troubles du langage chez les enfants. Cela suggère une certaine cohérence des facteurs permettant l'évaluation orthophonique par télésanté, avec la possibilité d'une croissance régulière de cette pratique distancielle à partir des établissements de santé.
Malgré les recommandations du NHS de poursuivre les développements technologiques et les soins de santé utilisées pendant la pandémie de COVID-19, il ne semble pas y avoir eu d'utilisation soutenue de l'évaluation orthophonique des aphasiques par télésanté après la pandémie. La plupart des participantes à cette étude travaillaient au NHS. Elles ont décrit leur expérience d'utilisation de la télésanté pendant la pandémie de COVID-19 et rarement comme une pratique courante post-pandémie.
Les obstacles perceptifs et institutionnels décrits dans les résultats de notre étude (c.-à-d. la télésanté qui ne donne pas le même ressenti que les évaluations en présentiel, l'aphasie sévère et la fourniture de ressources variables) peuvent avoir influencé l'abandon de la prestation de la télésanté après la pandémie. Ces facteurs, y compris l'adoption forcée de la télésanté pendant la pandémie, sont décrits comme des obstacles à la poursuite de l'utilisation post-pandémie de la télésanté.
L'investissement financier pour développer la télésanté a été identifié comme une exigence substantielle pour faciliter le recours à l'évaluation des patients aphasiques par télésanté. Cela comprend l'acculturation numérique, qui est considérée comme une priorité absolue par les organisations de santé nationales et internationales. Les incitations financières à fournir une évaluation orthophonique par télésanté semblent motiver le professionnel à offrir une prestation flexible et personnalisée. L'amélioration de l'accessibilité aux services de télésanté génère des coûts de déplacement réduits et des économies chez les utilisateurs de ces services.
Des aspects psychosociaux de la vie lorsqu'on a une aphasie ont été identifiés par les participantes à l'étude comme un domaine d'évaluation important et sous-estimé, comme le confirme la littérature récente. Il est sans doute difficile de réaliser cette pratique distancielle sans avoir noué une relation thérapeutique étroite entre les personnes atteintes d'aphasie et les professionnels. Il est suggéré de travailler à ces bonnes relations thérapeutiques pour améliorer l'expérience du patient aphasique. Pour ces patients, reconnaître les nuances subtiles dans l'échange verbal, avoir un comportement amical et ouvert, et voir toujours le même professionnel à chaque séance, sont des facteurs qui contribuent à faciliter des relations solides. Les participantes à l'étude ont identifié cette alliance étroite comme un élément clé lors de l'évaluation des patients par télésanté, et ont souligné l'impact potentiel de cette pratique distancielle sur les résultats thérapeutiques (par exemple, une mauvaise connexion Internet ou une difficulté à reconnaître les signaux subtils de l'échange sur un écran sont des facteurs qui altèrent les résultats).
Ainsi, avoir une expérience positive de cette relation thérapeutique est considéré comme un élément essentiel de l'évaluation orthophonique par télésanté. Un modèle hybride de prestation de soins, combinant soins en présentiel et télésanté, a été décrit comme préférable, privilégiant les soins centrés sur la personne et offrant des choix judicieux aux patients.
Le recours à la télésanté chez les personnes atteintes d'aphasie reste un domaine de recherche en pleine évolution, la réadaptation du langage devant être équitable entre les prestations en présentiel et celles par télésanté. L'élaboration d'une base de données probantes , pourrait favoriser une utilisation accrue de la télésanté dans les services d'orthophonie. Le développement de compétences dans l'utilisation de l'évaluation orthophonique par télésanté chez les professionnels et le partage de bonnes pratiques de télésanté peut favoriser le développement de cette offre de soin distanciel.
CONCLUSIONS
Les orthophonistes de cette étude ont identifié les obstacles et les facteurs facilitateurs lors de l'utilisation de l'évaluation des soins orthophoniques par télésanté chez les personnes atteintes d'aphasie. Ces facteurs peuvent influencer les pratiques actuelles, la préparation des patients, des professionnels, ainsi que les services à mettre en œuvre pour que l'évaluation orthophonique par télésanté soit de grande qualité. Une expérience positive chez les patients est essentielle à la réussite de ces nouvelles pratiques, et les orthophonistes de cette étude restent déterminés à y parvenir. Un modèle d'évaluation hybride semble être un axe de développement important pour les patients et les professionnels dans le contexte post-pandémie.
14 mai 2025